Attentats de Paris : plainte d’un indic contre la gendarmerie et les douanes

Cérémonie d'hommage deux ans après la mort de la policière Clarissa Jean-Philippe, tuée par Amédy Coulibaly en janvier 2015 à Montrouge.

Cérémonie d’hommage deux ans après la mort de la policière Clarissa Jean-Philippe, tuée par Amédy Coulibaly en janvier 2015 à Montrouge. Photo Patrick Kovarik. AFP

Figure de l’extrême droite lilloise, mis en examen pour trafic d’armes, Claude Hermant est détenu depuis plus de deux ans. Des armes utilisées par Amedy Coulibaly lors de l’attentat contre l’Hyper Cacher et une policière à Montrouge seraient passées entre ses mains.

Claude Hermant, figure de l’extrême droite identitaire lilloise en détention provisoire depuis près de deux ans et demi pour trafic d’armes, et ancien indicateur de la gendarmerie et des douanes, a déposé plainte contre trois gendarmes et deux douaniers. La semaine dernière, cet ancien barbouze et ancien membre du service d’ordre du Front national de 54 ans avait été entendu dans le cadre de l’enquête sur l’attentat contre l’Hyper Cacher et le meurtre de la policière Clarissa Jean-Philippe à Montrouge (Hauts-de-Seine). Aucune charge n’avait été retenue contre lui pour ces deux affaires, mais il reste mis en examen dans le cadre du trafic d’armes lillois.

La plainte est sur le bureau du procureur de la République de Lille depuis le 28 avril, annonce MMaxime Moulin ce mardi. Dans cette procédure, il accuse les services du ministère de l’Intérieur de «mise en danger de la vie d’autrui», la vie de Claude Hermant, en l’occurrence. Sans qu’on sache dans le détail en quoi les gendarmes et les douaniers ont mis en danger leur ancien informateur – son avocat se contente de signaler que le métier d’indic est «dangereux» –, on comprend que cette plainte est une sorte de contre-attaque du mis en examen envers l’Etat. «Nous réclamons la fin du secret défense. Les rôles sont inversés, explique Maxime Moulin au nom de son client incarcéré à la prison d’Annœullin, c’est la solution que nous avons trouvée pour avoir la vérité». Selon l’avocat, qui s’appuie sur un article de Mediapart publié en mars 2017, Claude Hermant avait prévenu la gendarmerie qu’un convoi d’armes était de passage à un péage d’autoroute entre Lille et Paris, mais la gendarmerie n’aurait réussi à intercepter qu’un véhicule sur deux. Le second convoi, prévenu que les gendarmes étaient sur le coup, a réussi à les éviter. Or ces armes ont servi à Coulibaly.

«Un soldat en rase campagne»

Claude Hermant, tenancier d’une friterie à Lille le jour et veilleur de nuit dans un établissement médico-pédagogique, avait été arrêté en janvier 2015, quelques jours après l’attaque contre l’Hyper Cacher et l’assassinat de la policière par Amédy Coulibaly. A l’époque, mis en examen pour trafic d’armes à Lille, il était soupçonné d’avoir fourni des armes au tueur. De fait, l’avocat admet que des armes passées entre les mains de Claude Hermant sont parvenues à Amédy Coulibaly, de manière indirecte. La justice reproche à Hermant d’avoir, en parallèle de son métier d’indic, fait venir des armes de Slovaquie pour les remilitariser (les rendre actives) et les revendre. L’indic avait un atelier dans la banlieue lilloise, mais l’avocat minimise : «Un marteau, un burin, une perceuse et un poste à souder, est-ce que ça fait de vous un grand timonier de la réactivation d’armes slovaques ?». Il estime que Claude Hermant ne faisait que ferrer des délinquants en leur proposant de la marchandise avec l’aval des douanes jusqu’en 2013, puis de la gendarmerie jusqu’en 2015.

Enfin, l’avocat exige que la gendarmerie et les douanes n’abandonnent pas leur ancien informateur, après l’avoir, dit-il, «mis en danger» auprès des «délinquants» à qui il a eu affaire dans le seul but de «servir son pays» affirme-t-il. «On ne peut pas accepter que la gendarmerie travaille de façon borderline. Quand ça marche, ils sont contents, et quand ça ne marche pas, elle vous laisse seul dans un champ de ruines. On ne peut pas laisser un soldat en rase campagne.»

Il souligne qu’après deux ans et demi de détention provisoire, son client devrait être libérable fin mai. «On veut avoir accès à ces infos. On demande de manière officielle que le ministère de l’Intérieur lève le secret défense sur l’intégralité des rapports de contact [entre les gendarmes et Claude Hermant, ndlr]. Ils doivent rendre des comptes.» Bref, Hermant n’aurait fait que son travail, alors que la gendarmerie aurait laissé filer des armes qui ont servi à Montrouge et à l’Hyper Cacher. «Si la gendarmerie avait les moyens de travailler, on n’en serait pas là», dit l’avocat. «On veut savoir ce qui a été traité, transmis, ce qui n’a pas été traité, et pourquoi.» Contactés par Libération, les services de ministère de l’Intérieur n’ont pas répondu à nos appels et messages.

Source : Libération

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