Racisme dans la police française : l’institution contrainte de se réformer ?

Les dérives racistes qui gangrènent la police américaine aux Etats-Unis, mises en lumière par l’affaire George Floyd, trouvent un écho sur le sol français. Accusée de racisme, la police française doit-elle être réformée ? La question est envisagée au plus haut sommet de l’État.

La colère gronde contre le racisme au sein de la police aux États-Unis. Elle gronde aussi en France. La mort de George Floyd, le 25 mai à Minneapolis, étouffé sous le genou d’un policier,  a remis la brûlante question du racisme dans les rangs des forces de l’ordre au cœur du débat. Un débat qui essaime dans le monde et notamment en France.

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Face à la multiplication des manifestations contre le racisme dans la police, notamment le rassemblement du 2 juin à Paris qui a réuni plus de 20 000 personnes pour demander justice dans l’affaire Adama Traoré et les nouvelles révélations sur des propos racistes proférées par des policiers sur Facebook ou WhatsApp, Emmanuel Macron s’est décidé à réagir.

Selon l’Élysée, le chef de l’État s’est entretenu, dimanche 7 juin, avec le Premier ministre, Édouard Philippe et lui a demandé de lui faire rapidement des propositions pour répondre aux revendications exprimées. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a en outre émis, lundi 8 juin, un certain nombre de propositions dans ce sens. 

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Dans la police, « le racisme a toujours existé » 

Mais de telles préoccupations arrivent bien tard, estime l’historienne Carole Reynaud-Paligot. « Il y a une absence notable de réaction de la part du gouvernement. C’est très décevant, on en attendait beaucoup. Macron a suscité des espoirs, mais on peut imaginer que les préoccupations électoralistes et le souci de ménager le corps de la police aient pris le dessus ». De manière générale, « les gouvernements ont tendance à vouloir ménager la police, d’où les déclarations très timides sur ces sujets délicats », poursuit la sociologue.

Car « le racisme dans la police a toujours existé« , abonde Julien Tapin, chercheur au CNRS dans un entretien accordé à France 24. Mais l’avènement des réseaux sociaux, l’émergence de la vidéo et des médias en continu l’ont davantage mis en avant. Les sévères répressions lors de la loi Travail en 2016 puis la crise des Gilets jaunes ont véritablement permis de faire émerger le problème. »

Certains fonctionnaires de police et délégués syndicaux ne disent pas autre chose. « Dans la police, le racisme s’exprime sous plusieurs formes », explique à son tour Noam Anouar, délégué syndical Vigi, auteur du livre « La France doit savoir ». D’abord en interne, sous forme d’insultes, de blagues entre agents. « N’allez pas croire qu’il ne sévit que dans les brigades de gardiens de la paix. Il est présent à tous les niveaux et notamment au plus haut sommet de la hiérarchie. » Capture d’écran 2020-06-08 à 23.36.34

Un « racisme systémique qui étouffe la population »

Le racisme s’exerce aussi en externe, à l’encontre du public lors de contrôles d’identités, de contrôles routiers, dans les enquêtes d’habilitation pour entrer dans la police, selon Noam Anouar. Ces enquêtes ne sont pas diligentées de la même manière selon les origines du postulant, à en croire le fonctionnaire de police. Le racisme s’immisce également dans les codaf, (comités opérationnels départementaux anti-fraude). Ces contrôles de commerces visent davantage les pizzerias, les kebabs, des quartiers populaires que les brasseries des beaux quartiers, selon le syndicaliste. « Il existe un vrai racisme systémique dans la police qui étouffe la population ». Pourtant,Christophe Castaner l’a assené dans son intervention de lundi, il exige une « tolérance zéro » contre le racisme dans les forces de l’ordre.

Mais « lorsque l’on tente de le dénoncer, on vous tombe dessus dès le moindre faux pas », estime le fonctionnaire qui demeure sous le coup d’une sanction disciplinaire pour violation du devoir de neutralité après avoir porté devant l’IGPN les preuves de propos racistes proférés dans son service. Dans l’attente d’une sanction, il encourt aujourd’hui une suspension de deux ans.

Des solutions existent

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Il existe néanmoins des mesures simples à mettre en place pour endiguer le phénomène, juge Julien Tarpin. « Comme il s’agit d’un racisme institutionnalisé, il suffit de changer certaines pratiques pour obtenir un changement significatif. » Le professeur préconise notamment la suppression des contrôles d’identité. « Ils n’existent pas dans tous les pays, et cela n’empêche pas de combattre la criminalité. D’ailleurs, de nombreuses études ont montré que cette pratique n’était pas efficace dans la lutte contre la délinquance. »

L’IGPN est également remise en cause. La police des polices est vivement critiquée pour son manque d’indépendance. « La directrice de l’IGPN est une fonctionnaire de police qui doit rendre des comptes au ministère de l’Intérieur, explique Noam Anouar. Dans ces conditions, comment voulez-vous qu’il y ait de la transparence quand tout passe par le filtre du cabinet ministériel ? ». Raison pour laquelle certains plaident pour la création d’une instance indépendante issue de la société civile. Dans son discours, Christophe Castaner a lui aussi invoqué la nécessite d’une plus grande « indépendance » de cette instance.

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Dans cette même logique, certains observateurs réclament un pluralisme des organismes de lutte contre le racisme. La CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) et la Halde (Haute-Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) ont été remplacées sous une seule entité représentée par le Défenseur des Droits (DDD). « Mais le manque de pluralisme n’est jamais bon », estime Noam Anouar. Surtout que les rapports du Défenseurs des Droits, quand ils existent, sont très timides. De toute façon, leur mission n’est que consultative et non contraignante. »

Enfin, de nombreux policiers recommandent le retour des polices de proximité pour renouer le dialogue, notamment dans les quartiers défavorisés. « La police ne peut pas travailler qu’en exerçant uniquement son pouvoir répressif, insiste Julien Tarpin. Il faut aussi maintenir et développer les espaces de dialogue et d’échange ».

Source : France24

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