Attaque de Colombes : le profil très politisé du terroriste présumé

Mis en examen pour tentatives d’assassinats terroristes et écroué, l’auteur de l’attaque contre deux policiers lundi à Colombes présente le profil d’un islamiste radicalisé au discours structuré et très politisé.

33CLM5EDQVATVGYYU44KTUIJP4Le suspect a percuté au volant de sa BMW deux policiers, motards de la Direction de l’ordre public et de la circulation, qui ont survécu à leurs blessures. DR

Après trois jours et quatre nuits en garde en vue dans les locaux de la brigade criminelle à Paris, l’auteur de l’attaque à la voiture-bélier qui a grièvement blessé deux policiers lundi à Colombes (Hauts-de-Seine) apparaît sous un jour nouveau aux yeux des enquêteurs. Youssef T., 29 ans, né à Lunéville près de Nancy (Meurthe-et-Moselle), inconnu des services de renseignement, n’est pas un homme fragile psychologiquement qui aurait agi sous l’effet d’une pulsion mortifère et d’un rapprochement soudain avec l’islam radical. Une hypothèse envisagée dans un premier temps au regard d’un lointain antécédent psychiatrique.

C’est au contraire un individu très politisé, connaisseur de l’histoire du conflit israélo-palestinien et présentant un fort intérêt pour l’actualité au Mali et en Somalie, théâtres d’opérations anti-djihadistes menées par l’armée française. Habité par de fortes convictions propalestiniennes et infusé par des discours anti-occidentaux depuis une douzaine d’années, il aurait ensuite dérivé silencieusement, solitairement et imperceptiblement lors des trois dernières années vers une radicalisation violente.

La pandémie de Covid-19, un signal divin

Se revendiquant d’un chef de l’État islamique au Sahel, Abou Walid Al Sahraoui, qu’il a présenté à tort dans sa lettre d’allégeance comme le successeur du défunt calife de Daech, Youssef T. aurait agi seul. « Ce n’est pas un grand intellectuel mais il a des connaissances géopolitiques et n’est pas déséquilibré », résume un proche de l’enquête. Aujourd’hui, il dit assumer complètement son attaque et accepte l’idée qu’il puisse vivre le restant de ses jours en prison. « Puisque Allah m’a désigné », a-t-il expliqué lors de sa garde à vue, interrogé par la section antiterroriste de la brigade criminelle de Paris.

Après plusieurs années de « maturation », la cristallisation de sa dérive radicale survient lors de ces dernières semaines de confinement. Au chômage après avoir travaillé comme cariste sur le port de Gennevilliers, Youssef T. passe l’essentiel de ses journées dans son appartement de Colombes, au quatrième étage d’un immeuble HLM où il entretient des relations de bon voisinage avec plusieurs habitants, sans toutefois se mêler aux jeunes du quartier. Abreuvé de vidéos consacrées au sort des enfants de Gaza, ce célibataire, père d’une fillette vivant dans le Sud qu’il ne voit jamais, écoute aussi à longueur de temps des anasheeds, ces chants guerriers islamiques dont s’inspire la propagande de Daech.

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Le jeune homme explique aussi aux enquêteurs que la pandémie du Covid-19 qui frappe l’Occident représente à ses yeux un signal divin auquel il convient de répondre en passant à l’action. Mais sur quelles cibles frapper? Elles sont toutes trouvées. Pour Youssef T., le confinement induit une présence « plus visible » des forces de l’ordre et des militaires, ces « soldats ennemis » contre lesquels il estime être en guerre. En revanche, pas question, affirme-t-il toujours, de s’en prendre aux civils.

«Taper du flic»

Lundi en fin d’après-midi, il sort de chez lui et se met au volant de sa BMW noire. Galvanisé par des anasheeds, il emporte deux couteaux, l’un à cran d’arrêt, l’autre à longue lame, et une lettre manuscrite dans laquelle il prête allégeance à l’Etat islamique au Sahel et mentionne sa volonté « de se lancer à corps perdu dans la bataille pour imposer la charia sur l’ensemble de la terre ». « Que dieu accepte mon martyr », a-t-il écrit en conclusion.

Youssef T. roule alors dans les rues de Colombes à l’affût d’une « opportunité ». Selon son expression, il veut « taper du flic » mais rien n’est précisément planifié. Il se rend notamment à la boulangerie et achète du pain. Sur le chemin du retour, boulevard Valmy, à moins de 500 m de son domicile, il aperçoit deux policiers en train de contrôler le conducteur d’un véhicule. Il est 17h36. Youssef T. n’hésite pas. Il appuie sur l’accélérateur et percute de plein fouet les deux fonctionnaires, blessant plus légèrement un policier municipal. Lui est protégé par son airbag.

De nombreuses recherches sur le terrorisme et l’état islamique

Au moment de son interpellation, il déclare avoir volontairement foncé sur la police, peu importe le résultat. L’idée était de faire mal. « J’aurais pu les achever au couteau si j’avais voulu mais je ne l’ai pas fait », ajoute-t-il en substance au cours d’une audition. Selon nos informations, l’exploitation de son téléphone et de ses supports informatiques a révélé de nombreuses recherches sur l’état islamique et le terrorisme. En réponse à une question sur un éventuel projet de voyage en Syrie, Youssef T. répond qu’il aurait pu avoir un intérêt à rejoindre un pays où règne la charia mais qu’il n’avait pas de contacts sur place.

À l’issue de sa garde à vue vendredi matin, il est présenté devant un juge antiterroriste et mis en examen dans la journée pour « tentatives d’assassinats sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste ». Il a été placé en détention provisoire. Quant aux deux policiers, motards de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), ils ont survécu à leurs blessures après avoir subi, pour l’un d’entre eux, une très lourde opération à la tête.

L’expertise psychiatrique de Youssef T. qui s’est tenue mardi a conclu à l’absence d’altération ou d’abolition de son discernement. Contacté, son avocat, Me Fares Aidel, n’a pas souhaité faire de commentaires. Il indique porter plainte pour « violation du secret de l’enquête, du droit à la présomption d’innocence et du droit au respect de la vie privée » après la diffusion d’une photo de son client prise au commissariat de Colombes.

Source : Le Parisien

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