Suicides dans la gendarmerie : une problématique difficile à appréhender

gendarmes français

Entre la fin du mois de juin et le début du mois d’août, ce sont en tout six gendarmes qui se sont suicidés, une situation qui inquiète l’association Gendarmes et Citoyens. Le journal local La Nouvelle République s’est fait l’écho de cette préoccupation. L’association pointe du doigt la responsabilité de la hiérarchie mais aussi le silence médiatique et a adressé un courrier au ministère de l’Intérieur pour alerter le ministère de l’Intérieur. Alors situation vraiment catastrophique ? Silence médiatique coupable ? Pour s’en faire une idée, nous avons interrogé Jean-Hugues Matelly, président de l’association Gend XXI, une autre association de défense des gendarmes.

Jean-Hugues Matelly nous a confirmé que le rythme de suicides dans la gendarmerie du mois de juillet était anormalement élevé mais son association a adopté un autre mode de communication : « on ne communique pas sur chaque suicide pour éviter de provoquer un phénomène épidémique. On sait que cela facilite le passage à l’acte. » D’ailleurs, il suffit de se rendre sur le site de l’association pour se rendre compte de cette évidence : aucun article ni communiqué mais bien un rapport-bilan avec perspectives pour l’année 2015. Pour l’instant, l’association estime qu’il est impossible de tirer des conclusions de cette hausse subite : « il est trop tôt pour dire si une dynamique est enclenchée ou si c’est seulement passager. » Jean-Hugues Matelly souligne que depuis deux ans la DGGN (ndlr : direction générale de la gendarmerie nationale) a pris des mesures et que les chiffres sont en baisse, un ton moins alarmiste mais qui reste toutefois prudent !

Pour en revenir aux raisons des suicides dans la gendarmerie, l’association parle de causes plurifactorielles avec un mélange de vie professionnelle et de vie familiale qui aboutit à une situation d’impasse : « dire que les raisons ne sont que personnelles, cela n’a aucun sens. On sait que dans la gendarmerie, la vie professionnelle s’imbrique avec la vie familiale puisque les gendarmes sont logés dans les casernes. Tout le monde se connait. » Jean-Hugues Matelly réfute ainsi les arguments de la hiérarchie mais ne l’accable pas non plus, répétant de nouveau que des mesures ont été prises : « un réseau de psychologues a été mis en place et il y a une prise en compte. » Il ajoute également que le général Favier, l’actuel directeur général de la gendarmerie, a lancé des enquêtes de causalité au cas par cas mais les associations n’ont pas encore accès aux résultats : « on espère qu’il y aura bientôt un partage des données pour éviter l’accusation : on nous cache quelque chose. » Tout dépend donc de la DGGN sur ce point.

Le traitement médiatique reste difficile pour une première raison simple, explique le président de l’association : « la création d’associations est récente depuis la décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme d’octobre dernier et le dernier vote de la Loi de programmation militaire du mois de juillet par le Parlement. Avant, personne ne pouvait parler de manière collective. » On comprendra aussi que cela dépend du mode de communication des associations sur le sujet puisqu’on rappelle que Gend XXI ne donne qu’un bilan annuel. Au passage, Jean-Hugues Matelly préfère pointer la situation dans la police : « on a une nette aggravation depuis deux ans et un durcissement. Le taux de suicide est plus élevé que dans la gendarmerie. Là, on peut observer un phénomène significatif et cela veut dire qu’il y a un mal-être au travail. » D’ailleurs, pour y faire, Bernard Cazeneuve a lancé un plan en janvier dernier mais une fois de plus, c’est encore trop tôt pour en voir des effets et pouvoir juger de son efficacité. L’association n’a pour l’instant pas de contact avec des syndicats policiers de manière générale mais sa création, étant relativement nouvelle, il faut encore attendre.

D’ailleurs, Jean-Hugues Matelly souligne le flou juridique de la gendarmerie, qui dépend à la fois du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Défense. Cela ne facilite pas les choses. Il indique au passage que son association, qui défend l’intérêt de toutes les forces armées du pays, s’est penchée également sur le suicide dans l’armée, un phénomène moins connu : « on a remarqué des différences de traitement entre les différentes composantes. L’armée de terre a une sensibilité plus marquée. » La récente prise en compte du stress post-traumatique, de plus en plus importante, n’en est pas la seule raison : « le taux de sélection est plus faible dans l’armée de terre, ce qui fait qu’elle peut avoir des recrues moins fortes psychologiquement. » Mais le président souligne que le ministère de la Défense communique très peu à ce sujet : « aux États-Unis, c’était également le cas jusqu’à la fin des années 2000, c’est-à-dire 2009/10. Depuis des données ont été fournies par le Département de la Défense. » Peut-être que l’armée française suivra le même chemin mais pour l’instant, rien ne l’indique.

Mais il n’y a aucune animosité entre les deux associations de défense des gendarmes : «  on suit ce que font les autres. Il y a simplement une différence d’approche et de communication. Nous, nous préférons traiter le problème sur le fond et on a une approche moins sur l’affect. » De plus, Jean-Hugues Matelly reconnait que Gendarmes et Citoyens : « a raison de pointer ce taux plus élevé de suicides sur une courte période. » De son côté, il attend de savoir si la tendance va se confirmer ou s’infirmer. Toutefois ces différences d’approche montrent que le traitement adéquat des suicides dans la gendarmerie, sur le plan interne comme sur le plan médiatique, reste délicat et difficile à appréhender à sa juste mesure !

Source : La Nouvelle Gazette

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