L’art et la manière de « noyer le poisson »

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Beaucoup de nos élus ont acquis au fil des années l’art et la manière d’utiliser « la langue de bois ». Ils savent tous « monter une mayonnaise » afin de « noyer le poisson » sans que l’on s’en rende compte. Quel que soit le parti ou l’obédience politique auquel  ils appartiennent, ils sauront toujours tirer avantage de l’ignorance, de la crédulité, voire de l’obéissance de leur auditoire.

Depuis le 02 octobre 2014 nous avons un parfait exemple des rapports et communications qui leur permettent de nous faire « avaler le bébé » en même temps que nous faire « boire l’eau du bain ».

Tentons de résumer les faits le plus simplement possible :

Par deux arrêts rendus le 2 octobre 2014, la CEDH condamne la France en ce que l’interdiction totale et absolue des groupements professionnels à caractère syndical au sein de l’armée est une infraction à l’article 11 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Une brève analyse de ces arrêts nous permet de constater :

La Cour estime que la création de telles institutions (les instances de concertation) ne saurait se substituer à la reconnaissance au profit des militaires d’une liberté d’association, laquelle comprend le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier.

– La Cour est consciente  que la spécificité des missions incombant aux forces armées exige une adaptation de l’activité syndicale qui, par son objet, peut révéler l’existence de points de vue critiques sur certaines décisions affectant la situation morale et matérielle des militaires.

Elle souligne à ce titre qu’il résulte de l’article 11 de la Convention que des restrictions, mêmes significatives, peuvent être apportées dans ce cadre aux modes d’action et d’expression d’une association professionnelle et des militaires qui y adhèrent (interdiction du droit de grève, interdiction du droit de retrait).

– De telles limitations ne doivent cependant pas priver les militaires et leurs syndicats du droit général d’association pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux.

La France n’ayant pas fait appel, ces deux arrêts sont définitifs et exécutoires à compter 02 janvier 2015. Le Code de la défense en son article L. 4121-4 est donc depuis cette date hors la Loi. Il se doit donc d’être revu et corrigé afin de le rendre conforme à la LOI.

Depuis le 02 octobre 2014 nous constatons une grande activité afin de nous détourner de l’objectif principal.

En effet, le Président de la République a confié à M. Bernard PÊCHEUR, Président de la section de l’administration du Conseil d’État, une mission sur la portée et les conséquences des deux arrêts.

Vous trouverez ci-joint la lettre de mission : Lettre-de-mission-B.PECHEUR

Le 18 décembre 2014 M. Bernard PÊCHEUR présente un rapport de 110 pages dans lequel il fait des affirmations erronées et non vérifiées, à savoir  que la France avait les moyens de faire appel aux deux arrêts de la CEDH, mais qu’elle s’est abstenue, pour  finalement reconnaitre qu’il était peu probable de gagner en appel sur un jugement rendu à l’unanimité des juges.

Le rapport « Pêcheur » ne fait état que « d’association professionnelle ».  Le droit syndical est occulté même si il est très timidement cité dans certains passages. Pour justifier cela il mentionne un manque d’appétence des militaires pour le syndicalisme mais omet de faire état d’un sondage effectué sur Armée-Média donnant 68% d’opinion favorable aux syndicats dans les armées. Seules les hautes autorités militaires ont été consultées.

Ce rapport, indigeste, préconise finalement de créer UNE Association Professionnelle Nationale de Militaire (APNM), à la mesure et aux ordres des autorités, en excluant toute participation des retraités, ces derniers n’étant plus soumis à une hiérarchie dominante.

La commission de la défense nationale et des forces armées, par l’intermédiaire de Mme Gosselin-Fleury et M. Marleix, rapporteurs, a ensuite, elle aussi, publié un rapport d’information sur l’état d’avancement de la manœuvre des ressources humaines du ministère de la défense et les conséquences des arrêts de la CEDH du 2 octobre 2014.

Ce pavé de 150 pages, qui comprend deux parties bien distinctes, traite des ajustements de la manœuvre des ressources humaines, planifiée en 2013 en prévision de la loi de programmation militaire 2014-2019 et des conséquences des arrêts de la CEDH.

Les droits syndicaux de tous les militaires, formellement reconnus par  la CEDH sont totalement ignorés et écartés.

Quelques jours avant la parution de ce « pavé », Mme Gosselin-Fleury et M. Marleix exprimaient très ouvertement leur désaccord et leur opposition sur les décisions de la CEDH dans une vidéo publiée sur le site de l’Assemblée Nationale.

