Un surveillant pénitentiaire témoigne : « En cinq ans, je me suis fait agresser deux fois »

blocage-de-prisons-un-surveillant-raconte-son-quotidienLes surveillants de la maison d’arrêt d’Angers était également en grève pour dénoncer leurs conditions de travail. | Franck Dubray

Des opérations de blocage ont lieu ce lundi dans plusieurs prisons françaises. Les surveillants pénitentiaires réclament notamment davantage de sécurité après l’agression de trois de leurs collègues par un détenu djihadiste dans un établissement du Pas-de-Calais.

Violence galopante, manque de moyens et montée du radicalisme : les surveillants pénitentiaires tirent la sonnette d’alarme. Répondant à l’appel des syndicats Ufap-Unsa Justice, syndicat majoritaire, CGT Pénitentiaire et FO Pénitentiaire, les gardiens de prison ont entrepris, lundi, une journée d’action massive. Dans tout le pays, des établissements carcéraux ont été bloqués.

Yann Hervé, 45 ans, est surveillant pénitentiaire depuis 26 ans. Après avoir débuté en région parisienne, il est aujourd’hui en poste à la maison d’arrêt de Nantes et délégué régional de l’Ufap-Unsa. Il demande une « vraie reconnaissance du métier, des moyens et du personnel » et parle de son travail.

Bagarres de plus en plus violentes

« Nos conditions de travail se dégradent. La « voyoucratie » de l’extérieur rejaillit dans les prisons où nous sommes en vase clos. Il y a des choses qu’on ne voyait pas avant : au-delà de vieux règlements de compte entre jeunes qui se côtoyaient au quartier, on voit des bagarres de plus en plus violentes liées aux trafics de stupéfiants. Conséquence, quand il y a un attroupement dans la cour, on évite de s’en mêler pour ne pas devenir les victimes.

En cinq ans, je me suis fait agresser deux fois. Au minimum, on reçoit des insultes et des menaces verbales, mais cela va jusqu’à des coups de poing et des agressions avec des objets, comme une fourchette. Certains détenus nous interdisent d’entrer dans leur cellule, lorsqu’on le fait on se fait insulter. Aujourd’hui, les prisons sont presque des zones de non-droit pour les surveillants. »

Radicalisation des détenus

« La radicalisation prend une grande place en prison. De plus en plus de jeunes détenus à l’abandon dans leur vie familiale sont influencés par d’autres détenus, un petit peu plus âgés, qui font du prosélytisme. Ces personnes radicalisées sont identifiées, mais pas suffisamment. A Nantes, entre dix et quinze sont signalées, mais j’estime qu’environ 50 détenus sont radicalisés ou en passe de l’être. »

« Ici, nous sommes, en moyenne, un agent pour s’occuper de 40 détenus, c’est peu mais incomparable avec la région parisienne où j’ai commencé. À Fresnes ou Fleury-Mérogis, il y a 100 voire 120 détenus pour un seul agent. C’est un vrai problème : on n’a pas le temps de discuter avec eux et donc de détecter d’éventuels problèmes.

En théorie, nous sommes 224 agents à Nantes, mais 200 dans les faits car certains sont en arrêt maladie ou d’autres ont été mutés et n’ont pas été remplacés. On doit donc faire des heures supplémentaires. »

Vague de suicides

« Il y a eu une vague de suicides de détenus à l’ouverture de l’établissement de Nantes. C’est dur à vivre, il y a un temps où les gardiens, notamment les plus jeunes, sont choqués. À chaque découverte macabre, on a tendance à culpabiliser.

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Chez les surveillants, il y a aussi de nombreux suicides (NDLR : l’espérance de vie d’un surveillant pénitentiaire est de 62 ans, le taux de suicide est le plus élevé de la fonction publique). J’ai perdu plusieurs collègues dans ma carrière. Pour autant, ici, on a une psychologue et des réunions d’information pour sensibiliser à ce problème : on est plutôt bien encadrés. »

La cellule ? « Un vrai petit studio »

« J’estime que les prisonniers ont assez de confort. Près de 50 % d’entre eux ont un téléphone portable et ceux qui veulent en avoir un, en ont. Une cellule, c’est un vrai petit studio : il y a la télé, une plaque électrique et une douche. À part la liberté, je ne vois pas ce qui leur manque. »

« Un gardien de prison démarre à 1 300 euros net par mois, primes comprises, pour finir à 2 100 euros net. À cela, il faut ajouter les heures supplémentaires. L’année dernière, j’en ai fait 250 à cause du manque de personnel. »

Source : Ouest France

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