« La justice et la loi sont deux notions totalement différentes » ou un exemple de harcèlement. (La suite).

Le 30  Janvier 2014 je publiais sur Profession-Gendarme le1er épisode de l’article ci-dessus.

Cet article étant assez long (ceci explique pourquoi je le publie en deux épisodes)  mais il est très intéressant dans le déroulement d’une « affaire » pour exclure un Gendarme devenu « gênant » par sa trop grande franchise et son « culot » d’avoir osé dénoncer des malversations au sein de notre Arme, au risque de « ternir notre image de marque ».

Voici comment monter une cabale pour y parvenir.

A noter qu’au moment des faits « Denis » est en CLDM (Congé de longue durée maladie) pour une dépression grave et se trouve sous traitement médicamenteux. Ceci expliquant peut- être sa réaction face à l’acharnement d’un Gendarme auxiliaire lors d’un contrôle routier.

A noter également que « Denis » s’est vu notifier par lettre recommandée son exclusion définitive de la Gendarmerie vers la mi-avril 2013 alors qu’il était encore à ce moment là sous traitement médical.

Mais une nouvelle fois, laissons donc « Denis » s’exprimer :

exclusion1« exclusion »

 

X – La Chute

Cette arme est celle devant laquelle je me suis souvent retrouvé, et elle me paraissait la meilleure solution à ce mal être qui me rongeait. Se rendre tous les jours au travail avec une boule au ventre, vivre dans la crainte de ses propres réactions, se cloîtrer chez soi dans la pénombre en pleine journée, craindre la moindre visite, ma décision était prise.

Après la réalisation de nos comptes-rendus, je m’aperçus que j’étais le seul a en avoir écrit plusieurs pages, car mes 3 autres collègues d’infortune étaient déjà en phase de retournement. Un d’entre eux démissionna dans les semaines qui suivirent, et les deux autres préférèrent « changer d’avis » en mettant cela sur le compte de la pression. Je restais donc le seul effronté à ne pas m’auto traiter de menteur, à garder ma dignité et à ne pas revenir sur mes propos.

XI – La machine infernale

En contrepartie de nos comptes-rendus, on nous assura d’une totale discrétion à notre encontre afin que les conditions de travail ne soient pas pires que ce qu’elles étaient: dès le premier mois, chacun des mots que nous avions posés sur nos rapports étaient connus des 4 personnels incriminés.

Les nerfs à fleur de peau, je ne pouvais plus refréner mes envies d’accélérer l’enquête et son dénouement, et dès que j’avais en visuel les 4 anisés, je devenais fou: ces derniers s’enfermaient dans un bureau, disparaissaient dans un véhicule ou se confondaient en excuses pour tous les maux qu’ils avaient générés.

5 ans à me contenir, et je n’avais même pas compris ce mal qui me rongeait: le médecin militaire requis en urgence m’annonça, à l’énoncé des faits, que j’étais en profonde dépression, et pour mon bien et surtout celui de mes lamentables collègues anisés, il fallait me placer en congé maladie de longue durée.

Je fis un séjour d’une semaine dans un hôpital, afin de me reposer psychologiquement, et je fus placé sous traitement lourd pour une durée indéterminée. Ce traitement, d’ailleurs, ne ferait qu’empirer les choses.

XII – Le contrôle

En effet, un soir, alors que je rentrais à mon domicile, je tombais sur un contrôle dit « OAC » (Opération Anti Délinquance »): étant sorti pour effectuer un court trajet, je n’avais pas pris mes papier sur moi.

Le dispositif était constitué d’une quinzaine de sous-officiers, en l’occurrence des gendarmes mobiles détachés sur le secteur, des unités départementales environnantes et deux personnels de mon unité d’origine. Le collègue (on est tous censés être de la même grande famille) qui me contrôla se montra courtois et après que je l’ai informé que j’étais de la « maison », nous entamâmes une conversation des plus cordiales: a contrario, son binôme, un gendarme adjoint volontaire, se montrait insistant en me demandant les papiers alors que je lui avais dit que je les avais laissés à mon domicile.

