LES BRIGADES RUSSES SPÉCIALES en FRANCE et à SALONIQUE 1916-1918

Archives et Mémoire

du Corps Expéditionnaire Russe en France

Destins individuels – Témoignages100 ans après, beaucoup d’archives familiales ont disparu alors que les archives militaires et administratives s’ouvrent à tous !

Aujourd’hui, ce sont les petits-enfants qui essaient de reconstituer  le puzzle, mais pour beaucoup, hélas,  le lien avec le pays d’origine, la famille russe a été perdu…

Il semble urgent de rassembler tout ce que nous avons conservé !

Ne perdons pas définitivement le peu de l’histoire, entourée de silence, qui nous a été transmise ! Et le récit individuel s’inscrit dans un récit collectif, historique, et prend tout son sens. 

Merci aux descendants qui accepteront de partager leurs souvenirs familiaux, c’est un hommage modeste que nous rendrons ainsi à ces hommes qui ont perdu leur pays, leur famille en venant combattre en France ou dans les Balkans.

Comment ont-ils appris que leur grand-père ou arrière-grand-père était un soldat russe venu se battre en France pendant la 1ère Guerre Mondiale ?  L’ont-ils connu ?  Ont-ils pu lui parler ? Et lui, parlait-il de son histoire ? Où en sont leurs recherches ?

Histoire des petits-enfants de Feodor Mamontoff

De la Russie à l’oubli, des silences aux recherches,

de la mémoire à l’hommage, enfin !

 

1914-1915 en Russie : à 22 ans le soldat Feodor Mamontoff fait partie du 21ème Bataillon de Réserve.

1916 : en janvier,  il est enrôlé dans la 1ère Brigade Russe Spéciale, appelée à combattre en France. Il laisse derrière lui ses parents, ses deux frères, sa Patrie et ne sait pas encore qu’il ne les reverra jamais.

Dès février, par convois de trains puis de navires, les soldats de la 1ère BRS sont transportés jusqu’à Marseille où ils débarquent en avril.

1916 -1917 : Feodor Mamontoff participe aux combats sur le Front de Champagne.

1917 : en avril, avec la 1ère Brigade, le sergent Mamontoff se bat courageusement dans les offensives meurtrières du Chemin des Dames, notamment en libérant le village de Courcy.

En juin, dans la tourmente du pouvoir russe en place, la contestation gagne les brigades russes. Elles sont retirées du front et envoyées au camp de La Courtine dans la Creuse. En septembre, une mutinerie éclate au sein de la 1ère Brigade et est sévèrement réprimée par les armes. Quelle fut la réaction de Feodor Mamontoff au milieu de ces évènements ? Nous l’ignorons.

 1918 : Feodor Mamontoff  est affecté à la Compagnie de travailleurs militaires 4/2, près de Chartres (27). Il travaille sur les terres du Château d’Houville-la- Branche.  Hasard ou lien direct, le Château d’Houville appartient alors au Capitaine Étienne de Maleissye (État-Major de l’Armée – Mission militaire française en Russie en mars-avril 1917). Il a rédigé plusieurs rapports sur la situation en Russie au moment de l’abdication du Tsar Nicolas II.

Feodor Nikolaïevitch MAMONTOFF  

Fils de Nikolaï et de Maria Karatoff

 Né le 8 juin 1892 à Lambasroutcheï (Russie)

Décédé à Dijon (France) en 1974

Pourquoi est-il resté en France ?

Au château d’Houville, il tisse des liens amicaux avec le personnel du château, malgré l’obstacle de la langue, et rencontre Jeanne qui succombe très vite au charme de ce beau russe aux yeux bleus-gris. Il a 27 ans elle en a 34 ! Jeanne est enceinte, avant même la démobilisation de Feodor. Ainsi il a scellé son destin en France car il n’abandonnera pas Jeanne ! Il ne demandera pas son rapatriement.

Fin 1919 Feodor est démobilisé. Le couple part dans la région d’origine de Jeanne en Côte d’Or, à Gevrey-Chambertin, près de Dijon. Olga naît en avril 1920. Puis des jumelles naîtront en juin 1921 : Marcelle et Réjane (notre mère).

Au Château d’Houville

Feodor cherche du travail mais pour un étranger ne parlant pas le français c’est difficile.

Enfin, début 1922, il trouve du travail comme mécanicien dans une forge à quelques kilomètres de Dijon, à Til-Châtel, où la famille s’installe. Il y restera jusqu’à la fin de sa vie.

Avec peu de moyens, la vie de la famille n’est pas facile, et l’arrivée d’un Russe dans un petit village après la guerre suscite la curiosité et la méfiance. Les filles grandissent, vont à l’école. Elles font leur « Communion catholique ». Réjane, notre mère se souvient « On nous appelait les Russki, on se sentait différentes des autres » Pourtant, Feodor fait tout pour s’intégrer : il continue d’apprendre le français, participe à la vie du village. Il ouvre un petit café.

