La gendarmerie

Par WD

Depuis plusieurs semaines, certains nous demandent ce que nous pensons de la gendarmerie. Nous comprenons bien le sous-jacent de cette demande, à savoir, si ce corps armé est apte à rejoindre le camp de la justice, le camp du peuple en cas de révolte de ce dernier contre la tyrannie actuelle. Une voyante serait plus efficace en la matière.

Cette question ressemble à celle que l’on nous avait posé naguère lors du coup d’éclat des généraux tant médiatisé. Est-ce de l’esbroufe ou un dernier baroud d’honneur des valeurs patriotiques ? Pour se faire une opinion, nous avions renvoyé ces questions au scandale des fiches et sa finalité sanglante en 1905. En lettre de motivation, nous donnions notre avis basé sur nos expériences. Il se trouve que nous avions fréquenté plusieurs corps militaires dans l’armée de terre. La marine n’a jamais eu aucun intérêt pour nous car c’est un milieu qui confond acte héroïque avec sabordage, soit le refus de prendre position dans un moment militairement historique. C’est un milieu indigne, lâche, rempli de gens imbus d’aucune victoire à son actif. Bref, des bulles de savon.

De ces relations amicales souvent entretenues autour d’un zinc et une biture à la clef, il est sorti un avis général et unanime par ceux qui avaient une certaine idée des devoirs de l’armée. De par leur haute opinion de leur devoir sacré, ils n’ont jamais atteint les hautes sphères du commandement, comme par hasard. Le constat général est que l’armée ne protège pas les intérêts de la France, mais bien ceux de l’oligarchie française depuis au moins Kolwezi.

Revenons sur la gendarmerie car nous avons déjà trop digressé.

Faire remonter ce corps au temps du guet est excessivement abusif. Les gens du guet ne sont que des miliciens dont l’action fut rendue nécessaire et indispensable lors du chaos post chute de Rome jusqu’à l’avènement de la féodalité. Ils furent instituer par Clotaire II pour légaliser leurs opérations donc pour encadrer leurs prérogatives. Au fil des siècles, leurs missions initialement nocturnes deviennent aussi diurnes pour surveiller les vols dans les marchés, assurer la sécurité des échanges dans les foires, contrôler les poids et les abus des changeurs. Aux ordres des notables de la ville, ils rentrent vite sous l’autorité du connétable, du sénéchal puis des prévôts. Sociologiquement, de simples membres de la communauté bourgeoise de la ville, ils se renforcent de mercenaires et autres fiers à bras respectueux du droit local et de l’autorité des Capitouls.

On fait encore de nos jours l’amalgame entre gendarmerie et maréchaussée. C’est une grossière erreur car les missions de l’une et de l’autre sont diamétralement opposées. Certes, la maréchaussée est devenue la gendarmerie de France en 1720 sous l’autorité militaire de la maison du Roi. Elle sera dissoute en 1788.

La maréchaussée fut crée pour réprimer les méfaits, abus, crimes et vols commis par les soldats réguliers, mais également par les mercenaires lors de la guerre de cent ans. Elle lutte contre ces gens d’arme mis en vacance par le seigneur local (ne les employant ponctuellement plus) et qui forment des bandes de pillards appelées les grandes compagnies, les routiers, les échaudeurs et autres appellations locales de sinistres évocations. La maréchaussée bénéficie de ce fait d’une excellente réputation dans la population. Contrairement à elle, la gendarmerie ne jouit pas d’une bonne opinion dans l’esprit des gens. Dès son origine en 1791, la gendarmerie dite nationale protège les nouvelles lois du nouvel ordre bourgeois qui vont à l’encontre des us & coutumes si chères aux corporations et au tiers état de naguère. Elle est engagée parallèlement auprès de l’armée révolutionnaire française. Nous ne reviendrons pas sur ses actions lamentables en Vendée, Lyon, Toulon etc.

