Indemnités des élus PS. À Brest, coup de théâtre judiciaire

indemnites-des-elus-ps-a-brest-coup-de-theatre-judiciaire_4279711_406x330p(Photo Imatec / Le Télégramme)

Ouverte pour « détournement de fonds publics » après les révélations du Télégramme sur les indemnités des élus PS de Brest, en mars dernier, l’enquête judiciaire rebondit à la suite de l’audition du premier vice-président de la métropole, Alain Masson. Ce dernier a reconnu qu’il touchait une indemnité mensuelle supplémentaire de 3 470 €, non déclarée au fisc, et qui n’avait fait l’objet d’aucun débat, aucun vote, et aucune publicité.

« Aucun élu socialiste brestois n’a violé le fisc, ni l’Urssaf (…) Il est dans l’air du temps de dénigrer les élus sur le thème tous pourris, trop payés ». Telle avait été la réponse, vive, des élus socialistes brestois, à l’enquête du Télégramme révélant l’existence, le 1er mars dernier, d’un système opaque de redistribution des indemnités des élus en question, via une association devenue fantôme (« Vivre à Brest »). Le jour de notre publication, François Cuillandre, maire de Brest et président de la métropole, et deux des poids-lourds historiques de sa majorité, Alain Masson et Jean-Luc Polard, avaient exprimé leur « colère ».

 

« Un système juste et solidaire, légal et vertueux »

 

Huit mois plus tard, l’enquête préliminaire ouverte dans la foulée pour « détournement de fonds publics » (Le Télégramme du 5 mai 2018) vient de connaître un coup de théâtre. Depuis avril dernier, les enquêteurs de la police judiciaire tentent d’établir comment étaient gérées les indemnités qui devaient revenir aux élus, comment celles-ci leur étaient redistribuées et quelle en avait été l’utilisation précise.

Petit rappel : ce dispositif de versement indirect des indemnités, interdit en droit administratif, avait été mis en place il y a près de trente ans « pour compléter les insuffisantes indemnités versées à certains élus très investis et/ou ayant renoncé à leur activité professionnelle pour exercer leur mandat », revendiquaient dans notre enquête, Alain Masson, président de Vivre à Brest, et Jean-Luc Polard, son trésorier. « Les élus les mieux lotis aidaient ceux qui l’étaient moins. C’était un système juste et solidaire, légal et vertueux », assuraient-ils.

 

7 900 € d’indemnités par mois

 

Selon notre enquête, la quasi-intégralité des élus socialistes (ils étaient 21 en 2017) versaient donc leurs indemnités dans ce pot commun, sauf le maire François Cuillandre. Dans l’analyse des flux financiers, l’enquête judiciaire en cours n’avait, selon nos sources, mis aucune infraction pénale en évidence. Mais elle a identifié des chèques versés à Alain Masson, président de l’association, en préjugeant qu’il s’agissait de la part redistribuée de ses propres indemnités. Lors de son audition, vendredi dernier, l’élu a concédé aux policiers que ses indemnités n’étaient pas versées à l’association, et que le chèque de 3 470 € perçu chaque mois, prélevé dans le pot commun depuis au moins 2014 (et un peu moins lors du précédent mandat), l’était « au titre de sa fonction de président de l’association et « de ce que cela impliquait en termes de responsabilités et de temps passé ». Une somme qu’il touchait donc en plus de ses indemnités d’élu municipal et communautaire (4 400 € net). Selon plusieurs sources concordantes, proches de l’enquête, le versement de cette somme n’a pas été décidé à l’issue d’un vote de l’association, et n’a fait l’objet d’aucune déclaration fiscale, comme l’a reconnu l’intéressé. Cette indemnité a directement été accordée, sur proposition d’Alain Masson, par le trésorier Jean-Luc Polard. Aucun autre élu n’en avait, semble-t-il, connaissance.

 

Possible « blanchiment de fraude fiscale »

 

Selon une source proche de l’enquête, Alain Masson a également confirmé qu’une partie, « infime », des indemnités des élus versées à l’association (plusieurs centaines de milliers d’euros par an, ces dernières années) avait notamment servi à financer l’acquisition et la rénovation du local du PS brestois, jusqu’en 2011 ou 2012 (faits prescrits). Autre information, déterminée par l’enquête cette fois-ci : le compte bancaire de l’association s’élevait à 68 523 € au moment où l’association a mis un terme au dispositif, le 1er janvier dernier. Ce montant aurait depuis baissé, autour de 50 000 €. L’association, dont l’enquête a également constaté le fonctionnement très opaque, aurait reversé de l’argent aux élus qui déclaraient au fisc davantage que ce qu’ils percevaient en réalité (version corrigée du montant officiel voté en conseil), et qui payaient donc trop d’impôts.
Ouverte pour « détournement de fonds publics », l’enquête préliminaire pourrait désormais s’étendre à d’éventuelles infractions de « blanchiment de fraude fiscale » et d’« abus de confiance », selon une source proche de l’enquête.

 

« Aucune infraction pénale »

 

Contacté, Alain Masson n’a pas souhaité commenter ces développements. « Il n’y a aucune infraction pénale, car il n’y a aucun détournement d’argent public », réagit Me Thierry Fillion, qui a assisté Alain Masson et Jean-Luc Polard lors de leurs auditions. L’avocat, qui « déplore que le contenu de certains PV ait été divulgué », affirme que « l’argent de l’association et des élus a intégralement été reversé aux élus, conformément à l’objet de l’association ».

Source : Le Télégramme

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