Par cette attitude partisane et intellectuellement malhonnête, ils sortent totalement du cadre qui leur a été assigné. Tant dans la vidéo que dans leur rapport, ces deux élus critiquent le jugement (unanime) des magistrats de la plus haute cours de justice européenne. Leur mission de rapporteurs ne leur demande nullement de se positionner politiquement mais de faire un bilan honnête et sans engagement suite aux diverses autorités entendues. Ça n’a pas été le cas.

Face à ces comportements l’APG estime que ce rapport est entaché de parti pris et ne peut plus avoir valeur d’un compte rendu réel et équitable de la situation. Il écarte totalement les desiderata de la communauté militaire. Il fait fi des auditions effectuées et des avis exprimés.

Concrètement, la commission de la défense nationale et des forces armées, bien qu’ayant cette fois-ci entendu des responsables de divers associations existantes, omet à nouveau de citer le sondage précédemment exprimé sur Armée-Média. Ce document est une copie presque conforme du rapport Pêcheur.

L’APG considère que l’attitude de la commission de défense et du Conseil d’État est préjudiciable à l’ensemble des militaires et va à l’encontre des décisions prises par la CEDH.

Par cette pratique et ses prises de position, l’État poussera certains gendarmes ou militaires à se tourner vers divers syndicats de police. Cela  conduira à de nouveaux contentieux qui seront soumis au jugement de la CEDH. En effet, celle-ci étant la plus haute juridiction, l‘APG imagine difficilement un militaire être poursuivi par sa hiérarchie pour adhésion ou participation active à un syndicat quelconque dès lors que la cour reconnaît aux militaires la liberté d’association, laquelle comprend le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier.

L’APG appelle donc l’ensemble des militaires à prendre en main leur destinée et à se tourner massivement vers l’association professionnelle de leur choix, voire à créer un syndicat militaire en prenant exemple sur nos camarades de la Bundeswehr,  syndiqués depuis de très nombreuses années.

Notons à cet effet que les divers rapporteurs de la commission de défense se sont bien gardés d’enquêter auprès des militaires allemands afin de n’avoir pas à mentionner les côtés positifs de leurs organisations syndicales.

Dans cet esprit  l’APG désire vous présenter l’exemple allemand du syndicalisme dans les armées. A cet effet le général (2S) Olivier de Becdelièvre, ancien attaché des forces terrestres en Allemagne, publie une note très instructive pour le compte du G2S, le cercle de réflexion des généraux en deuxième section de l’armée de terre.

Nous en reprenons les points les plus importants, afin de nourrir la réflexion sur l’évolution de la représentation professionnelle des militaires. (http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/syndicalisme-dans-armees-l-exemple-allemand-19319)

L’exemple du Deutscher Bundeswehrverband, en abrégé DBwV, ou « Association de la Bundeswehr allemande » peut fournir des éléments de réflexion.
Le DBwV a été fondée le 14 juillet 1956 par 23 officiers, 25 sous- officiers et 7 militaires du rang issus du premier contingent de la Bundeswehr, incorporé en janvier 1956. Dès son origine, le DBwV reçoit le soutien de la hiérarchie, qui autorise ses réunions dans les enceintes militaires dès lors qu’aucune question politique, de quelque nature que ce soit, n’y est abordée. Dans les années soixante, l’Association doit s’imposer vis-à-vis du syndicat de la fonction publique ÖTV dans sa prétention à vouloir représenter les intérêts des militaires. Le nombre d’adhérents croit rapidement et régulièrement : 50 000 en décembre 1959, 110 000 en juillet 1966 (10ème anniversaire), 140 000 en janvier 1972, 175 000 en septembre 1974.
Actuellement, le DBwV compte environ 200 000 adhérents, au sein d’une communauté de la défense moins nombreuse qu’au cours des années soixante-dix. Environ 65% des militaires d’active allemands sont adhérents.

Devant le manque d’honnêteté des divers  rapports tronqués et foncièrement partiaux,  suite à l’analyse des divers documents édités et proposés à l’exécutif qui seront pris pour base de la future Loi concernant les APNM,  l’APG ne peut que s’insurger devant ce manque d’esprit démocratique.

Il devient évident que les diverses instances ayant été commissionnées l’ont fait exclusivement à charge afin de limiter le pouvoir d’expression au sein de nos armées.

Le jour où nos militaires pourront enfin se faire entendre honnêtement et socialement n’est pas encore arrivé…

Le Conseil d’Administration de l’APG

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