« Un flic mort devient une réjouissance »: le climat anti-flics sur les réseaux sociaux inquiète

archive_photo_1-1992-19922683Le 27 avril, deux policiers ont été grièvement blessés dans une attaque terroriste à Colombes. De nombreux internautes ont exprimé… leur joie (fautes d’orthographe incluses) après ce drame. Glaçant. Photo AFP

« Quand on voit toute cette violence, ces appels collectifs à la haine, au meurtre et le silence des institutions, on se dit que la vie d’un policier ne vaut pas grand-chose. C’est glaçant. »

Depuis des mois sur les réseaux sociaux, forces de l’ordre et familles sont intimidées. De l’insulte à la menace de mort, les slogans #mortauxporcs ou encore « flic suicidé à moitié pardonné » ont inondé la toile.

Un climat de défiance opposant policiers, gendarmes et certains internautes, alimenté par des vidéos et photos.

Dénonçant au départ des comportements violents dans les rangs de la police, notamment lors des manifestations des gilets jaunes et lors de contrôles, le phénomène a pris une ampleur démesurée et dérive lentement vers un appel à la haine.

Il y a quelques jours, la diffusion de deux vidéos – l’affaire de Villeneuve-la-Garenne et l’arrestation en bord de Seine – enflamme les réseaux sociaux.

« Un flic mort devient une réjouissance »

Des menaces et insultes que les forces de l’ordre ne peuvent plus tolérer. Syndicats, fonctionnaires et familles de policiers dénoncent un phénomène qui prend de l’ampleur, notamment sur Facebook et Twitter, et qui inquiète.

« À cause d’affaires qui n’en sont pas, les cités s’embrasent et les réseaux sociaux sont devenus écœurants, indique Julien Ventre, secrétaire départemental du syndicat majoritaire Unité SGP Police du Var. Sans être présents, sans avoir vu l’intégralité de la scène et avant même de connaître les circonstances, des détracteurs de la police crient à la bavure, appellent à la révolte et déclenchent un flot d’insultes et de haine. Un flic mort devient une réjouissance pour certains et tout ça se passe sous les yeux de notre ministère de tutelle (de l’Intérieur, Ndlr), qui ne nous défend presque pas. C’est un scandale. »

Et si la situation pourrait se limiter à des dérives sur le web, les choses vont beaucoup plus loin.

« La haine envers les forces de l’ordre s’est particulièrement accentuée avec les gilets jaunes, précise Matthieu Valet, secrétaire national en charge des jeunes commissaires du syndicat SICP. En complément des insultes et menaces, il y a la diffusion des photos des agents sur les réseaux sociaux pour les porter à la vindicte populaire. Les internautes essayent d’identifier le policier ou gendarme, son affectation, son domicile, et ça peut se matérialiser par des menaces directement chez lui. »

« Les cas avérés, nous les dénonçons »

Pour autant, pas question pour les deux syndicats de cautionner les violences avérées.

« On ne dit pas qu’il n’y a pas d’actes isolés de violences policières, rappelle Julien Ventre. Mais rien ne peut justifier l’appel aux meurtres, l’incitation à la haine et à la révolte. Aujourd’hui, les réseaux sociaux se saisissent de bribes de vidéos pour dénoncer des bavures sans contexte, qu’on repasse en boucle. On crée des amalgames. Un policier a fauté, c’est l’ensemble de la profession qui est traîné dans la boue. La police est républicaine, elle est à l’image de la société. Des actes isolés, de violence ou de racisme, il y en a et il y en aura toujours, mais il ne faut pas généraliser, ce sont des actes à la marge! »

Même discours du côté du représentant du SICP: « Il y a des cas avérés et quand c’est le cas, nous les dénonçons. La violence et le racisme n’ont pas leur place dans nos rangs. Après, il ne faut pas oublier que les forces de l’ordre sont des êtres humains et pas des robots. Le problème, c’est qu’on mélange tout et, finalement, c’est l’ensemble de la profession qui est stigmatisé et montré du doigt systématiquement par une poignée de personne, qui sont d’ailleurs toujours les mêmes. On jette l’opprobre sur tous les hommes et les femmes qui composent les rangs de la police et de la gendarmerie, alors que les dérives ne concernent qu’une toute petite minorité. »

Une application au cœur du débat

Autre sujet d’inquiétude au sein des forces de l’ordre, une nouvelle application nommée « Urgence notre police assassine », censée recenser et pouvoir récolter en direct des « vidéos preuves » de violences, bavures et manquements à l’éthique des fonctionnaires.

« Plusieurs syndicats de police, dont le nôtre, ont saisi le ministère de l’Intérieur au sujet de la légalité de cette application, termine Matthieu Valet. Elle peut être dangereuse, il faut voir si elle est dans les clous. On est en droit de se demander qui va pouvoir avoir accès à ces captations d’images. »

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Questions à Perrine sallé : »Les fonctionnaires de police et leur famille sont menacés de mort sur Internet »

Elle s’appelle Perrine Sallé, son conjoint est policier et elle est membre de l’association Femmes des forces de l’ordre en colère (FFOC). Régulièrement menacée sur les réseaux sociaux pour son statut de femme de flic et fière de l’être, elle prend régulièrement la parole pour dénoncer l’augmentation de la haine envers la fonction de son partenaire sur le web.

Comment vivez-vous votre statut de « femme de flic » sur les réseaux sociaux?
Être femme de flic implique aujourd’hui beaucoup de menaces sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter et Facebook. Certains internautes vont très loin et mettent les familles des fonctionnaires en danger. Par exemple, la présidente de FFOC, ses enfants et moi-même faisons régulièrement l’objet de menaces de mort.

Comment se matérialisent ces menaces?
J’ai été traquée et harcelée. En février 2019, par exemple, j’ai déposé plainte contre une personne qui me harcelait quotidiennement. Elle m’appelait sur Facebook n’importe quand, me menaçait de mort. J’ai vécu un mois d’enfer. Quand je voyais son nom, mon sang se glaçait, je devenais parano, j’avais l’impression d’être suivie. La menace était devenue invivable.

Comment réagissez-vous aux propos tenus sur Internet?
Il y a tellement de haine… On veut montrer à tout prix que la police tue et, avec le confinement, cette volonté est exacerbée. Avec l’affaire de Villeneuve-la-Garenne, on a assisté à une explosion de violence. On a vu le hashtag #mortauxporcs en “top tweet” avec des gens qui menaçaient de mort directement fonctionnaires et familles. On s’est sentis en danger et seuls. Les fonctionnaires de police et leurs familles sont menacés de mort sur Internet et le ministre de l’Intérieur nous abandonne. Toute cette haine et la volonté de faire du mal aux policiers et à leurs proches sont passées sous silence. C’est dramatique de se dire que ces mots-là font changer la peur de camp.

Pour autant, vous continuez à prendre la parole à visage découvert…
Je suis extrêmement fière du métier de mon conjoint et je continuerai à prendre la parole pour défendre sa profession. Je ne cautionne pas tout. La violence ou les propos racistes sont inacceptables et salissent la profession, mais ce n’est pas parce que trois abrutis entachent l’uniforme que la police tue ou est raciste. Notre rôle, en tant qu’association, c’est aussi de faire de la pédagogie, de communiquer, avec cette volonté de dénoncer la haine et soutenir fonctionnaires et familles. Aujourd’hui, FFOC a plusieurs missions : celle de soutien et d’attention, celle de lanceur d’alerte, notamment au niveau du public… Et nous souhaiterions mettre en place un accompagnement des familles après un suicide, fléau dans la police.

Source : Var Matin

 

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