D’entrée de jeu, ses missions ne sont pas équivoques. Surveillance générale de la population, lutte contre le vagabondage, chasse des déserteurs, missions d’escorte des convois militaires ou bancaires, maintien de l’ordre lors d’événements publics, actions de police judiciaire, arrestation des criminels. La gendarmerie est notamment chargée de s’opposer à des coutumes (droit d’usage dans les forêts (voir la guerre des demoiselles*), droits de chasse réduits (voir Maurin des Maures de Jean Aicard*), restriction des charivaris, carnavals et autres corsos), de mettre en œuvre la conscription ce qui la rend particulièrement impopulaire en milieu rural. Qu’aurait fait en ce temps là un Gaspard de Besse* dans ce contexte ?

Sous le maréchal Jeannot de Moncey en 1801, son rôle est essentiel dans la lutte contre le brigandage et l’insoumission. Dès 1803, elle tyrannisa les ouvriers en contrôlant sans relâche leur livret dit ouvrier.

La gendarmophobie de la population est née dès la création de ce corps au point que l’on recense par nécessité préfectorale 3 725 rébellions à travers la France de 1800 à 1859. Son action permanente anti ouvrière n’y est pas étrangère, mais il y a aussi ses nombreuses missions politiques magnifiées dès 1830 qui l’étayent. Tout au long du 19ème siècle, tous les camps de l’opposition dénoncent les abus de pouvoir de la gendarmerie.

Est-ce un hasard si la gendarmerie contribue à la réussite du coup d’état du 2 décembre 1851 ? La guerre des loges est loin d’être finie à cette époque et ce sera avec la troisième république et Clemenceau que l’on remettra le couvert.

Lors de la création du carnet A et B par Boulanger en 1886, alors ministre de la guerre grâce à Clemenceau son frère de loge, c’est à la gendarmerie que seront confiées ces missions de fichage. Georges Clemenceau réoriente à partir de 1907 le fichier issu du carnet B pour surveiller surtout les anarchistes et les antimilitaristes.

Dans le monde indigent, la haine du gendarme vient dès 1820. Tous les préfets de France constatent des émeutes de la faim essentiellement féminines. Le retour de la guerre des farines initiée 30 ans plus tôt bat son plein. La gendarmerie, élevée au grain misogyne du code civil dit Napoléonien, s’est tant distinguée contre ces pauvresses que leur réputation de fumier à moustache est dès lors éternelle.

Dans le monde ouvrier, la rancune indélébile envers la gendarmerie vient dès 1824 et ne cessera tout au long du 19ème siècle de croître. La première grève ouvrière qui ouvrit le bal fut celle des filatures du Houlme, en Normandie, où les 800 ouvriers protestent déjà contre la réduction de leurs salaires. Baisse des salaires, idée fixe du haut patronat qui même de nos jours ne faillit pas et qui fait tant de mal aux laborieux du monde entier. Le bilan de ce premier choc, qui deviendra plus tard la lutte des classes, n’est finalement pas si dramatique que ça (1 condamné à mort, 3 aux travaux forcés et 14 en prison) en comparaison à ce que d’autres grèves postérieures délivreront en sang versé et drames humains. En 1830, la célèbre révolte des canuts se solde par près de 600 morts, une vague d’arrestations et quelques 10 000 expulsions. Après les massacres du zélé Fouché, Lyon paye lourdement une fois encore l’appétit vorace de sa haute bourgeoisie.

Nous n’allons pas ici énumérer tous les chocs et affrontements entre le peuple et l’ineffable gendarmerie. Chaque région, chaque département, chaque ville, chaque secteur d’activité a connu ses grandes heures sombres de l’iniquité sociale soldée dans le sang et l’injustice. A vous de vous intéresser à celles de votre périphérie. Macron n’est que le dernier rejeton de l’infâmie oligarchique, pas plus ignoble que Clemenceau qui fit tirer sur les vignerons et autres mineurs. Il ne doit rien à un Jules Moch, encore un socialiste qui réprima les grèves de 1948 contre la baisse des salaires en faisant 6 morts et 2000 longs écrouements. Même milieu, même méthode.

