Trois surveillants attaqués par un détenu islamiste

L’auteur de l’attaque, un vétéran du djihad allemand, est décrit comme un proche d’Oussama Ben Laden.

Christian Ganczarski a été admis en 2015 au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Ouvert un an plus tôt, cet établissement accueille en priorité les détenus qui nécessitent une surveillance particulière.
Christian Ganczarski a été admis en 2015 au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Ouvert un an plus tôt, cet établissement accueille en priorité les détenus qui nécessitent une surveillance particulière. Michel Spingler / AP

Trois surveillants du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) ont été blessés à l’arme blanche par un détenu, jeudi 11 janvier. L’auteur de l’agression, Christian Ganczarski, âgé de 51 ans, est un vétéran du djihad allemand d’origine polonaise, incarcéré depuis 2003 et condamné en 2009 pour terrorisme. L’information, révélée par le quotidien régional Le Parisien, a été confirmée au Monde par la direction de l’administration pénitentiaire.

Selon une source pénitentiaire, quatre surveillants se sont présentés devant la cellule de ce détenu particulièrement signalé (DPS), qui avait prétexté vouloir passer un appel téléphonique, et il les a alors agressés armé d’une paire de ciseaux à bouts ronds et d’une lame de rasoir. Trois d’entre eux ont été légèrement blessés, dont un d’une coupure superficielle au cou, un autre d’une plaie à la poitrine, et le troisième, au cuir chevelu. Ce dernier a dû être admis à l’hôpital pour quelques points de suture.

Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour tentatives d’assassinat sur personnes dépositaires de l’autorité publique en relation avec une entreprise terroriste. La sous-direction antiterroriste (SDAT) et la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont été saisies.

Mobile obscur

Le mobile de cette attaque est pour l’heure obscur. Selon des informations obtenues par Le Monde, Christian Ganczarski devait comparaître le 17 janvier devant un tribunal de Douai (Nord) dans le cadre d’une procédure d’extradition à la demande des Etats-Unis, qui souhaitent l’interroger sur son implication éventuelle dans les attentats du 11 septembre 2001. Si la dimension terroriste de l’agression a été retenue par le parquet de Paris en raison du profil de son auteur, une source proche du dossier n’exclut pas que cette attaque aux ciseaux ait eu pour objectif — stratégie relativement commune en prison —de faire annuler son extradition.

Christian Ganczarski avait été condamné à Paris à dix-huit ans de réclusion criminelle en 2009 pour complicité dans un attentat commis contre la synagogue de la Ghriba, à Djerba (Tunisie).

Christian Ganczarski a été condamné en 2009 à Paris à dix-huit ans de réclusion criminelle pour complicité dans un attentat commis contre la synagogue de la Ghriba, à Djerba (Tunisie). Le 11 avril 2002, un camion rempli de bouteilles de gaz avait foncé dans la foule, essentiellement composée de touristes venus visiter la plus ancienne synagogue d’Afrique du Nord, faisant vingt et un morts — quatorze Allemands, cinq Tunisiens et deux Français. La présence de victimes françaises avait permis d’ouvrir une procédure judiciaire en France.

Au moment du procès à Paris de Christian Ganczarski, le quotidien polonais Dziennik, repris par Courrier international, avait dressé son portrait. On y apprenait que ce jeune catholique originaire de Gliwice, dans le sud de la Pologne, converti à l’islam en 1986 sous le nom d’Abou Ibrahim, était devenu au fil de son parcours djihadiste un ami personnel d’Oussama Ben Laden.

Un proche de Ben Laden

Après avoir suivi une formation dans un lycée professionnel de Duisburg, en Allemagne, pour devenir métallurgiste, il s’était envolé avec son épouse, une Allemande convertie à l’islam, pour l’Arabie saoudite afin d’y étudier la religion. Selon Dziennik, il aurait ensuite interrompu ses études coraniques pour combattre les Russes en Tchétchénie. Il se serait ensuite rendu au Pakistan, en Bosnie et en Afghanistan, où il aurait sympathisé avec Oussama Ben Laden.

