Coronavirus : les «médecins-testeurs» de remèdes menacés de suspension

Alors que plusieurs praticiens ont dévoilé ces derniers jours des traitements qu’ils jugent efficaces contre le Covid-19, l’organisme de régulation de la profession tape du poing sur la table. Les médecins, eux, restent inflexibles.

V7NTINTQMD3JSTACWZRUXQ3XSACertains praticiens qui ont fait connaître « dans la presse grand public » leur protocole ont été rappelés à l’ordre par le comité départemental des médecins. LP/Benoit Durand

 

L’Ordre des médecins a mis du temps à réagir, mais il frappe fort. Contactée par nos soins la semaine dernière dans le cadre d’un article sur les protocoles de soin expérimentaux contre le coronavirus, notamment mis en place par plusieurs médecins généralistes, l’instance n’avait pas souhaité s’exprimer. Mais après avoir mobilisé sa section Santé publique, le Conseil national (CNOM) publie ce jeudi un communiqué sur « les protocoles de recherche illégaux et prescriptions hors Autorisation de mise sur le marché (AMM) ».

« Le Conseil national de l’Ordre des médecins rappelle fermement à l’ensemble des médecins qu’en cette période de vulnérabilité particulière et face à l’inquiétude de nos concitoyens, leur parole prend un sens encore plus important, explique le texte. Il serait inadmissible dans ce contexte de susciter de faux espoirs de guérison. […] Le CNOM a informé l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de ces protocoles qui s’inscrivent en dehors de la législation en vigueur et tirera le cas échéant les conséquences de l’avis de l’ANSM. »

Le communiqué confirme que certains praticiens qui ont fait connaître « dans la presse grand public » leur protocole ont été rappelés à l’ordre par le comité départemental du CNOM. Selon l’AFP, ils sont « une vingtaine de médecins libéraux » à avoir été épinglés. C’est notamment le cas des deux médecins mosellans et de leur consœur du Nord qui ont dévoilé des résultats qu’ils jugeaient intéressants sur une combinaison à base d’azithromycine.

« Le Conseil de l’ordre des médecins m’a interdit de communiquer avec la presse », nous fait savoir Denis Gastaldi, l’un des membres du trio, qui n’a pas stoppé ses prescriptions. La publication de ses recherches avait suscité autant de curiosité que de remontrances parmi le grand public ou dans la communauté médicale. Le généraliste nous a en revanche orientés vers son avocat, Me Thomas Hellenbrand, très remonté, même s’il prend le soin de préciser qu’il s’exprime en son nom et non celui de son client : « On leur demande scandaleusement de cesser de communiquer, alors qu’on laisse des médecins leur faire un procès en charlatanisme sur un plateau. C’est notamment le cas d’un sexologue connu pour des ouvrages aussi brillants que Peut-on être romantique en levrette ?. Ces médecins ont fait ce qu’ils estimaient être le mieux et sont critiqués par d’autres qui ne font que relayer des mensonges d’Etat sur les plateaux. »

« On a raisonné avant de le prescrire »

L’Ordre des médecins se fait menaçant en cas de dérive avérée : « La mise en danger des patients, s’il apparaissait qu’elle puisse être provoquée par des traitements non validés scientifiquement, pourrait justifier […] la saisine du Directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) pour demander une suspension immédiate de l’activité de ces médecins. »

Le Dr Sophie Gonnet, qui fait partie de l’équipe de généralistes qui pense avoir mis en lumière l’efficacité d’antihistaminiques sur le virus, assure n’avoir reçu aucune convocation à l’heure actuelle. « Peut-être que ça va venir, souffle-t-elle. Ça ne m’inspire pas grand-chose. On trouve qu’ils feraient mieux de s’intéresser à ce médicament plutôt que de nous chercher des noises. On a raisonné avant de le prescrire. On prendra nos responsabilités de médecins, il n’y a pas de souci. »

Les médecins ont la liberté de prescrire des médicaments en dehors du cadre de leur Autorisation de mise sur le marché, mais ils doivent le préciser sur l’ordonnance et engagent leur responsabilité. La médiatisation, elle, est sévèrement encadrée. Le Code de la santé publique précise que « lorsque le médecin participe à une action d’information du public de caractère éducatif et sanitaire, quel qu’en soit le moyen de diffusion, il doit ne faire état que de données confirmées, faire preuve de prudence et avoir le souci des répercussions de ses propos auprès du public. »

L’article suivant, cité par le CNOM, est encore plus restrictif : « Les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s’imposent. Ils ne doivent pas faire une telle divulgation dans le public non médical. »

L’usage d’un médicament hors AMM le plus célèbre depuis le début de cette crise sanitaire est celui de l’hydroxychloroquine. Sa promotion par le Pr Didier Raoult a conduit à un encadrement de sa délivrance.

Source : Le Parisien

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