Un avion de renseignement français C-160 Gabriel intercepté par un Su-30 russe au-dessus de la mer Noire
Depuis mars 2014, la Crimée, alors ukrainienne, est passée sous le contrôle de Moscou qui, depuis, contrôle l’accès à la mer d’Azov puisqu’elle tient les deux rives du détroit de Kertch. Et, outre le soutien qu’elle apporte aux séparatistes du Donbass [sud-est de l’Ukraine], la Russie y renforce régulièrement ses capacités militaires, déployant notamment des capacités d’interdiction et de déni d’accès.
Or, le 7 décembre, à l’initiative de quarante pays [dont la France], l’Assemblée générale des Nations unies a voté une résolution non contraignante [mais ayant une portée politique] exhortant la Russie « comme puissance occupante, à retirer immédiatement, complètement et sans conditions ses forces militaires de Crimée et de mettre fin sans retard à son occupation temporaire du territoire de l’Ukraine » et à mettre fin « sans retard » à ses transferts de « systèmes d’armes avancés, notamment d’aéronefs et de missiles à capacité nucléaire, d’armes, de munitions et de personnel militaire vers [ce] territoire » ukrainien.
Au-delà de la question de la Crimée, la mer Noire est un espace stratégique qui ne peut que susciter l’intérêt de l’Otan, dans la mesure où trois de ses membres en sont riverains [Bulgarie, Roumanie et Turquie], de même que trois de ses partenaires [Géorgie, Ukraine et Moldavie]. En outre, cette région est minée par des conflits « gelés », apparus au lendemain de l’effondrement de l’Union soviétique, et donc par des « zones grises », comme la Transnistrie, où les trafics en tout genre prolifèrent.
Il « n’est pas difficile de voir que la Russie exploite tous ces conflits pour exercer une intimidation politique sur les États qui ont pris leur indépendance après la chute de l’Union soviétique », avait d’ailleurs souligné Pavel Anastasov, un ancien vice-ministre bulgare de la Défense ayant travaillé pour la Division « Affaires politiques et politique de sécurité » de l’Otan.
D’où les missions de renseignement menées au titre de l’Otan dans cette région. La France y prend sa part, avec l’envoi de navires en mer Noire. Récemment, il a ainsi été rapporté que le Dupuy de Lôme, le bâtiment d’écoute de la Marine nationale travaillant au profit de la direction du Renseignement militaire [DRM] y a navigué en septembre dernier… sans doute pour « étudier » les systèmes russes déployés en Crimée mais aussi pour collecter des renseignements sur l’important ‘exercice Kavkaz 2020 et avoir un oeil sur la Turquie.
Quoi qu’il en soit, en août, la mer Noire aura été une destination très prisée des bombardiers B-52H Stratofortress que l’US Air Force avait envoyé en Europe. Ces appareils y ont en effet réalisé plusieurs vols… pour servir d’appât à la défense aérienne russe, ces derniers ayant été systématiquement accompagnés par des avions espions, notamment américains. Un avion de patrouille maritime français Atlantique 2 [ATL2] a même été intercepté par un Su-27 Flanker russe, alors que, selon Moscou, il s’approchait de la Russie.
Cela étant, le ministère russe de la Défense évoque surtout les interceptions d’avions de renseignement américains. Ce qui donne lieu régulièrement à des protestations de la part du Pentagone pour dénoncer le comportement jugé dangeureux des pilotes russes.
Seulement, et alors que l’Assemblée générale des Nations unies débattait sur la résolution relative à la Crimée, un Transall C-160G « Gabriel » de l’Escadron électronique aéroporté 1/54 Dunkerque a été intercepté par un Su-30 russe alors qu’il survolait la mer Noire. Ce qui est assez rare pour être signalé…
Pour rappel, le C-160G a la capacité de détecter, d’identifier, de localiser et de traiter les signaux électromagnétiques, qu’ils proviennent de systèmes d’armes, de radars ou de moyens de télécommunications [radio, téléphonie].
Mais l’appareil français n’était apparemment tout seul… En effet, selon le Centre de contrôle de la défense nationale russe [NTSUO], le Su-30 a également intercepté deux appareils américains, dont un ravitailleur KC-135 et un avion espion RC-135, dont le type n’a pas été précisé.
« L’équipage du chasseur russe a identifié les cibles aériennes comme l’avion de reconnaissance stratégique RC-135 , l’avion de ravitaillement KC-135 de l’US Air Force, l’avion de reconnaissance C 160G de l’armée de l’Air française et les a escortés au-dessus de la mer Noire », a en effet indiqué le NTSUO, avant de rappeler que les « les violations de la frontière d’État de la Fédération de Russie n’étaient pas autorisées. »
Toujours selon le NTSUO, les avions français et américains « se sont éloignés de la frontière, le Su-30 est rentré en toute sécurité à sa base. » Et à toutes fins utiles [ou pour démentir toute récrimination éventuelle], il a souligné que le « vol de l’avion russe s’était déroulé dans le strict respect des règles internationales d’utilisation de l’espace aérien. »
Selon les sites de suivi du trafic aérien, le parcours du C-160G n’apparaît pas… contrairement à ceux des deux avions américains. Ainsi, l’appareil espion envoyé par l’US Air Force était un RC-135 Rivet Joint qui, comme le Transall Gabriel, est capable d’intercepter les communications radio ainsi que les signaux émis par les radars adverses, qu’il peut éventuellement brouiller.
Source : Opex360
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