Je reconnaissais d’ailleurs là mon erreur des plus inadmissibles pour un gendarme, et je lui proposais même d’aller chercher mon permis de conduire afin de le lui présenter, mais le ton montait et je lui demandais de s’identifier afin que je sache à qui j’avais affaire: évidemment, il s’agissait d’un nouvel effectif de mon unité d’appartenance, il était là depuis quelques semaines, et, comme je le lui faisais constater, il avait bien été briefé par nos « amis » en commun.

Je lui demandais d’aller chercher son supérieur, présent sur le contrôle, afin qu’il atteste de mon identité, mais il s’agissait d’un des deux collègues qui avaient retourné leur veste: il refusa de se déplacer jusqu’à moi.

Quelque peu exaspéré par l’insolence et l’acharnement dont le gendarme adjoint faisait preuve, je me mis à l’insulter copieusement, lui et ses « parrains » de grande inspiration, après être sorti de mon véhicule. Il se réfugia derrière une ligne composée par une dizaine de sous-officiers, et je me mis à l’écart avec trois d’entre eux qui me connaissaient bien afin de calmer la situation.

Ces moments-là, je les regrette, car mon traitement médicamenteux me rendait, certes, plus sûr de moi, mais me faisait agir de manière totalement disproportionnée.

Le lendemain, le chef de la brigade de recherche compétente (B.R.) m’appela, complètement désorienté, et il me dit que le commandant de compagnie voulait que je sois entendu sur les faits: à la surprise générale, je fus placé en garde à vue.

Plusieurs personnels de la BR se succédèrent dans le bureau dans lequel j’étais entendu, et à l’instar du gradé qui était chargé de mettre en application la procédure, personne ne comprenait les proportions démesurées que l’affaire prenait. Ils étaient tour à tour désolés, navrés, et alors que ceci aurait dû se régler entre quatre yeux avec le gendarme adjoint, je me retrouvais en garde à vue.

Et, comme notre bon commandant de compagnie, au nom à consonance aryenne, le souhaitait, je fus soumis à l’examen de l’expert psychiatrique régional: je le connaissais d’ailleurs très bien, pour avoir requis ses services sur de multiples enquêtes, et notre entretient commença par la phrase suivante: »Je sais que tu n’es pas fou, et on va tout faire pour que tu sortes de là. ». Il rédigea son rapport pendant 45 minutes, le remis au gradé en charge de la procédure, et lança avant de partir « Ce garçon n’est pas à sa place, c’est un bon enquêteur et le traitement qui lui est réservé est d’une indignité profonde. » (Je cite, rien n’est inventé, et c’est tellement bon!).

Je passais ainsi, quelques semaines après, au tribunal correctionnel, ou j’écopais de 8 jours de prison avec sursis et d’une amende de 90 euros: un ami magistrat me souffla ensuite à l’oreille que le tribunal savait qu’il s’agissait d’une vengeance de la gendarmerie à mon encontre, et qu’ils étaient tous bien « embêtés » avec cette affaire.

Il m’expliqua également que le gendarme adjoint dit « victime » avait été sommé de déposer plainte à mon encontre, le lendemain du contrôle, afin d’initier cette procédure: l’avocat de ce dernier m’expliqua d’ailleurs qu’il avait été dépassé par les conséquences de cette acte, que la gendarmerie l’avait manipulé, et pour ces raisons, il démissionna quelques semaines après.

Son comportement lors du contrôle était somme toute discutable, mais il était devenu une victime supplémentaire: il se disait d’ailleurs plus touché par la lâcheté de la gendarmerie que par les faits nous ayant amenés, tout deux, devant le tribunal.

XIII – Surprise !