Nous pouvons dire et conclure que depuis sa création, la gendarmerie est le bras armé de la toute puissance oligarchique française où aucune compassion, aucun remord, aucun questionnement ne viennent ébranler ses membres du moins dans la haute hiérarchie. La crise des gilets jaunes est le dernier volet violent qui exprime bien, tant la détermination tyranique de notre classe dirigente que celle de sa garde protérienne. On y a vu à l’oeuvre la FGE. Avant ce mouvement protestataire, il y avait eu la « manif pour tous » où du landau à mémé, tout le monde en a pris pour son grade et reçu sa claque. Il est vrai que mamy Lucienne est une violente ou papy Louis casse des vitrines dès qu’ils ne sont pas content, c’est bien connu. Que dire des pompiers, ces héros nationaux au quotidien qui ont subit les molestations d’usage depuis l’ère macronienne ou des frêles infirmières qui se sont vu roulées non pas dans la farine mais bien sur le bitume ?

Dans la crise sanitaire, la gendarmerie s’est encore bien distinguée dans la chasse au vilain promeneur solitaire tant en montagne qu’au bord de mer à grand coup d’hélicoptère ou de mouvement de nasse. Actuellement, elle se prépare à revenir en mode billebaude pour après avoir relevé et sanctionné les infractions liées au passe sanitaire, elle le fait pour les boutiques climatisées.. Elle arrêtera également manu militari des médecins encore réfractaires au système vaccinal et autres concussions.

L’histoire ne s’arrêtera pas là, hélas. Il y aura d’autres affrontements sanglants soyez-en sûrs. Les motifs pourront être différents, d’ordre économique, social, sociétal, politique ou autre voire le tout combiné. La révolte des opprimés remontera toujours à la surface tel le bouchon du pêcheur. La lutte pour l’équité ne sera pas finie tant qu’il ne sera pas écrit dans le marbre que le dirigeant doit oeuvrer pour le bien commun et que l’Héliée contrôle son action.

Par ailleurs, quel est le candidat gendarme qui se pose réellement le bien fondé moral ou philosophique qui lui impose de rentrer dans ce corps d’obtus qui obéissent aveuglément aux ordres du moment ? Regardons la démonstration de la gendarmerie sous Vichy puis sous la libération, ce fut la même qui n’a pas hésité une seconde à obéir à chaque fois sans aucun élan de conscience. La loi c’est la loi ! Pôvre cons !

Nous l’avons dit, les gilets jaunes ont goûté aux joies de La Force de gendarmerie européenne (FGE) qui fut très violente. La FGE a été créée le 17 septembre 2004 à Noorwijk aux pays-bas à l’initiative de la France. Tout commentaire supplémentaire est superflue.

Logo de la FGE

LEX PACIFERAT « pacifier par la loi » tout un programme.

* Notes :

Maurin des Maures est un roman de Jean Aicard publié en 1908. Il décrit les aventures d’un braconnier, contrebandier à ses heures qui « tient la dragée haute aux gendarmes ». L’acte de vie de Gaspard de Besse a inspiré l’auteur. Maurin syncrétise le paysan de l’ancien régime dans ses luttes antirépublicaines, les valeurs morales du terroir, le sens du devoir et les valeurs humaines en proie avec la modernité qui lamine les âmes.

Gaspard de Besse, né Bouis, est présenté par l’histoire comme un simple brigand. Or on sait que le fruit de ses larcins était redistribué aux victimes des fermiers généraux, aux familles indigentes et autres accidentés de la vie. Il fut scandaleusement condamné à la roue alors que le droit de l’époque ne réclamait que la prison, mais il fallait un exemple fort pour enrayer le mécontentement prérévolutionnaire. Le meilleur livre sur Gaspard est « Le Brigand des garrigues et les 20 Trésors cachés de Besse-sur-Issole », Hyères, Editions Daric d’Axel Graisely.

La guerre des Demoiselles est une rébellion ayant lieu dans tous les terroirs boisés. La plus connue est celle tenue en Ariège de 1829 à 1832. Elle est une réaction au code forestier de 1827. Cette révolte est très sanglante et les actes de part et d’autre sont extrêmes dans l’ignominie.

WD

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