Qui est derrière le site «profession-gendarme.com», aux tendances complotistes ?

Depuis huit ans, Ronald Guillaumont, gendarme retraité en froid avec son ancienne hiérarchie, met en ligne des publications, à la tonalité parfois complotiste, sur le site profession-gendarme.com.

C’est seulement depuis 2015 que les gendarmes sont autorisés à se constituer en Associations professionnelles nationales de militaires (APNM). (Geoffroy van der Hasselt/AFP)

par Clarisse Portevin publié le 26 mai 2021 à 9h40 (mis à jour à 12h11)

Bonjour,

Vous nous interrogez sur le site profession-gendarme.com, dont vous avez noté qu’il relayait fréquemment des thèses complotistes ou des fake news. De fait, on trouve sur ce site des mentions des chemtrails, des histoires de virus programmé et de vaccins mortels, ou des affirmations sur des réseaux pédophiles dans les hautes sphères de l’Etat et autres théories du complot.

Derrière ce média, Ronald Guillaumont. Cet ancien gendarme de 73 ans, qui vit dans la région brestoise, ne se formalise guère des critiques faites à l’encontre de son site, qu’il veut placer sous le signe de la liberté d’expression du gendarme, laquelle lui serait «refusée». Il revendique de «fournir une actualité pertinente et non censurée sur la vie et l’évolution de la Gendarmerie».

«Pour la liberté d’expression»

Si la liberté d’expression des gendarmes est si chère aux yeux de Ronald Guillaumont, c’est parce que les militaires, dont les gendarmes, ont longtemps été interdits de se syndiquer et de s’exprimer en France. C’est seulement depuis les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 2 janvier 2015 et la loi du 28 juillet 2015, qu’ils sont autorisés à se constituer en Associations professionnelles nationales de militaires (APNM).

Dès 2007, Ronald Guillaumont s’engage dans «le combat pour la liberté d’expression» des gendarmes, via le Forum Gendarmes & Citoyens dont il était l’un des modérateurs. Le Forum devient ensuite l’Association Gendarmes & Citoyens mais la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) demande alors aux huit autres membres de l’association, pas encore à la retraite, de démissionner de l’association. «La Direction s’est incrustée et a dissous l’association», regrette l’ancien gendarme.

Une intervention qui n’empêche pas Ronald Guillaumont de persévérer avec profession-gendarme.com. Créé en 2013, le site aurait compté plus de 230 000 visites dès sa première année et serait en progression constante depuis. Profession-gendarme aurait reçu, selon son administrateur, plus de 3.7 millions de visites l’an dernier. Un record qui devrait être battu cette année puisqu’il assure avoir déjà reçu plus de 2.6 millions de visites depuis le 1er janvier. «J’ai conscience que mon site a de l’importance, déclare le gendarme à la retraite, le blog plaît et ça a pris une proportion énorme. Je ne m’attendais pas à cette ampleur phénoménale.»

Outre la liberté d’expression, Ronald Guillaumont mène un autre combat : les suicides chez les forces de l’ordre. Il tient un décompte méticuleux des gendarmes et policiers qui se donnent la mort, en relayant l’information sur son site à chaque décès.

Le retraité est aussi président de l’Association Professionnelle Gendarmerie créée en 2014, et dont le site se veut la «vitrine». Les autres membres du bureau sont également des retraités. L’association, domiciliée chez lui dans la région brestoise, réunit environ 80 adhérents mais n’est pas reconnue comme APNM. Au moment de sa création, la DGGN avait signé une charte avec l’Association Professionnelle Gendarmerie, charte dénoncée par la suite par la direction de la gendarmerie au nom d’une «confusion entre la communication de l’association et la communication institutionnelle». Ronald Guillaumont n’hésite pas à critiquer son ancienne hiérarchie qu’il accuse d’avoir rompu la charte quand il a affiché son soutien aux gilets jaunes.

Complotiste revendiqué

Si profession-gendarme.com est avant tout «un blog pour la liberté de s’exprimer des gendarmes, des policiers et des militaires», Ronald Guillaumont relaie à la fois des actualités liées aux forces de l’ordre et des sujets plus larges, particulièrement liés à la pandémie en ce moment. «Comme je parle d’actualité, ça me paraît normal de parler de ce qui se passe depuis un an et qui est la principale actualité», précise-t-il. Des publications qui peuvent rapidement tomber dans la théorie du complot, sur l’origine du coronavirus comme sur les vaccins.

