Le droit des militaires à se syndiquer reconnu: « Un tsunami dans les armées »

La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné la France ce jeudi parce qu’elle interdit les syndicats dans l’armée. Le ministère de la Défense « prend acte de la décision ». Michel Bavoil, capitaine à la retraite, se bat depuis 14 ans pour ce droit. Il réagit pour L’Express.
Le droit des militaires à se syndiquer reconnu: "Un tsunami dans les armées"

Les militaires français ont le de droit de se syndiquer, estime la CEDH. AFP/Jean-François Monier

La Grande muette n’est pas condamnée à se taire. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu ce jeudi des arrêts défavorables à la France, dans deux affaires différentes. Leur point commun réside dans le fait qu’ils estiment que l’interdiction absolue des syndicats au sein de l’armée française est contraire au droit européen. C’est la première fois que les troupes françaises se voient reconnaître ce droit fondamental. Le ministère de la Défense « prend acte de ces décisions et va maintenant prendre le temps d’expertiser avec précision la décision rendue et les motifs développés par la Cour. »

Michel Bavoil, capitaine à la retraite, est fondateur et vice-président de l’Association de défense des droits des militaires (Adefdromil). Après 14 ans de combat, son mouvement a obtenu gain de cause contre l’Etat dans l’une de ces deux affaires. Il réagit pour L’Express à cette décision.

La CEDH vous donne raison contre l’Etat français ce jeudi. Comment accueillez-vous cette décision?

C’est une très grande victoire, cela va être un tsunami dans les armées. Quand nous avons créé l’Adefdromil, en 2001, c’était justement pour faire reconnaître ce droit des militaires à se syndiquer. Cette condamnation est un désaveu total du mythe du chef qui défend les intérêts de ses subordonnés.

L’armée est-elle mûre pour accueillir ce bouleversement?

Il y a toute une frange d’officiers généraux qui croient encore que cela va les empêcher de faire leur travail correctement. Jusqu’ici, on montrait sans arrêt les syndicalistes du doigt au sein de l’armée, comme si c’étaient des fainéants. On vous disait: « Ici, vous n’êtes pas des syndicalistes ». A tous ceux qui s’interrogent, je dis qu’il n’y aura pas de bazar. Les militaires sont des gens responsables. Beaucoup d’officiers et de sous-officiers sont d’ailleurs favorables à cette évolution.

La CEDH note tout de même qu’il peut y avoir des « restrictions légitimes » à la liberté d’association des militaires. Partagez-vous cette réserve?

Bien sûr, nous sommes par exemple, à l’Adefdromil, opposé au droit de grève des militaires. Cela me choquerait de les voir défiler dans la rue. De même, les troupes ne doivent pas formuler de demandes pendant une opération. Chaque chose en son temps.

Que vont gagner les militaires?

Tous les militaires lésés dans leurs droits collectifs ou individuels pourront être mieux défendus. Je vois par exemple beaucoup de personnes affectées par des problèmes administratifs que leurs supérieurs n’arrivent pas à gérer. Il y a aussi des règles inadaptées à revoir. Par exemple, il n’y a que dans l’armée qu’il faut deux ans de PACS pour que le conjoint bénéficie des avantages auxquels il aurait droit.

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L’Adefdromil a-t-elle vocation à devenir le premier syndicat des armées?

Ce n’était pas le but de l’association à sa création. Après 14 ans de combat, couronnés d’une victoire, je suis satisfait en l’état. Nous sommes en contact avec des syndicats qui seraient d’accord pour créer des structures au sein du ministère de la Défense. Aux militaires de se servir de leurs droits maintenant.

Le jugement de la CEDH ne met pas tout à fait fin au débat. La France peut encore faire appel. Si non, elle doit encore s’y conformer. Comment voyez-vous la suite des événements?

Un combat n’est jamais fini… Les juristes du ministère de la Défense vont sans doute essayer de trouver une faille. Il va falloir du temps pour que tout cela se mette en place. Mais j’espère que Jean-Yves Le Drian et François Hollande vont être cohérents avec leurs idées socialistes et prendre position en faveur de ce droit.

Source : L’Express

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