Durant le début de mon congé de longue maladie, je fus convoqué par le commandant de compagnie et par son adjoint, et pensant que ces derniers allaient prendre des nouvelles de mon état psychologique, je partais le cœur léger, accompagné par un collègue de mon unité.

Qu’avais-je pensé, quelle planète étais-je aller visiter en osant suggérer que ces deux-là (le Fürher et son bras droit, Himmler) avait requis ma présence pour la raison suscitée??? Au contraire, en guise de soutien, l’autorité suprême m’agita sous le museau quelques copies de documents qu’une tierce personne lui avait faxé, en l’occurrence des identifications de véhicules au fichier des cartes grises et une procédure personnelle qui n’avait jamais aboutie, le tout provenant des tiroirs de mon bureau qui, initialement, étaient verrouillés par mes soins…!!!

Il me demanda ce que cela voulait bien dire, il affirma que tout cela avait été réalisé afin d’assouvir mes intérêts personnels, car « l’expéditeur » des dits documents le lui avait précisé…

Je lui rétorquais (à demi abasourdi par le comportement du nabot teigneux) que je n’étais pas la bonne cible, qu’il fallait plutôt qu’il se concentre sur les anisés qui, en plus de leurs larcins habituels, avaient forcés mon bureau afin d’en extraire mes affaires personnelles. Je rajoutais ensuite, assez fort pour que l’on puisse m’entendre dans chaque pièce du bâtiment, qu’ils étaient tout deux aussi inutiles que nuisibles, et que je comprenais pertinemment que leur carrière se verrait ébranlée par cette enquête générée par leur incompétence. J’appelais ensuite mon collègue (qui était en fait à quelques mètres du bureau) et je repartis plus dépité que jamais.

Puis, peu de temps après, alors que je devais légitimement jouir, sur une durée de 6 mois, de mon habitation de fonction, je fus sommé, un beau matin, de quitter les lieux sous huitaine: un délai inhabituellement court qui n’aurait pas dû me surprendre, mais je n’eus de choix que d’organiser le déménagement et l’aménagement en urgence afin que femme et enfants ne se retrouvent pas à la rue.

Là aussi, les explications quant à cet acte ne m’ont jamais été fournies.

Des amis nous ont donc dégoté un petit gîte initialement prévu pour 1,5 personnes, mais avoir un toit sur la tête étant la priorité, il aurait été déplacé de faire les difficiles.

Les semaines passant, je reçu une convocation « à comparaître » devant le général commandant la région, afin qu’il puisse mettre en application la procédure de punition, à mon encontre, ardemment requise par mon fier et courageux ami, mon bon commandant de compagnie.  (Définition du (trop) jeune officier :  jeune carriériste aux dents longues, dont l’expérience principale réside dans ses 3 ans d’école, et dont la mission est de veiller à faire reluire son image ainsi que celle de la gendarmerie. Pour ce faire, il veillera à corriger, punir, rabaisser du sous-officier et il devra faire preuve d’une grande maîtrise des statistiques ).

Je m’y rendais, le jour venu, accompagné du nouveau P.S.O., mode opératoire habituel car ce dernier est censé défendre les hommes dont il est le représentant élu: cela dit, le pauvre garçon ne me connaissait pas, et je dus lui raconter mon histoire car il n’avait reçu aucune information quant à mon sujet (vaste, il va sans dire): un avocat, même commis d’office, bénéficie au mois d’un peu de temps pour étudier le dossier de ses clients.