Il sait se faire apprécier par son courage et sa gentillesse. Son prénom est francisé en Théodore, il met son passé entre parenthèses pour ses filles. Pendant la Seconde Guerre mondiale,  Feodor va participer localement à des actions de Résistance.

Le silence et les regrets

Même si nous l’avons bien connu, nous ignorions absolument tout de l’histoire de notre grand-père. Quand nous étions enfants, le silence était de mise comme dans beaucoup de familles :  Les enfants ne pouvaient pas poser de questions et s’ils le faisaient ils n’avaient aucune réponse. Nous n’avons pas entendu notre grand-père parler de son passé, dire pourquoi il était là ! Même ses filles ne savaient rien !

Après avoir entrepris nos recherches, nous avons interrogé notre mère et avons compris : « Votre grand-mère Jeanne (décédée en 1948) ne voulait pas que votre grand-père parle de la Russie, de sa famille, elle ne voulait pas qu’il voit ses amis soldats… ». « À la maison on entendait parfois crier les loups » est peut-être l’un des  seuls souvenirs qu’il a partagé !

Pendant nos vacances, nous avons souvent pu le suivre dans ses occupations car il aimait cultiver son jardin, aller ramasser des champignons, partir à bicyclette à la pêche ( ah le brochet rusé…), comme sans doute il le faisait chez lui !

C’était notre grand-père russe, notre « Pépère » comme on disait avant.  Il roulait les « r », il suivait l’actualité de la Russie,  il chantait Kalinka, et les airs traditionnels en dansant.  Pour tout cela nous l’aimions. Et ô combien il aimait ses petits enfants !

Que de regrets !

Il décède en 1974, à 82 ans, sans avoir jamais revu

ni sa Patrie ni sa famille

Les recherches et l’hommage

Fin 1994, 20 ans après la mort de notre grand-père, notre mère nous a remis  une petite valise. Elle contenait quelques objets, pas mal de photos, de cartes, une Carte de Réfugié et un album photos de voyage, avec un titre mystérieux écrit en Russe « Через Моря и Океаны во Франции ». Pour nous, toute sa vie  d’alors tient dans cette petite valise !

En 1995, nous commençons les recherches  ! 1ère question : où se trouve son lieu de naissance ?

Après de multiples consultations d’Instituts russes, de bibliothèques… et l’apprentissage du russe pour lire les cartes, nous avons trouvé  Lambasroutcheï en Carélie.

2ème  question : quand et comment est-il arrivé en France ?

Il a fallu beaucoup de recherches et de courriers, en France, en Russie, à New-York,  pour lever peu à peu le voile sur  l’histoire du Corps Expéditionnaire Russe.

 Nos tentatives  de retrouver de la famille en Russie restent vaines, sauf apprendre

qu’il vivait peut-être en Ukraine quand il est enrôlé dans la 1ère Brigade !???

Encore tant de questions ! Où vivait-il au moment de son enrôlement ?

Dans le même temps, de nombreuses archives s’ouvrent à tous. Nous découvrons alors que c’est non seulement l’histoire de notre grand-père qui nous intéresse, mais l’histoire extraordinaire de ces 40 000 soldats envoyés en France et à Salonique en 1916, en plein dans l’enfer de la grande guerre, combattre pour la liberté. Les années du Centenaire nous ont permis heureusement d’honorer leur mémoire et de rencontrer d’autres descendants.

Notre grand-père décède en 1974, à 82 ans, sans avoir jamais revu ni sa Patrie ni sa famille.

Mais il nous a transmis le sang slave qui coule dans nos veines et nous sommes profondément attachés à la terre de Russie, à son histoire, sa culture, sa littérature, sa musique qui nous vont droit au cœur !

Il n’est pas trop tard pour  lui rendre l’hommage qu’il mérite ! C’est ce que nous faisons et, du ciel de sa Russie natale, il nous voit sûrement… Et nous voulons lui dire :

« Aujourd’hui, nous imaginons combien tu as dû souffrir du déracinement, combien tu aurais été heureux de pouvoir nous raconter ta terre, ta famille…. Et répondre à nos questions ! Nous  comprenons enfin  pourquoi ton regard semblait parfois se perdre au loin…… vers la Russie ! ! Ne t’inquiète pas Pépère, regarde-nous, on s’occupe de rattraper tout ce silence et cet oubli de ton sacrifice pour que nous soyons libres aujourd’hui. »

Chez nous, près de sa photo, un peu de terre et de fleurs rapportées de Carélie !

Pour toi Feodor, pour vous Vassili, Piotr, Sergueï, Georges, Simon, Stepan, Vladimir… et tous ceux du Corps Expéditionnaire Russe, nous voulons rattraper tous ces silences, tous ces manques, interdire ces oublis de vos sacrifices !  Nous devons continuer à vous rendre une reconnaissance  et un hommage  permanent »

15 octobre 2019

Marie et Ivan Bellegou Mamontoff

Petits-enfants de Feodor Mamontoff

« Michka 16-18 » devient « Brigades Russes 16-18 »

ENFANTS DE FRANCE !

