L’interdiction de se syndiquer dans l’armée française remise en question (CEDH)

La Cour de Strasbourg était saisie par l'Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), non reconnue par les autorités françaises, et par Jean-Hugues Matelly, un officier de gendarmerie qui bataille depuis des années pour le droit des militaires à exprimer leurs opinions.

La Cour de Strasbourg était saisie par l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil), non reconnue par les autorités françaises, et par Jean-Hugues Matelly, un officier de gendarmerie qui bataille depuis des années pour le droit des militaires à exprimer leurs opinions. (Crédits : reuters.com)
La Cour européenne des droits de l’homme estime que, en déniant aux membres des forces armées le droit de se syndiquer, les autorités françaises ont violé l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit la liberté de réunion et d’association.

Bientôt des syndicats dans la grande muette ? Les militaires ont le droit d’adhérer à un syndicat même si ce droit peut être assorti de certaines restrictions, a affirmé la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDF) jeudi 2 octobre en condamnant la France. Le ministère de la Défense envisage des « évolutions ».

La juridiction du Conseil de l’Europe estime que, en déniant ce droit aux membres des forces armées, les autorités françaises ont violé l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui garantit la liberté de réunion et d’association.

Deux affaires distinctes

Les juges de Strasbourg ont accepté, dans deux affaires distinctes, le principe de « restrictions légitimes » dans la liberté d’association des militaires. Mais pas au point d’interdire de manière « pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer », comme le fait l’Hexagone.

La première affaire concerne un gendarme de 49 ans, Jean-Hugues Matelly, qui avait créé en 2008 sur Internet le « Forum gendarmes et citoyens ». La direction de la gendarmerie l’avait contraint, lui et les autres gendarmes en activité, à démissionner de cette structure. Et le Conseil d’Etat avait rejeté en 2010 un recours exercé contre cette injonction.

La seconde affaire tranchée jeudi concerne l’Adefdromil, l’Association de défense des droits des militaires, non reconnue par l’État, créée en 2001 par deux militaires, et très active dans la dénonciation et le soutien aux victimes de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dans l’armée. Le Conseil d’Etat avait rejeté les recours de ce groupement contre des actes administratifs, en s’appuyant sur l’interdiction de se syndiquer pour les militaires.

« Une révolution » pour les plaignants

« Cela va être une révolution dans l’armée française, et le gouvernement a aujourd’hui la possibilité de faire une vraie réforme », s’est réjoui auprès de l’AFP, Jacques Bessy, président de l’Adefdromil.

Pour le juriste en droit public Nicolas Hervieu, interrogé par l’AFP,  « il est clair que cet arrêt va impliquer une modification de la législation française ».

Les deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme sont susceptibles d’appel dans un délai de trois mois.

Un « travail de réflexion » lancé

Dans un communiqué, le ministère de la Défense a indiqué « prendre acte de ces décisions » et « va maintenant prendre le temps d’expertiser avec précision la décision rendue et les motifs développés par la Cour ».

« Ce travail d’analyse permettra d’identifier à brève échéance quelles évolutions du droit français doivent être mises en place, et de déterminer les actions à entreprendre pour assurer la conformité de notre droit national aux engagements conventionnels de la France, dans le respect des valeurs fondamentales du statut militaire et, en particulier, celles de l’unicité du statut et de la neutralité des armées ».

Le ministère rappelle par ailleurs que « depuis un an et demi maintenant […], un travail de réflexion a été lancé pour rénover la concertation militaire. Ce travail est engagé dans le dialogue avec les chefs militaires et les instances de concertation militaires ».

Source : La Tribune

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