Michaël, CRS : «J’ai deux enfants qui vivent dans l’angoisse que je me fasse lyncher»

7958598_600c43fe-f58f-11e8-84ba-5201c571b14d-1_1000x625Bordeaux (Gironde), samedi 1er décembre. Des CRS aspergés de peinture par des Gilets jaunes lors d’un rassemblement. AFP/Nicolas Tucat

Michaël, 44 ans, sous-brigadier dans une unité de CRS et délégué du syndicat Alliance, a participé au maintien de l’ordre de la manifestation des Gilets Jaunes sur les Champs-Elysées, samedi 24 novembre.

Michaël était présent samedi 24 novembre pour sécuriser le rassemblement des Gilets jaunes à Paris. Il raconte.

Vous êtes CRS depuis 19 ans. Avez-vous déjà connu une telle situation ?

 

Ce qui est nouveau, c’est la durée des violences contre nous. Samedi dernier, nous sommes arrivés sur place à 9h15 et nous ne sommes remontés dans les véhicules que vers 23 heures. Soit plus de quatorze heures, sans manger, en première ligne face aux barricades. Notre unité (80 personnes) a utilisé 1 000 grenades lacrymogènes ! Un cap a été franchi dans la violence. Le mobilier urbain sert d’armes aux casseurs. Nous avons reçu des barrières, des pavés, des boules de pétanque, des fusées de feux d’artifice… Quand tu te retrouves sous une telle pluie de projectiles pendant si longtemps, c’est très éprouvant. A un moment, nous n’avions plus de grenades lacrymogènes. Dans ces conditions, on se demande si on ne va pas être contraint d’user de son droit à la légitime défense. On songe sérieusement à utiliser son arme…

Avez-vous eu peur ?

Non, mais dans ces conditions, tu penses quand même à ta vie. Tu songes sans arrêt à éviter le projectile qui risque de te tomber dessus. Le risque permanent, c’est de se retrouver encerclé. Nous avions des manifestants devant nous mais aussi derrière. Ce n’est pas parce que tu as une carapace sur le dos que tu te sens invincible. On n’est pas des robots. Quand l’un de tes collègues est blessé, tu te concentres sur l’urgence : l’extraire au plus vite pour éviter qu’il se fasse lyncher. Ensuite, tu ne peux pas t’empêcher de te dire : « Cela aurait pu être moi. Je suis entier. »

Dans quel état d’esprit étiez-vous à la fin ?

A 23 heures, chacun envoie un SMS à sa famille pour la rassurer car elle n’a pas eu de nouvelles depuis ton départ de la maison à quatre heures du matin. Moi, j’ai écrit : « On est relevé. C’est fini. » Je m’en tirais bien : j’avais seulement reçu un pavé dans les côtes. Quand je suis arrivé chez moi, ma femme était endormie sur le canapé, avec la télé qui repassait les images de la journée. J’ai deux enfants qui vivent avec l’angoisse que je rentre blessé, que je me fasse lyncher. De mon côté, j’avais besoin de souffler après ces montées d’adrénaline. Difficile de s’endormir avant trois heures du matin car on se refait le film des violences. Tu éprouves le besoin d’en parler aux autres, à tes collègues, à ta famille.

Comment fait-on pour repartir au front la fois suivante ?

C’est notre « taf ». Si on est CRS, c’est que l’on aime cela. Recevoir des projectiles, ça fait partie du job. Nous sommes là pour garantir la sécurité de ceux qui manifestent pacifiquement.

Source : Le Parisien

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