Mais qui sont ceux qui jettent discrètement de l’huile sur le feu des rapports entre police et minorités ?

Le week-end dernier une équipe de tournage mettant en scène une fausse bavure policière raciste a été arrêtée. Mais qui sont ces personnes qui tentent d’exploiter la vague des violences policières à leur profit ?

000_Par6897874

Atlantico.fr : Ces derniers jours de multiples vidéos présentant des agressions de policiers sur des civils ont été mises lignes. Certaines vidéos s’avèrent être fausses. Récemment, trois faux policiers ont d’ailleurs été arrêtés : ils s’apprêtaient à procéder à une interpellation raciste pour un tournage sauvage. Qui peut être derrière ce genre de vidéos ?

Vincent Tournier : Beaucoup de gens ont intérêt à jeter de huile sur le feu, depuis les délinquants qui veulent discréditer la police jusqu’aux militants anti-police, en passant par tous ceux qui rêvent d’un monde idéal où la police se contenterait d’offrir des fleurs aux passants. De plus, il est aujourd’hui très facile de fabriquer de fausses vidéos. Leur crédibilité est d’autant plus grande qu’il existe bel et bien des vidéos réelles qui montrent des interpellations où la situation dégénère, sans que l’on sache toutefois ce qu’il s’est vraiment passé car les vidéos omettent généralement les minutes qui ont précédé les altercations. Plus largement, après la crise des gilets jaunes et le mouvement contre la réforme des retraites, les vidéos anti-police bénéficient d’un climat favorable. La police est désormais un bouc émissaire. Elle polarise tous les mécontentements. On voit d’ailleurs se créer des sites où chacun peut mettre en ligne ses vidéos sur le mode « dénonce ton flic ».

En même temps, on peut relever que cette fausse vidéo que s’apprêtaient à réaliser ces trois individus est indirectement un hommage rendu au travail des policiers : elle signifie que les opposants à la police ont du mal à trouver dans la réalité un contrôle policier qui se déroule aussi dramatiquement qu’ils le souhaiteraient, ce qui les oblige à mettre eux-mêmes en scène le cauchemar qui travaille leur inconscient.

Quelles peuvent être les raisons de leur réalisation ? Une cause politique ?

C’est probablement un ensemble de facteurs : le désir de faire le buzz, la facilité technique, le goût de la mise en scène, le contexte anti-police, la faiblesse des risques, les événements qui se produisent aux Etats-Unis, la volonté de dénoncer le racisme et de plaider la cause des minorités, etc. Il faut peut-être aussi tenir compte du contexte post-confinement, qui fait surgir une volonté de prendre sa revanche sur la période où l’Etat et la police ont pris un pouvoir très important sur les citoyens, ce qui n’a pas été du goût de ceux qui n’aiment pas les contraintes et les règles.

Les enjeux politiques ajoutent un autre élément. Il est évident qu’il existe un courant anti-police très puissant en France, fruit d’une histoire conflictuelle entre l’Etat et les mouvements sociaux, auquel vient maintenant s’ajouter la question des minorités ethno-religieuses. Ce courant anti-police bénéficie du soutien d’une grande partie des médias et des artistes, comme on a pu le voir récemment avec la déclaration de la comédienne Camélia Jordana, laquelle a pu sans difficulté parler de « massacres » sur une chaîne du service public sans être contredite, et sans non plus que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), pourtant si prompt habituellement à réagir, ne trouve rien à redire. Bien sûr, la critique de la police est légitime dans une démocratie, mais on voit bien qu’on est aujourd’hui très au-delà d’une critique raisonnable et constructive. Beaucoup ne veulent pas voir que la police occupe un rôle essentiel dans une démocratie. Les applaudissements quotidiens adressés au personnel soignant pendant le confinement ne doivent pas masquer le fait que, sans la police, rien de tout ceci n’aurait été possible : si la police n’avait pas été là, jamais les soignants n’auraient pu faire leur travail.

Ces vidéos proviennent-elles d’individus luttant réellement contre les violences policières ou sont-elles un simple « buzz »?  Ou au contraire, favorisent-elles les conflits entre minorités et policiers ?

Il y a probablement des gens qui sont animés par de bonnes intentions, mais on peut quand même en douter car le fait de fabriquer de fausses vidéos est rarement le signe d’une démarche constructive, menée de bonne foi. Les motivations doivent plutôt être recherchées dans un mélange de considérations politiques, notamment du côté de l’ultra-gauche, et de considérations intéressées de la part de gens qui ont pour objectif d’empêcher la police de faire son travail. La coexistence de ces motivations vient jeter un doute sur la sincérité de la cause anti-police : qu’est-ce qui est dénoncé exactement ? quelles sont les solutions proposées, si ce n’est la suppression pure et simple de la police ?

Cette ambigüité est particulièrement problématique dans le contexte actuel. Paradoxalement, jamais la police n’a été autant soumise à des contrôles et à des règles déontologiques. Le moindre dérapage est filmé et dénoncé ; les consignes données aux policiers sont très strictes ; les associations sont actives ; les agences indépendantes comme le Défenseur des droits surveillent et critiquent ; les tribunaux sanctionnent, etc. Peut-on faire mieux ? Sans doute mais le problème est que, en se contentant de pointer la responsabilité de la police, on finit par inverser les responsabilités. On veut se persuader que celle-ci est la seule cause des problèmes. Or, ce n’est pas la faute de la police si les minorités ethno-religieuses concentrent les problèmes d’incivilité et de délinquance, si celles-ci sont surreprésentées dans les prisons. Laisser croire aux minorités que leurs difficultés s’expliquent entièrement par le racisme de la police est une très mauvaise manière de faire avancer les choses. Les minorités doivent aussi faire leur examen de conscience et s’interroger sur leurs propres défaillances. Ceux qui jettent de l’huile sur le feu, par exemple en comparant la situation de la France à celle des Etats-Unis, ne rendent pas service aux gens qu’ils prétendent défendre. Pire : une telle comparaison pourrait bien déboucher sur le résultat inverse. Le risque est en effet que, à force de délégitimer l’action de la police, on aboutisse effectivement à ce que la police renonce vraiment à aller dans certaines zones, ce qui créerait alors pour de bon une situation à l’américaine avec des ghettos urbains livrés à eux-mêmes. Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire que le résultat final serait à l’exact opposé de ce qui était voulu au départ, mais ce ne serait pas une belle réussite.

Source : Atlantico

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *