Procès attentats janvier 2015 : quand l’enquête a buté sur Claude Hermant, l’identitaire lillois qui a armé Amédy Coulibaly

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Ce 30 septembre, une enquêtrice antiterroriste a disséqué, devant la cour d’assises spéciale de Paris, un morceau complexe de l’enquête : la fourniture des armes à Amédy Coulibaly. Un réseau mêlant un indic de la gendarmerie, une entreprise slovaque et la grande délinquance de Roubaix… mais parsemé d’épaisses zones d’ombre.

Dans la chambre froide de sa baraque à frites, à Lille, Claude Hermant ne stockait pas seulement des pommes de terre, mais aussi des armes de guerre. Des fusils d’assaut tchécoslovaque VZ 58, des pistolets TT 33… Au Nord de la France, cet ancien barbouze d’extrême droite, qui a joué le mercenaire aussi bien en Afrique que dans les Balkans, s’adonnait à un juteux trafic d’armes. Des armes lourdes qu’il se procurait en Europe de l’Est, hors d’état de fonctionner, mais qu’il remilitarisait. Entre juillet et décembre 2014, il en achète 173, pour les remettre en état de marche dans un atelier, puis les revendre…

Six armes de ce lot sont découvertes à côté du cadavre d’Amédy Coulibaly, tueur de l’épicerie Hyper Cacher, le 9 janvier 2015. « Ce sont ces armes-là qui ont servi à tuer Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab », égrène une enquêtrice de la Sous-direction anti-terroriste (Sdat), qui témoigne anonymement, comme témoin numéro 347371, ce 30 septembre, devant la cour d’assises spéciale de Paris. Deux autres armes « restaurées » par Claude Hermant furent aussi saisies à Gentilly, dans l’appartement que louait Coulibaly.

Coulibaly indirectement armé par l’ultra-droite

Tout en étant aux sources des armes du tueur de l’Hyper Cacher, Claude Hermant, identitaire âgé de 57 ans, est le grand absent du procès. Mais ce tenancier de la Maison Flamande, ancien QG pour le gratin de l’ultra-droite nordique, comme le détaille StreetPress, ne cesse de porter son ombre sur le procès des attentats de janvier 2015.

Comment ces armes passent-elles de Lille à Paris ? D’Hermant à Coulibaly ? Il faut alors se tremper dans les noeuds complexes de l’enquête. Selon l’enquêtrice Sdat 347371, le principal client de Claude Hermant est à l’époque un certain Samir L., « délinquant notoire du secteur roubaisien », initialement mis en examen dans le dossier des attentats avant d’être blanchi par un non-lieu. Entre ces deux hommes, « il y a eu entre 10 et 15 rencontres », selon la policière. Les échanges se passaient sur le parking d’un magasin Décathlon.

Il est hautement probable que le quinquagénaire lui fournissait aussi les munitions. « Certaines munitions trouvées à Lille chez Hermant et sur la scène de crime porteront le même marquage, un marquage qui est rare », réplique l’enquêtrice.

Fusils d’assaut slovaques sur Internet

Ces armes et cartouches passent de main en main. De quoi esquisser un arbre généalogique d’intermédiaires assez touffu, qui plonge ses racines en Slovaquie, où une société locale, AFG Security, commercialisait des armes dites « démilitarisées » et en vente libre dans ce pays d’Europe centrale. C’est un complice d’Hermant, un certain Patrick A., pourvoyeur belge, qui commande à cette époque sur Internet un lot de 300 à 400 de ces armes, acheminées ensuite en France par transporteur en moins de sept jours. Cet arbre ramifie ensuite jusqu’à la région parisienne et termine sa course à Gentilly et à l’Hyper Cacher. Mais il y a un, voire plusieurs, chaînons manquants…

De proche en proche, il y a en effet peu d’éléments qui mêlent directement les réseaux d’Hermant aux accusés, quasiment tous suspectés d’avoir aidé Coulibaly à s’approvisionner en armes et en équipements. Toutefois, dans la carcasse d’une des armes du terroriste, un morceau d’ADN est détecté. Bonne pioche : c’est celui de la nièce de l’acheteur Samir L.  : une prénommée Adèle. Le détail a son importance : en garde à vue, Adèle soutiendra que c’est son frère qui lui a fait manipuler cette arme, au domicile de leurs parents. Or son frère, prénommé Souleymane, un jeune homme, très jeune, âgé de seulement 17 ans à l’époque, a travaillé comme guetteur pour Mohamed Fares, un des onze co-accusés du procès. « Souleymane est quelqu’un de très volubile, c’est un jeune roubaisien, qui parle beaucoup », précise l’enquêtrice. Cette arme, il dit l’avoir obtenue sur le boulevard de Metz de Lille, supermarché local du trafic de stups.

Il déclarera qu’il était en lien avec Mohamed Fares pour du commerce d’armes, destiné à des Parisiens, non-identifiés, mais parmi lesquels dont « un certain Saïd », ce qui pourrait correspondre à Saïd Makhlouf, un autre des accusés.

Mais l’enquête n’a révélé l’existence d’aucune preuve tangible : « Après quatre ans d’enquête, on n’a toujours aucun lien entre Mohamed Farès et Samir L. », tonne l’avocate du premier.

Certes, dans le même temps, deux des accusés (Amar Ramdani et Saïd Makhlouf), deux escrocs de la région parisienne, se déplacent à six reprises dans le Nord, entre le 11 octobre et le 20 décembre 2014, ce qui n’est pas du tout dans leurs habitudes. « Et à trois semaines des attentats », souligne la policière. A ses yeux, Fares a sans doute vendu ces armes aux co-accusés Ramdani et Makhlouf, mais ce n’est qu’une hypothèse. L’enquêtrice n’épargne aucun des maillons de cette chaîne : « Quand on vend des armes en état de fonctionner, on s’expose à ce qu’elles soient utilisées. »

Les frasques de l’indic Hermant

La saillie vise Claude Hermant. Mais cet homme n’est pas qu’un trafiquant d’armes sous couverture, il ne mène pas qu’une double vie répartie entre les frites et la poudre de canon. Il en endosse en fait une triple : Hermant est un indic pour la gendarmerie de Lille et pour les douanes. Mais les relations flics-indics sont parties en vrille, empilant les ratés et franchissant allègrement la frontière de l’illégalité. Un agent du renseignement douanier du Nord a acheté une quarantaine d’armes à Hermant sans aval de sa hiérarchie… Cette tonitruante affaire, disjointe de ce procès, a fait l’objet d’un jugement du tribunal correctionnel de Lille.

L’ex-indic Hermant sera entendu comme simple témoin par la cour, demain, 1er octobre.

Source : Marianne

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