Gilets jaunes. « On n’est pas des casseurs »

s-il-n-est-pas-declare-comme-organisateur-en-prefecture_4269401_540x270pS’il n’est pas déclaré comme organisateur en préfecture, Lordoft Rocha est bien l’un des artisans des deux blocages qui se dessinent samedi prochain.

Il s’est imposé comme l’un des visages de la contestation des Gilets jaunes à Brest. Créateur de la page Facebook qui a initié le mouvement au niveau local, Lordoft Rocha, 33 ans, qui habite au Relecq-Kerhuon, a accepté d’évoquer les raisons de son engagement, alors que deux actions de blocage sont prévues samedi, dès 7 h, aux entrées de Brest.

Quelle est votre situation personnelle ?

J’ai 33 ans, je suis en couple et j’ai deux enfants, dont un handicapé. Je suis conducteur de bus pour une entreprise privée. Je gagne 1,4 fois le Smic grâce aux primes de nuit et du dimanche. Ma compagne a repris un travail il y a trois semaines mais, malgré cela, notre situation financière est critique et la hausse du carburant n’arrange rien. Actuellement, je suis sur la réserve et j’attends la rentrée du 13e mois, en décembre, pour payer ma taxe d’habitation en retard. En attendant, on espace nos visites dans la famille, à Landéda ou à Lorient. J’ai été SDF tout un hiver, en 2009, pendant six mois. J’ai réussi à m’en sortir, je n’ai pas envie de revivre cette situation.

Quel a été l’élément déclencheur ?

C’est le premier appel d’Eric Drouet au niveau national. Ses paroles ont résonné en moi, car on est très nombreux à vivre la même chose. Il y a un ras-le-bol général sur le pouvoir d’achat qui ne cesse de baisser, mais on ne nous entend pas. Je ne suis ni de droite, ni de gauche, ni extrême, mais j’ai voté pour Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle car j’ai cru qu’il allait changer les choses. Aujourd’hui, je fais partie des grands déçus. Sa politique est entièrement dirigée vers les riches, tandis que les classes populaires sont matraquées de tous les côtés. Je me suis dit qu’il fallait aussi créer un groupe d’information brestois sur Facebook, avec l’idée de relayer les initiatives en France, mais sans mesurer toutes les complications administratives.

Depuis, vous avez « démissionné », mais vous continuez néanmoins d’organiser le mouvement.

Le mouvement a pris. On est tous plus ou moins organisateurs, j’essaie juste de coordonner les choses avec quelques autres. Après le premier rassemblement à Océanopolis, on a finalement convenu qu’il y aurait bien deux points de rendez-vous à 7 h, au Leclerc Gouesnou et au Super U de Plougastel. Les convois partiront ensuite pour bloquer le pont de l’Iroise, dans le sens Quimper-Brest, et au niveau du giratoire Pen-ar-C’hleuz, dans le sens Morlaix-Brest. Certains avaient proposé un blocage partiel sur une seule voie, mais c’est beaucoup trop dangereux, d’où la décision de blocage total.

Le ministre de l’Intérieur a redit, ce mardi, qu’en cas d’entrave à la circulation, les forces de l’ordre interviendront. Ne craignez-vous pas des poursuites ?

Chacun doit prendre ses responsabilités. On n’est pas des casseurs, c’est un mouvement pacifique. Si le gouvernement croit qu’en nous jetant des miettes ou en organisant la répression, il va éteindre la contestation, il se trompe. Je roule avec une Modus diesel de 2008, elle ne vaut plus rien à l’Argus et je n’ai pas les moyens d’acquérir un autre véhicule. J’aimerais bien, mais ce n’est pas avec 1 000 ou même 2 000 euros d’aides que je vais pouvoir acquérir un nouveau véhicule.

Quel dispositif de sécurité prévoyez-vous samedi ?

On a une équipe à moto qui va encadrer les convois jusqu’à la mise en place des blocages. On aura aussi des véhicules qui seront placés en amont, sur la voie express, pour effectuer un ralentissement progressif de la circulation et faciliter l’insertion des deux cortèges.

Que répondez-vous à ceux qui disent que vous allez bloquer des gens comme vous en organisant ces blocages un samedi ?

C’est un mouvement des précaires pour les précaires. Le samedi, c’est un début. La suite reste incertaine, mais pour nous, le but, c’est que le mouvement s’inscrive dans la durée. On espère bien tenir tout le week-end et que le mouvement fasse boule de neige auprès des professions qui souffrent le plus de la hausse des carburants.

Source : Le Télégramme

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