Selon un officier du renseignement polonais cité par le journal, Christian Ganczarski « faisait venir les médicaments pour le chef d’Al-Qaida » en se servant des « ordonnances de sa fille, atteinte de diabète ». Le quotidien affirme que Ganczarski aurait, par ailleurs, recruté un des pilotes qui précipitèrent un avion contre le World Trade Center le 11 septembre 2001, raison pour laquelle la justice américaine a demandé son extradition.

Ce vétéran du djihad allemand ne sera inquiété que deux ans après les attentats de New York, dans le cadre de l’enquête sur l’attaque de Djerba de 2002. Quelques heures avant de foncer avec son camion sur la foule devant la synagogue, le chauffeur, un jeune kamikaze tunisien, Nizar Nawar, l’avait appelé par téléphone. Cette brève conversation a convaincu la justice française que Ganczarski était l’un des instigateurs de l’attaque, avec Khaled Cheikh Mohammed, hiérarque d’Al-Qaida et cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001.

Interpellation à Roissy

Après l’attentat de Djerba, Ganczarski s’installe en Arabie saoudite, où il est surveillé par la CIA et par les services français, qui s’arrangent pour que son visa ne soit pas prolongé. Expulsé du pays à l’expiration de son visa, il sera finalement arrêté lors d’un transit à l’aéroport de Roissy, le 3 juin 2003. Quelques jours plus tard, le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, s’était félicité de l’interpellation d’« un haut responsable d’Al-Qaida […] en contact avec Oussama Ben Laden ».

Cinq cents détenus pour terrorisme

C’est en 2015, après avoir séjourné dans plusieurs prisons françaises, que Christian Ganczarski a été incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Ouvert en 2014, d’une capacité de 120 places, cet établissement est l’une des deux maisons centrales (sur treize en France) aux mesures antiévasions particulièrement renforcées. Y sont en priorité placés des détenus dits « particulièrement signalés » (DPS) ou ceux condamnés à de la réclusion à perpétuité. Le régime carcéral y est très sévère et est destiné à accueillir temporairement des individus souvent devenus ingérables dans d’autres prisons. Une prison « sas » en quelque sorte. Salah Abdeslam devrait ainsi y séjourner le temps de son procès à Bruxelles pour la fusillade de Forest, en Belgique.

Le cas de Christian Ganczarski est très éloigné de celui de Bilal Taghi, un détenu qui avait tenté d’assassiner un de ses gardiens, le 4 septembre 2016, à la maison d’arrêt d’Osny (Val-d’Oise), au moyen d’une lame artisanale. Bilal Taghi, condamné à cinq ans de prison pour une tentative de départ raté en Syrie, était placé dans une « unité dédiée », un de ces quartiers spécifiques créés en 2015 pour tenter d’endiguer la radicalisation en prison. Un mois après cette agression, le ministère de la justice avait mis fin au dispositif.

Christian Ganczarski fait partie des quelque cinq cents détenus actuellement incarcérés en France dans le cadre de dossiers terroristes. Son incarcération est toutefois postérieure aux dispositifs mis en place depuis pour ce type de détenus. Désormais, les nouveaux prévenus ou condamnés pour terrorisme sont d’abord évalués dans des quartiers spécifiques pendant quatre mois, puis, selon leur profil, placés en régime ordinaire, à l’isolement, ou regroupés dans un quartier pour détenus violents (dit « QDV »). Il n’existe cependant qu’un seul QDV en France, celui de la maison d’arrêt de Lille-Sequedin, qui ne compte que vingt-huit places, déjà toutes occupées par des détenus « terros ».

L’administration pénitentiaire doit prochainement faire des propositions pour améliorer la lutte contre la radicalisation en prison. Celles-ci devraient être intégrées dans un plan plus large de prévention de la radicalisation qui doit être annoncé prochainement par le premier ministre.

Source : Le Monde

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