Forcenés, suicidaires… comment les négociateurs de crise dénouent des situations extrêmes

Au sein de la gendarmerie et de la police, les négociateurs allient sang-froid et empathie pour neutraliser les individus retranchés. Rencontre avec un professionnel du GIGN.

Sébastien-Payet-854x641L’adjudant Sébastien Payet officie comme négociateur régional en Normandie. Il intervient dans des situations de crise. (©E.A/Actu.fr)

Désamorcer des crises, empêcher un individu de se suicider, instaurer un dialogue avec un forcené… Telles sont les missions du négociateur de crise.

En France, des hommes et des femmes spécialisés, issus du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion, une unité de la police) ou du GIGN (Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale) œuvrent au quotidien pour tenter de dénouer des situations tendues.

Quelles sont les conditions requises pour exercer ce métier ? Comment se prépare une intervention ? Rencontre à la caserne de gendarmerie à Bourg-Achard (Normandie) avec l’adjudant Sébastien Payet, négociateur régional du GIGN en ex-Basse-Normandie.

Maximum de sécurité

Le gendarme, en plus de ses attributions quotidiennes (intervention sur une manifestation, contrôle routier, etc…), est négociateur depuis 2007. Il définit son métier ainsi :

Notre objectif est de favoriser la neutralisation et la reddition d’un individu retranché.

Le tout, avec un maximum de sécurité pour éviter les drames.

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Une formation d’une semaine

Les aspirants négociateurs sont sélectionnés et formés pendant une semaine à Versailles-Satory (siège du GIGN). Au cours de ces quelques jours, on leur explique les différents procédés à suivre en fonction du type d’interventions. S’enchaînent des tests psychologiques et des entretiens avec des négociateurs permanents.

Le nombre de négociateurs de crise en France
• Le Raid : Les négociateurs du Raid interviennent en zone police pour différents types de crise (terroriste, forcenée, prise d’otages, individus suicidaires ou personne retranchée sur un édifice de grande hauteur). En 2018, le RAID s’est déplacé sur 8 cas de prises d’otages et 56 forcenés. Sept négociateurs ne font que cette spécialité. Entre quatre et huit négociateurs ont la double casquette ( négociation ET intervention) dans chacune des treize antennes RAID (10 antennes en métropole et 3 en outre mer), soit un total de 70 négociateurs environ.
• Le GIGN : les militaires agissent en zone gendarmerie. Il existe 260 négociateurs régionaux en métropole, et 60 en outre-mer. Au sein de la cellule « mère », on retrouve trois négociateurs permanents et 15 négociateurs opérationnels, capables d’intervenir à tout moment. Chaque année, 40 nouveaux négociateurs rejoignent les rangs de cette spécialité.

Comment se passe une intervention ?

Lors d’une intervention, tout le procédé est millimétré. Sur place, deux négociateurs opèrent. Ils établissent en premier lieu le CV de la personne grâce aux informations fournies par le maire, le médecin généraliste, et parfois la famille : s’agit-il d’une personne sous traitement médical ? D’un ancien militaire ?

Puis, vient la phase de prise de contact avec l’individu. Sans doute la plus délicate. Seul un négociateur y est habilité, soit au téléphone, soit en face-à-face en fonction du contexte. Comment opèrent-ils ce choix ? En fonction de la personnalité. « Par exemple, si nous avons affaire à une personne divorcée, nous mettrons en première ligne le négociateur qui s’est déjà retrouvé dans une situation similaire. »

Des questions, des discussions… « Nous devons faire attention au moindre mot et au moindre geste, il peut sentir une manipulation. » Tout est analysé : son intonation de voix, ses tatouages, sa tenue vestimentaire, l’agencement de sa maison, son véhicule.

« Rôle du père, de l’autorité ou de l’ami »

Le profil que l’on va établir va conditionner nos actions. Nous saurons si l’on doit jouer le rôle du père, de l’autorité ou de l’ami.

Le deuxième négociateur, plus en retrait, est là pour percevoir les moindres détails. « Par exemple, il peut dire : attention, les silences sont un peu longs quand tu parles de sa fille. » Tout est important pour comprendre l’élément déclencheur de la reprise.

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Leur comportement va permettre d’établir une relation de confiance avec le forcené. La première étape vers une reddition totale.

Au moment de la négociation, les militaires sont aussi alertes sur le comportement, parfois changeant, de l’individu. Se contracte-t-il ? Regarde-t-il dans le vide ?

Sébastien Payet se souvient d’un cas en particulier :

C’était un père suicidaire retranché chez lui, qui était en fait en conflit avec sa fille et sa femme. À aucun moment, lorsque nous avons procédé au débrief avant la prise de contact, nous avons senti qu’il y avait un conflit. Quand nous avons commencé à parler de sa fille, ça a coincé. Il y avait un regain de nervosité, ce qui a provoqué un retard dans la négociation.

Les négociateurs n’entrent jamais en contact physique avec l’individu. « Nous, nous nous occupons de faire en sorte qu’il tende le bras, pour qu’il puisse être saisi. Et c’est l’équipe d’intervention qui procède à l’interpellation. »

Le GRIMP, les pompiers, les unités spécialisées vont sur place. La durée de l’intervention est variable. « Si certains ont bu, il faut attendre que l’ivresse diminue. » Et parfois, le temps est long : « Nous avons toujours un sac de couchage avec nous. »

Le plus difficile

Certaines missions marquent plus que d’autres. Sébastien se remémore en particulier l’une d’entre elles : un militaire qui voulait mettre fin à ses jours au niveau des falaises d’Étretat. Le négociateur l’a secouru, à deux reprises. « La seconde fois, j’étais en repos, avec mes enfants et ma femme. C’est elle qui m’a signalé ce comportement étrange. Je l’ai reconnu et je me suis approché de lui. Au bout d’un certain temps, il s’est rendu et a été hospitalisé. »

Le plus difficile ? Le retour de l’intervention. Devoir retrouver une certaine normalité. Et aussi cette pression, au moment d’arriver sur les lieux de l’intervention. « Nous sommes attendus pour résoudre ces conflits. Mais nous devons faire abstraction de cette pression qui pèse sur nos épaules pour mener à bien l’opération »

Depuis le début de l’année sur l’ensemble de l’ex Haute-Normandie, il y a eu huit signalements de cas extrêmes pour lesquels les négociateurs se sont déplacés. 95% des interventions sont pour des personnes suicidaires.

Et c’est là l’essence même du métier de négociateur : faire preuve d’empathie et prendre en compte la détresse, afin d’y remédier.

Source : Actu.fr

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