Le retraité s’inquiète assez peu des accusations de complotisme. Au contraire même. «Je revendique être un complotiste ! Ce n’est pas un gros mot car pour moi, le complotiste est avant tout un chercheur de vérité.» Ronald Guillaumont assume par ailleurs faire partie des gilets jaunes : fier d’avoir participé aux manifestations à Brest, il continue de défendre le mouvement. Et d’ajouter : «Moi aussi je suis choqué quand je vois certaines actions de la gendarmerie, notamment pendant les manifestations des gilets jaunes».

Quant aux accusations de fake news, il se défend en affirmant que «personne n’est à l’abri. Quand ça m’est arrivé d’en publier, je l’ai reconnu.» Il appelle lui-même à lutter contre les fake news et incite les contributeurs du site à vérifier leurs sources pour «faire jaillir la vérité». Parmi les tentatives pour faire «jaillir cette vérité», certaines font plusieurs milliers de vues. L’un des derniers succès en date : les chemtrails, sujet favori des adeptes des théories du complot, avec plus de 34 000 vues depuis le 10 avril. Ou un autre grand classique : le sida, qui ne serait qu’une accumulation de mensonges. «Sa ligne éditoriale assez complotiste reflète son évolution personnelle», précise Jean-Hugues Matelly, lieutenant-colonel à la retraite qui a côtoyé Ronald Guillaumont à l’époque du Forum Gendarmes & Citoyens. Il est à l’origine des arrêts de la CEDH.

Pas de distinction idéologique

Pour publier régulièrement sur son site, Ronald Guillaumont ne travaille pas seul. Beaucoup de ses publications sont en fait des reprises de contenus issus d’autres sites, copiés-collés pas forcément fiables, qui lui sont signalés par d’autres membres des forces de l’ordre : «Je suis alimenté par beaucoup d’officiers actifs ou retraités». Il affirme observer dans son audience plus de personnes extérieures aux forces de l’ordre.

Ronald Guillaumont prétend vouloir assurer une certaine neutralité sur son site, et donc accepter les propositions sans distinction idéologique. «Ce ne sont pas nécessairement mes idées mais je veux donner la liberté de parole.» Il ajoute que «c’est au lecteur de se faire son opinion», se détachant ainsi de toute responsabilité éditoriale. Même discours à propos des commentaires : «Je ne veux pas censurer les gens tant que les commentaires restent raisonnables.»

L’administrateur du site prétend que, parmi les membres de la gendarmerie avec lesquels il communique, figurent de haut-gradés. «Je suis en contact avec beaucoup de commandants, mais aussi des colonels et des généraux.» Ronald Guillaumont, convaincu de travailler pour «une bonne cause», dit d’ailleurs être en contact direct avec certains généraux qui ont récemment signé la tribune publiée dans Valeurs Actuelles. Une «excellente tribune» qui n’a rien à voir avec un appel à se soulever, selon lui.

Malgré ses liens revendiqués avec des membres actifs des forces de l’ordre et son audience croissante, les autorités ne font pas grand cas du site de Ronald Guillaumont. Interrogée sur la publicité douteuse associant la profession à ce type de contenus et l’éventuelle diffusion des théories conspirationnistes dans ses rangs, la direction de la gendarmerie se borne à préciser que des formations pour reconnaître les fausses informations sont proposées aux gendarmes. Une formation d’une heure à distance, non obligatoire mais «recommandée» aux apprentis gendarmes lors de leur passage à l’école. «Mais les fake news sont abordées dans les cours de déontologie et tous doivent suivre une formation sur l’usage des réseaux sociaux», ajoute la DGGN. Pour Jean-Hugues Matelly, le site n’est «pas représentatif de la gendarmerie, surtout chez les actifs», même si les gendarmes ne sont «pas immunisés contre les théories du complot.»

Source : Libération

Note de la rédaction de Profession-Gendarme :

Afin de rectifier quelques petites erreurs dans cet article et mettre les pendules à l’heure, je vous invite à lire la publication suivante que j’ai fait ici même le 1er Mai 2021 :

Profession-Gendarme : Communiqué du webmaster de Profession-Gendarme – (Mise à jour du 1er mai)

Pour en savoir davantage voir aussi cette vidéo sur France Soir : https://www.francesoir.fr/opinions-entretiens/video-debriefing-ronald-guillaumont-profession-gendarme

Voir aussi : 16 février 2021 entretien avec Ronald Guillaumont – Profession Gendarme – sur Radio Grésivaudan FM

Ronald Guillaumont

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