« Il y a 20 ans, la fin du service militaire a été une erreur nationale »

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« Il y a 20 ans, la fin du service militaire a été une erreur nationale »

Didier Cozin, ingénieur de formation professionnelle, a accompli son service militaire obligatoire dans les années 1970. Pour lui, la France paye aujourd’hui, sur le plan social, les conséquences de sa suppression.

J’ai accompli mon service militaire dans les années 1970. Il ne plaisait pas à tout le monde, mais il était utile à tous et au pays. La suspension du service militaire obligatoire, par le président de la République Jacques Chirac en 1996, est une erreur nationale. Je vous explique pourquoi.

Apprendre à se défendre

Il nous apprenait les rudiments de défense de soi-même, des siens et de sa propre patrie. Un pays en arme avec des citoyens prêts à défendre leur cadre de vie, leur modèle politique et social est plus difficilement atteignable qu’un pays qui se repose sur une armée de métier, forcément plus limitée dans sa taille, moins démocratique dans son recrutement, plus coûteuse enfin.

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L’abandon du service militaire aura été un des derniers avatars de la spécialisation de la société taylorienne (chacun réalisant un tout petit morceau du travail, l’addition de ces minuscules tâches ou contributions parcellisées étant censée produire faire sens et produire des résultats de qualité)

Une prise de conscience nationale pour tous les jeunes

Il donnait conscience aux jeunes qu’ils avaient le même avenir, la même patrie en commun. Un intérêt commun à vivre, à travailler, à protéger leur bien et leur pays. Même si le service national n’était plus totalement égalitaire il mettait en contact des jeunes de tous horizons, de toutes origines (sociales, ethniques, régionales…) et ce mixte (que l’école ne réalise plus depuis longtemps) participait à la cohésion nationale.

Une seconde chance

Le service militaire permettait de repérer les jeunes en difficulté éducative. Et l’école d’aujourd’hui rejette presque autant de jeunes qu’il y a de conscrits dans les années 1970.

Le service était un moyen de lutter contre les difficultés éducatives les plus fragrantes : lutte contre l’illettrisme, formation à des métiers, promotion sociale. D’ailleurs, il offrait souvent un métier aux personnes les plus en difficulté.

Un passage vers la vie adulte

On apprenait à travailler et à être discipliné. Nous étions initiés aux bases de la vie d’adulte. Le service national mettait un terme à l’adolescence. Cela nous permettait, par la suite, de devenir indépendant de sa famille et de fonder un foyer. Bref, d’avoir les « armes » nécessaire pour faire le « grand saut ».

Malheureusement, la société française a progressivement supprimé tous les rites sociaux d’initiation qui permettaient d’accéder à l’âge adulte, aux responsabilités et à la conscience de son rôle dans la société et le pays.

Les jeunes manquent de repères

Maintenant, avec moins de repères que les anciens, la jeunesse d’aujourd’hui semble errer.

L’école s’est transformée en une maison des jeunes qui a renoncé à l’éducation pour de vagues missions d’instruction/animation entrecoupée de loisirs et de vacances sans fin. Les examens, comme le bac, sont souvent devenus des certificats de présence. L’important n’est plus tant d’apprendre ou de réfléchir, mais de participer à une vague communauté éducative.

Le mariage est en train de se dissoudre et perd ce caractère de repère et de frontière pour accéder à l’âge d’adulte et de citoyen.

Réapproprier son avenir

Pour le XXIe siècle notre pays va devoir réinventer le vivre ensemble, le travailler ensemble. Le XXe siècle était celui des professionnels (de l’éducation, de la culture, des armées, de la santé, de la politique, du syndicalisme…), le XXIe sera celui de la réappropriation par chaque citoyen de son avenir social, économique, culturel et professionnel (dans un cadre européen et national de qualité).

L’abandon du service militaire aura malheureusement participé de l’abandon éducatif de tout un pays face à sa jeunesse, il est plus que temps de sortir du XXe siècle industriel et taylorien.

Par Didier Cozin, ingénieur de formation professionnelle

Source : Les Echos.fr

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