XIV – Surprise II

Décidément, ma vie était rythmée par les surprenants illogismes qui me tombaient sur le paletot, et celui-ci fut de taille: après le rituel ancestral de mes respectueuses présentations au grand patron, le discours introductif qu’il me lança m’obligea au silence quelques longues secondes, non pas qu’il fut déplaisant, bien au contraire…

 » Je sais dans quel panier de crabes vous évoluez, j’ai peut-être l’air d’un vieux con mais je sais pertinemment ce qu’il se passe dans mes unités. Vous êtes officiellement ici pour vous faire punir, mais officieusement, je tiens à vous faire part de mon soutien dans cette enquête »

L’enquête, ce grand homme l’avait repris en main lui-même, en renvoyant dans ses buts un premier officier supérieur qui avait lamentablement échoué tant dans sa mission de discrétion que dans le modus opérandi. Il avait ainsi saisi l’Inspection Générale (la police des polices), et après notre entretient, nous avions convenu d’un accord qu’il aurait été indécent de refuser. Je repartais de là serein, avec cette agréable sensation de ne plus être seul.

Enfin la lumière au bout du tunnel, un retour à la vie au travers de cette brise optimiste, il n’y avait plus qu’à attendre le dénouement et les quelques auditions auxquelles personnes ne pourrait échapper.

XV – Boeufs Carottes & Conseil d’Etat

Je ne sais pas combien d’auditions ont été effectuées, mais l’enquête à tout de même duré 5 longues années. J’ai été, pour ma part, entendu à deux reprises, sur deux interminables journées, et le dénouement de cette histoire me fut dévoilé par la presse (articles dans la section « Photos »).

Un grand bravo à ce journaliste qui, doté d’une sacré paire de baloches, a relaté l’histoire dans ses pages sans contournement aucun: ce dernier, avec lequel je suis (et resterai) en contact m’a expliqué qu’il subissait depuis les foudres de madame le commandant de compagnie et de quelques uns de ses hommes, via quelques actes d’intimidation (appels téléphoniques insultants, entraves volontaires lors de son travail d’investigation, etc…) qui ne mettraient nullement en péril sa plume subtile et incisive.

Pendant quelques jours, sous le coup de l’euphorie, je considérais cela comme une victoire, mais à bien y réfléchir, les retombées directes sur ma vie étaient disproportionnées eu égard aux sanctions appliquées. Ces sanctions disciplinaires se sont d’ailleurs majoritairement aplaties sur le crâne à semi dégarni du commandant de brigade.

Le club des anisés n’a, quant à lui, subi que très peu de dommages: retraite volontaire pour deux d’entre eux et une petite fessée pour les deux autres.

Justice a été faite.

Oui, la justice a fait son travail d’enquête, le Conseil d’Etat a tranché, mais cela ne me protègerait pas de l’amertume de tout ce petit monde.

XVI – Conséquences

Un divorce, un acharnement financier de l’administration gendarmerie (trop perçus à gogo, recouvrement de dettes farfelues, etc…), une dépression profonde, un passage en correctionnelle,  une mise à la retraite suite au jugement d’une commission  d’enquête tenue secrète, un long passage auprès des organismes de secours (Restos du Cœur, Secours Populaire, aides sociales, etc…), et après plusieurs semaines passées à dormir dans des voitures qui n’étaient même pas les miennes (merci pour le prêt, au passage), dans des tentes et chez divers amis, je ne puis que me réjouir que les conditions climatiques de cette saison soient particulièrement favorables à cette vie de clochard.

Après avoir cotisé près d’une vingtaine d’année, la « Maison Gendarmerie » m’a attribué, en guise de soutien exceptionnel, au vue de ma situation, une aide financière de 200 euros.

Je n’étais qu’un sous-officier, et je suis encore vivant, autant de raisons qui ont poussé la plupart des organismes gendarmiques et autres associations de soutien à me tourner le dos. Beaucoup de ces « soutiens » vivent de l’opportunisme des drames du quotidien, et si cela donne bonne conscience à leur fondateur, je n’ai pas de grande difficulté à imaginer ce qu’ils valent sur le plan humain.

Comme le disait un homme célèbre (Machete), « La justice et la loi sont deux notions totalement différentes », et mon insignifiant cas personnel en est la preuve.

exclusionsociale

 

 

 

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