Manifestations : quand policiers et gendarmes peuvent-ils recourir à la force ?

Depuis le début de la contestation contre la loi Travail, les CRS et gendarmes mobiles ont encadré quelque 1500 manifestations souvent violentes.

Depuis le début de la contestation contre la loi Travail, les CRS et gendarmes mobiles ont encadré quelque 1500 manifestations souvent violentes. Crédits photo : PHILIPPE LOPEZ/AFP

FOCUS – En l’espace de trois mois de contestations contre la loi Travail, la police des polices s’est vu confier 48 enquêtes judiciaires.

Leur intervention en marge de la rencontre Angleterre-Russie à Marseille a été vivement contestée dans la presse britannique. Leurs méthodes le sont également ces trois derniers mois par les opposants de la loi Travail. En tout, la police des polices s’est ainsi confié 48 enquêtes judiciaires. «Il faut les mettre en parallèle avec les quelque 1500 manifestations souvent violentes», nuançait la semaine passée la directrice de l’IGPN, Marie-France Moneger Guyomarch. Parmi ces cas, se trouvent tout de même deux blessés graves: Romain D., blessé à la tête le 26 mai dernier à Paris, et un étudiant éborgné deux mois plus tôt à Rennes dans des conditions qui restent à déterminer.

Qui est chargé du maintien de l’ordre? Dans quelles mesures les forces mobiles peuvent-elles faire usage de la force? De quelles armes disposent-elles? Le Figaro fait le point.

• Qui est chargé du maintien de l’ordre?

En France, le maintien de l’ordre est confié à deux forces dédiées: les Compagnies républicaines de sécurité (CRS) et les escadrons de gendarmerie mobile. Les deux peuvent intervenir de concert au cours d’une même opération. Au besoin, elles peuvent aussi être épaulées par des compagnies départementales d’intervention, dont le maintien de l’ordre n’est pas la mission exclusive.

«Les CRS sont souvent pointés du doigt à tort», déplore Johann Cavallero, délégué national CRS du syndicat Alliance. Le 26 mai à Paris, dans la rue où Romain D. sera blessé, les CRS ont souvent été mis en cause. Or la grenade de désencerclement incriminée est lancée par un homme d’une compagnie d’intervention de la préfecture de police de Paris. De la même manière, ce sont deux gendarmes mobiles qui montent dans le camion de pompiers.

Quelques détails sur les tenues permettent de les distinguer. Les CRS portent par exemple une lisière jaune sur leur casque, quand cette dernière est bleu roi sur les compagnies d’intervention. Enfin, le casque des gendarmes mobiles est, lui, aux couleurs de la gendarmerie.

• Comment est décidé le recours à la force?

«Obéissance à la loi. Dispersez-vous!» À travers cette formule consacrée, les forces mobiles intiment l’ordre aux manifestants de se disperser. S’ensuivent deux avertissements: «Première sommation: on va faire usage de la force» plus tard suivie de «Dernière sommation: on va faire usage de la force». Ces avertissements doivent être audibles des manifestants ou à défaut prendre la forme d’une fusée rouge.

Au préalable, la dispersion du rassemblement a reçu l’aval de l’autorité publique: préfet, maire ou un officier de police judiciaire. Cette règle souffre tout de même d’une exception: les forces de l’ordre peuvent directement faire usage de la force s’ils sont la cible de violences ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent. La décision revient alors au commandant de la force chargée du maintien de l’ordre.

• De quelles armes disposent les forces mobiles?

Le recours à la force prend dans un premier temps la forme de charges ou de bonds offensifs.
 

«L’emploi de la force, lorsque nécessaire, est conditionné à une gradation dans les moyens ou matériels utilisés», rappelait en novembre 2014 un rapport cosigné de la police des polices et de son pendant côté gendarmerie. Le document, écrit après la mort de Rémy Fraisse à Sivens, distingue ainsi trois phases d’intervention.

Dans un premier temps, toujours sur décision de l’autorité civile, CRS et gendarmes mobiles vont recourir la force physique. Celle-ci prend la forme de charges ou de bonds offensifs. Pour accompagner ces manœuvres, ils disposent de tonfas, bâtons télescopiques, sprays lacrymogènes ou encore de grenades lacrymogènes lancées à la main. Les CRS peuvent aussi mobiliser des engins lanceur d’eau. «À Paris, la préfecture de police refuse l’utilisation de ce dernier alors qu’ils sont moins dangereux et très efficaces», regrette Johann Cavallero.

Si le trouble persiste, l’autorité civile peut alors autoriser l’usage d’armes à feudites «non létales» ou «à létalité réduite», après une ultime sommation. Parmi elles, les grenades lacrymogènes précédemment citées si elles sont projetées par des lanceurs Cougar. Lancées impérativement au ras du sol, les grenades de désencerclement, elles, produisent une détonation projettent 18 petits pavés de caoutchouc. De leur côté, les grenades lacrymogènes instantanées GLI, à effet de souffle, «constituent le dernier stade avant de devoir employer les armes à feu», précise le rapport. Elles requièrent deux hommes: un lanceur et un superviseur.

Les forces mobiles sont aussi dotées d’un lanceur de balles de défense, le LBD 40×46. Il est réputé plus précis que le Flash-Ball Super-Pro car doté d’un viseur électronique avec un cercle rouge entourant la cible. Il doit seulement être utilisé en maintien de l’ordre lorsque «les circonstances le rendent absolument nécessaire», rappelle une dernière circulaire de septembre 2014. Si les forces de l’ordre sont la cible par des tirs, elles peuvent répliquer en dernier recours par des tirs de fusil de précision Tikka.

• Comment les forces mobiles sont-elles formées aux maniements des armes?

«La manipulation de chacune de ses armes nécessite une habilitation», rappelle le syndicaliste. Cette dernière est soumise un recyclage régulier, qui permet de vérifier le niveau technique des personnels qui les utilisent. Pour le LBD 40×46, la formation initiale est de quatre heures pour les gendarmes, six heures pour les policiers. Un recyclage est prévu tous les deux ans.

Mais un formateur policier, interrogé par Mediapart, relativisait toutefois la portée de ces formations: «Au stand de tir, avec ce système de visée, n’importe qui peut très vite le maîtriser. Mais dans la rue, on n’est pas face à des silhouettes en papier. (…). Le temps que le projectile atteigne son but, à quelques dizaines de mètres plus loin, un impact visé au sternum peut se transformer en tir en pleine tête.»

Source : Le Figaro

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