Portrait d’Européen. Emmanuel, policier berlinois au service de l’Union

À bientôt 30 ans, Emmanuel Ledieu a l’équivalent du grade de brigadier-chef ou de major dans la police berlinoise. À bientôt 30 ans, Emmanuel Ledieu a l’équivalent du grade de brigadier-chef ou de major dans la police berlinoise. (Photo David Philippot)

Particularité allemande, tout citoyen européen peut intégrer la « polizei » ou l’armée. Portrait d’Emmanuel Ledieu, un CRS berlinois d’origine bretonne, avec le drapeau bleu-blanc-rouge à la boutonnière.

De notre correspondant en Allemagne. « Le kouign-amann, la brise iodée de la plage des Govelins, l’andouille de Guéméné, le marché le jeudi à Sarzeau et le samedi à Vannes… » : Emmanuel Ledieu s’illumine à l’évocation de ses « madeleines », de ses deux mois de vacances morbihannaises passées chaque été chez ses grands-parents à Saint-Gildas-de-Rhuys. Pourtant, il n’a pas « réfléchi trente secondes » quand il s’est agi de rester en Allemagne. Il aurait pu suivre la famille, le père traducteur et la mère secrétaire employés au quartier Napoléon quand la France contrôlait le secteur nord-ouest de la capitale allemande. Du temps du Mur de séparation entre les deux parties de la ville, dégringolé quelques mois après sa naissance, en mai 1989. Des parents affectés en région parisienne, des racines en Bretagne, mais Berlin, c’est « ma ville » avec « les espaces verts, mon judo, mes copains ».

Une police berlinoise ouverte aux Européens

Une fois passé le bac au lycée français de Berlin, Emmanuel découvre l’opportunité de rentrer dans la police berlinoise, sorte de vocation naturelle pour celui qui a « toujours détesté l’injustice ». C’est une particularité de la police comme de l’armée allemande d’ouvrir leurs rangs aux ressortissants de l’Union européenne par manque de bras dans une situation de quasi plein emploi des 18-35 ans. À condition de s’engager à respecter la Constitution et de maîtriser la langue de Goethe. À Berlin, un policier sur 100 est étranger ou binational.

À bientôt 30 ans, avec ses trois étoiles sur les épaulettes, Emmanuel a l’équivalent du grade de brigadier-chef ou de major. Ses missions l’emmènent aux quatre coins du pays, pour déloger à l’Ouest les opposants aux mines de charbon ou séparer à l’Est manifestants d’extrême droite et contre-manifestants de gauche. Une vie professionnelle passée moitié au bureau, moitié sur le terrain pour un salaire légèrement inférieur à celui de ses alter ego français mais compensé par le faible niveau de vie de la capitale allemande. « Même si cela change », souligne ce célibataire qui n’a pas pu, à cause de la flambée des prix de l’immobilier, trouver autre chose que son deux-pièces.

« Der Franzose »

Il regrette l’image de la police « toujours associée dans l’esprit des citoyens à l’agent qui soustrait : de la liberté, de l’argent. Pas à la protection que nous assurons ». Mais, à l’aise dans l’uniforme bleu, rien ne saura lui faire regretter son engagement qu’il exerce au sein de la 23e unité mobile des CRS de Berlin. Dans ses bâtiments beiges défraîchis ont stationné des troupes françaises d’après-guerre dans cette caserne alors baptisée « Centre Jeanne d’Arc », après avoir hébergé des régiments de la défense antiaérienne de la « Flak ».

Emmanuel y est connu comme « der Franzose », avec les couleurs de son pays qu’il arbore sur sa veste de service. Il aurait bien ajouté le « gwen ha du » à la panoplie mais « regrette de ne pas parler breton ». Une identité gigogne, une vie à cheval entre deux pays. Mais il ne se posera la question de la double nationalité qu’en « cas de Frexit ou si Le Pen arrive au pouvoir ».

La réconciliation dans son sang

Citoyen européen, il incarne aussi la réconciliation dans son sang. Son grand-père, André Lotodé, soldat de la Première armée française, a participé à la campagne de Libération de la France, de l’Afrique à l’Allemagne. Sur le chemin du retour, il a pris pour épouse une jeune Elisabeth rencontrée en Forêt-Noire, qui « avait dû renoncer à sa nationalité allemande ». « Soixante-dix ans qu’on est en paix, qu’on ne se tape plus dessus ! », souligne celui pour lequel « l’Europe est irremplaçable même si elle est perfectible ». Il apprécie par-dessus tout la liberté de circulation, de « pouvoir rentrer d’un coup d’avion de Berlin à Nantes ». Son engagement européen ne se limite pas au bulletin de vote qu’il introduira le 26 mai dans une urne de l’Ambassade de France. Cet été, en Corse, à Paris ou au Mont-Saint-Michel, Emmanuel Ledieu patrouillera en zone touristique pour renseigner les touristes allemands. Au service de l’Europe.

Source : Le Télégramme

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