Le maire de Saint-Vaury s’inquiète de la casse des services publics dans sa commune

casse-des-services-publics-saint-vaury-philippe-bayol-jean-l_3749474La Poste, la perception, la gendarmerie, mais aussi l’hôpital : autant de services publics menacés de disparaître dans les communes comme Saint-Vaury, pour remplir les objectifs d’économies que s’est fixé l’État. © Mathieu Tijeras

Programme phare du quinquennat du président Macron, l’Action publique 2022 entend repenser le modèle des services publics… par un classement vertical.

Après La Poste, dont il a appris que ses sept facteurs allaient être rapatriés sur Guéret, le maire de Saint-Vaury, Philippe Bayol, a reçu une autre mauvaise nouvelle en recevant le directeur général des Finances publiques la semaine dernière. La perception, elle aussi, déménage dans la ville-préfecture au 31 décembre 2018. Les raisons : obligation d’économies, modernisation des services publics, simplification administrative par le numérique… Le but : faire 3,5 milliards d’économie grâce à la numérisation et supprimer les emplois correspondants.

La Poste, la perception  des impôts…

« C’est l’effet de la démarche Action publique 2022 lancée depuis octobre 2017 par le Comité interministériel de la transformation publique (*) et dans ce comité, il n’y a aucun représentant de l’Amac, des maires ruraux ou d’associations d’élus. On ne peut pas dire que ce soit piloté par des personnes qui connaissent les problématiques de nos territoires », sourit Philippe Bayol.

« C’est presque  50 postes qui sont supprimés cette année à St-Vaury »

Philippe Bayol, maire de Saint-Vaury

La pilule ne passe pas, d’autant que la municipalité s’est donné les moyens d’avoir une commune attractive et bien pourvue en services publics. Nouveaux commerces, station-service ouverte cette année, maison de santé qui fait le plein de praticiens avant même son ouverture, « on était dans une dynamique positive ».PerceptionLa perception, elle aussi, déménage à Guéret au 31 décembre 2018.

Avant cela, « l’État nous a demandé de construire une trésorerie en 1989 : 580.000 €, qu’on aurait pu mettre ailleurs. Il y a deux ans, on nous a demandé de faire des travaux d’accessibilité pour la Poste : 90.000 €. Et maintenant, on nous dit qu’on retire l’agence et la perception ? ». Mieux, la Direction des finances publiques, par souci de conserver une « proximité avec la population », compte sur la mairie pour lui mettre à disposition une salle, après la fermeture de la trésorerie. « Je leur ai dit de ne pas y compter une seule seconde. Qu’elle loue un local privé », se fâche l’élu.

Puis la gendarmerie, l’hôpital…

Il y a deux ans, c’est sa gendarmerie qu’on a vidée. « Là, c’est un dortoir. Faites-vous cambrioler à Saint-Vaury, allez porter plainte à la gendarmerie et on vous dira d’aller à Sainte-Feyre. Ils me disent que la brigade de Saint-Vaury est maintenue mais ce n’est pas vrai, elle travaille à Sainte-Feyre. Il n’y a aucun accueil du public depuis deux ans. » Gend« Ils me disent que la brigade de Saint-Vaury est maintenue mais ce n’est pas vrai, elle travaille à Sainte-Feyre. Il n’y a aucun accueil du public depuis deux ans. » Philippe Bayol, maire de Saint-Vaury.

Le centre hospitalier La Valette n’est pas épargné. « On a perdu 33 postes cette année avec la suppression des emplois aidés et des CDD non renouvelés, détaille le maire. Il faut faire 3 milliards d’économie sur l’hôpital public… » Plus les sept facteurs, les six postes de la perception (17 sont concernés en Creuse), autant à la gendarmerie, « c’est presque 50 postes qui sont supprimés cette année à Saint-Vaury ».

Les publics fragiles, pauvres, âgés, sont les premiers touchés par la disparition de ces services de proximité. Pourtant dans le même temps, le député LREM invite les élus à penser à un accueil des personnes âgées autonomes dans les centres bourgs comme alternative aux Ehpad, « pour qu’ils soient proches des services, des commerces, que ça maintienne une économie ». « Sauf que là, je n’ai plus de services publics, j’ai que des services privés et pour combien de temps ? ». Car pour le maire de Saint-Vaury, opposer service public et service privé, « est ridicule sur nos territoires fragiles, l’un va avec l’autre : un artisan va aller travailler chez le gars de la perception, chez l’instit », c’est un cercle vertueux.

Le maire s’inquiète d’une privatisation à tout va de l’action publique, encouragée par le gouvernement : « On privatise le service des cartes grises, la gestion des radars, maintenant on peut payer 50 € à la Poste pour qu’on nous aide sur notre déclaration d’impôt… Il y a quelque chose qui ne va plus là… »

L’élu, qui avait demandé un moratoire sur les services publics qui n’a pas été retenu lors des premières réunions du plan pour la Creuse, a du mal à comprendre la position de l’État.

« Si on enlève  de l’oxygène  à quelqu’un qui a  du mal à respirer,  il finit par crever »

Philippe Bayol, maire de Saint-Vaury

« Le plan pour la Creuse, on le fait pour quoi ? Pour redynamiser le département parce qu’il n’y a pas assez d’activité, pas assez de population. Ce n’est pas en supprimant des emplois que l’on va relancer la machine. On nous demande de prendre nos responsabilités, de faire un projet pour la Creuse. On y va. Mais si c’est pour nous balancer des cacahuètes et supprimer toute intervention de l’État sur le territoire après… Revitaliser, ça commence par arrêter de dévitaliser. Si on enlève de l’oxygène à quelqu’un qui a du mal à respirer, il finit par crever… »

La révolution numérique, Philippe Bayol veut bien la comprendre et l’entendre mais en pressent déjà les conséquences sur des territoires ruraux ou périurbains : plus d’inégalités d’accès, des territoires lésés et une désertification amplifiée. « C’est de la solidarité de l’État dont on a besoin, on peut même ne plus parler de services, on n’en est plus là, mais de solidarité. »

Le maire de Saint-Vaury attend que le député de la Creuse se manifeste. Il va également faire campagne auprès des autres maires. « Ce que l’on est en train de vivre à Saint-Vaury, c’est ce qui va se passer partout. Si on ne réagit pas maintenant, ce sera trop tard. »

(*) Ce comité est présidé par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique.

Source : La Montagne

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