Quand l’ennemi sera vaincu et quand vous pourrez librement cueillir des fleurs sur ces champs,

souvenez-vous de nous VOS AMIS RUSSES et apportez-nous des fleurs

(Stèle St Hilaire le Grand)

Dès la Première Guerre Mondiale,

la plupart des régiments ont adopté un animal comme « mascotte ». Elle est alors considérée comme un porte-bonheur destiné à augmenter le moral des troupes. Pour les Russes

ce fut un ours !

« Ne perdons rien du passé ! Ce n’est qu’avec le passé que l’on fait l’avenir »

Anatole France

Pour la première fois, nous publions des  documents  d’Archives  Militaires  sur  l’histoire des  Troupes  Russes  en  France et dans les Balkans.

En 1916, plus de 40 000 soldats Russes quittent leur famille et leur Patrie pour se battre aux côtés  des Français, en France sur le Front de Champagne

et à Salonique sur le Front des Balkans.

Ils ne savent pas que leurs destins vont être bouleversés par les

révolutions russes de février et octobre 1917.

 

Pourquoi l’envoi de troupes russes en France ? 

Après un an de guerre, la France manque d’hommes, la Russie manque d’armes. En décembre 1915, à la demande de la France et dans le cadre de l’Alliance Franco-Russe, le Tsar Nicolas II accepte l’envoi de troupes Russes et la France continuera à envoyer l’armement militaire dont la Russie a besoin, comme elle le fait déjà depuis plusieurs mois. La première Brigade est formée dès janvier 1916.

Sous quelles conditions ? 

Les soldats Russes seront envoyés en unités constituées, encadrées par des Officiers Russes et mises à la disposition des Grandes Unités Françaises.

La France aura à sa charge le transport maritime des troupes russes.

Leurs tenues seront russes mais ils seront armés par du matériel français.

Combien d’hommes ?

Quatre Brigades Russes Spéciales d’Infanterie sont ainsi formées. Chaque Brigade est composée d’environ 10 000 hommes.

Les 1ère et 3ème Brigades Russes Spéciales sont envoyées sur le Front Français.

Les 2ème et 4ème Brigades Russes Spéciales sont destinées au Front d’Orient, dans les Balkans.

                               Elles formeront le Corps Expéditionnaire Russe en France !

Au total, plus de 40 000 soldats « volontaires » sont ainsi envoyés par la Russie. L’envoi prévu de trois autres Brigades a été interrompu quand ont éclaté les insurrections révolutionnaires de février 1917 en Russie.

Où vont-ils combattre ?

En 1916 et 1917, les 1ère et 3ème Brigades partent au combat « avec une grande bravoure ». Ils s’illustrent notamment sur le Front de Champagne et participent en avril 1917 à la meurtrière Offensive Nivelle, sur le tristement célèbre « Chemin des Dames ».

Les 2ème et 4ème Brigades combattent sur le Front des Balkans.

En 1918, les soldats de la Légion Russe d’Honneur continuent à combattre au sein de l’Armée Française jusqu’à la fin de la guerre.

La fin du Corps Expéditionnaire Russe ?

Dès que les nouvelles des bouleversements en Russie, l’insurrection de février 1917 et l’abdication du Tsar Nicolas II en mars, parviennent en France, l’unité combattante des soldats Russes est fragilisée. Pourtant, en avril ils acceptent de livrer une dernière bataille, l’Offensive Nivelle. Ce sont leurs derniers combats, ils ne veulent plus se battre loin de chez eux. Sauf ceux de la Légion Russe !

Alors qu’a décidé la France ? Que sont devenus tous ces soldats ?

Après la guerre…

On dénombre au moins 5 000 morts ou disparus, certains reposent encore sous la terre des champs de bataille. Pour les autres, dont un grand nombre de blessés, la plupart seront rapatriés en Russie en 1919 et 1920. Ils ont quitté une guerre, ils vont en trouver une autre, la guerre civile. Ceux qui resteront en France ne reverront jamais leur famille ni leur Patrie bouleversée.

Comprendre

Ces soldats russes ont combattu pour notre liberté, ils ont pourtant été oubliés des livres d’Histoire français à cause de leur refus de continuer à se battre après avril 1917. Mais aujourd’hui, on peut aisément comprendre pourquoi l’abdication du Tsar le 15 mars 1917 a fini d’affaiblir l’unité combattante de ces soldats. Ils sont Russes, loin de la « Mère Patrie ». La monarchie, vieille de plus de six siècles, prend fin ! Un nouveau Gouvernement est en place. Ils sont partis en tant que soldats de l’Armée Impériale et l’Empire n’existe plus,  ils veulent rentrer !

N’oublions pas leur sacrifice !

Pour lire la suite et voir de nombreux autres témoignages de descendant de ces soldats Russes, suivre ce lien : https://www.brigadesrusses.fr/Destins_individuels.GB.htm

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