« Erreur d’appréciation » : la lettre au vitriol des commissaires et officiers de police contre la méthode Castaner

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Christophe Castaner a décidé de revaloriser les gardiens de la paix, mais pas les cadres de la police. – LUCAS BARIOULET / AFP
Le syndicat des commissaires de police et celui des cadres réclament ce jeudi 20 décembre la tenue d' »assises de la sécurité » auprès du ministre Christophe Castaner. Ils critiquent sa méthode, après l’octroi d’une augmentation de 120 euros mensuels aux seuls gardiens de la paix.

Une lettre aiguisée au couteau. Le syndicat des commissaires et celui des cadres de la sécurité intérieure, écrivent ce jeudi 20 décembre à leur ministre sans mâcher leur mot. « Précipitation« , « erreur d’appréciation »… Après l’annonce d’une augmentation pour les seuls gardiens de la paix, les cadres de la police réclament désormais des « assises de la sécurité ». Ils veulent une remise plat générale.

De nombreux commissaires et officiers de police se sont étranglés ce matin en apprenant par la radio que le ministre de l’intérieur avait accordé dans la nuit une augmentation mensuelle de 120 euros en moyenne aux seuls gardiens de police et gradés. « C’est la première fois dans l’histoire de la place Beauvau, que des négociations ont lieu sans la présence des représentants des commissaires et des officiers« , confie à Marianne David Le Bars, le secrétaire général du syndicat des commissaires. « Bien sûr, on est content pour eux de cette augmentation, mais quand j’entends le ministre dire que c’est un début de discussion sur la réforme des statuts, les bras m’en tombent. Comment peut-on envisager de réformer les choses sans nous, les cadres de cette maison ? ». Les 110.000 policiers sont en effet dirigés par 1.600 commissaires et 8.000 officiers. Difficile de discuter de réforme, que tous réclament par ailleurs depuis des années, sans associer aux discussions l’ensemble de la chaîne hiérarchique. C’est pourtant ce qui a été fait entre mardi et mercredi, avec les organisations syndicales des gardiens.

« Tuer dans l’œuf » la grogne

Mercredi, de nombreux allers-retours ont eu lieu entre l’Élysée, Matignon et le ministère de l’Intérieur avant d’accorder cette augmentation inédite de 120 euros à des syndicalistes médusés… qui n’en croyaient d’ailleurs pas leurs yeux. Selon nos sources, au sommet de l’Etat, notamment à Beauvau et Matignon, certains étaient d’ailleurs hésitant à lâcher « autant, aussi tôt« , alors qu’une prime exceptionnelle de 300 euros avait déjà été accordée aux policiers en début de semaine, et ce afin de compenser leur mobilisation face aux gilets jaunes. La décision aurait été prise par l’Elysée de « tuer dans l’œuf » un début de grogne policière, avec un commencement de grève du zèle mercredi, qui a paralysé certains commissariats.

Résultat, le syndicat des commissaires et celui des cadres de la sécurité intérieure adressent aujourd’hui une lettre sans ménagement à Christophe Castaner : « Il est probable que l’urgence de la situation et l’inconfort des autorités ministérielles aient poussé l’exécutif à agir dans la précipitation, écrivent-ils. Ce choix de débattre avec une seule partie de la représentation syndicale d’axes stratégiques, de sujet décrits en outre comme étant une première étape à des changements structurels, n’en constitue pas moins une erreur d’appréciation« .

Capture d’écran 2018-12-21 à 19.29.42Capture d’écran 2018-12-21 à 19.30.37Capture d’écran 2018-12-21 à 19.31.35La suite est du même tonneau : « Il n’est pas concevable d’exclure les cadres d’une réflexion sur le malaise policier et les évolutions futures de l’institution. Ce choix contribue en outre à donner du crédit à certains (…) et alimente une idée fausse et démagogique selon laquelle la police nationale serait scindée entre un front constitué des gradés et gardiens et le reste des policiers actifs« . Sans contester les avancées obtenues par les gradés et gardiens, les deux syndicats de commissaires et officiers dénoncent « la méthode de concertation retenue mercredi« . Pis, ils l’estiment « inopérante » et même de nature à contribuer « à la division« .

Grand débat… sur la sécurité

Dans ce courrier au ministre, les deux syndicats de cadres réclament « des assises de la sécurité intérieure« . Ce grand débat devra porter selon eux tant sur les conditions matérielles, la mutuelle, les avantages sociaux, que sur les « structures » et les « thématiques majeures« . Les deux organisations n’hésitent pas à aborder des sujets tabous. Y compris celui de « la pertinence du maintien de deux forces de sécurité intérieure afin que la surenchère indécente devant les citoyens témoins de comparaisons ineptes cesse définitivement« …

En posant ainsi la question du maintien de « deux forces », police d’un coté, gendarmes de l’autre, les commissaires et officiers abordent LE sujet qui fâche à Beauvau : la question des doublons. Eux dénoncent depuis longtemps un déploiement des forces inégal sur le territoire. « Des solutions de fond réellement réformatrices doivent être trouvées, au delà des mesures catégorielles et partielles décidées en hâte, sous la pression », écrivent les cadres policiers. La balle est à nouveau dans le camp de Christophe Castaner et de son secrétaire d’Etat Laurent Nunez.

Source : Marianne

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