« Des manquements à son devoir de probité » : le tribunal correctionnel étrille François Fillon

francois-fillon-penelope-proces-appelThomas SAMSON / AFP

K.O. debout, François Fillon a écouté un jugement accablant à son encontre. Il écope ce 29 juin de 5 ans de prison dont deux ferme. Une réponse judiciaire sans ambiguïté aux polémiques de ces derniers jours.

Quand on croit aux miracles, on est souvent déçu. François Fillon remet son masque de protection et file à grandes enjambées du tribunal sans un mot ni un regard. Fumasse. Pivoine de colère. Le tribunal correctionnel vient de le condamner ce 29 juin à 5 ans de prison dont deux ans ferme, 375.000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité. En outre, il va devoir rembourser l’Assemblée nationale, solidairement avec sa femme et son ancien suppléant Marc Joulaud des fonds qui ont été versés indûment pendant neuf ans, soit plus d’un million d’euros.

Une défaite en rase campagne totale pour la défense de l’ancien Premier ministre, malmené tout au long du procès de l’hiver dernier, et qui dans une tentative de dernière minute, a tenté de provoquer une réouverture des débats. Le tribunal a simplement « pris note » de cette demande de réouverture sans même l’évoquer davantage tant elle ne lui semblait pas fondée… En quoi les discussions entre le parquet national financier et le parquet général, dont la défense Fillon fait grand cas, intéresseraient le fond de l’affaire, à savoir est-ce que, oui ou non, Penelope Fillon a réellement travaillé pour son député de mari ? En choisissant de ne pas interrompre le cours de la Justice, Nathalie Gavarino, la présidente du tribunal, apporte une réponse cinglante aux avocats du camp Fillon comme à tous ceux, ces derniers jours, qui commentaient les commentaires… Un ancien Premier ministre condamné à deux ans ferme, du jamais vu dans la Ve République. Les temps judiciaires changent.

« Rien de concret n’a été démontré »

Pendant une demi-heure, la lecture du jugement par la présidente est glaciale. « M. et Mme Fillon se sont rendus coupables de détournements de fonds publics, complicité et recel de ces délits », commence-t-elle. Concernant le premier emploi d’assistante parlementaire de Penelope Fillon, en 1998, « le tribunal a considéré que la contribution de Mme Fillon ne dépassait pas la simple transmission du courrier… Ses revenus étaient sans proportion avec son activité ». En 2002, quand François Fillon cède son fauteuil de député de la Sarthe à son suppléant Marc Joulaud, celui-ci continue d’employer Penelope Fillon. Là encore, le tribunal fait litière des versions des intéressés à la barre, comme « des pièces apportées par la défense ». Selon le jugement, « ni le dossier, ni l’audience n’ont permis de mettre à jour des tâches effectuées par Mme Fillon ». « Si elle transmettait le courrier, elle ne le traitait pas », estiment les juges, selon lesquels les époux Fillon, « savaient en signant ces contrats de collaborateur de député, qu’ils seraient dépourvus de toute consistance ». « Rien de concret n’a été démontré », résume d’une phrase la présidente.

« Ni le dossier, ni l’audience n’ont permis de mettre à jour des tâches effectuées par Mme Fillon »

« Dans les années 80, Mme Fillon a fait le choix d’apporter un soutien aux activités politiques de son mari, mais celui-ci disposait d’une équipe de collaborateurs et les recrutements de Mme Fillon ne correspondaient à aucune logique… M. Fillon utilisait son crédit de collaborateur comme un complément de rémunération ». Le tribunal juge que l’emploi de Penelope Fillon constituait donc un détournement de fonds publics. Même chose pour sa fille Marie et son fils Charles, embauchés de 2005 à 2007 comme collaborateurs de leur père au Sénat. Si le tribunal met François Fillon et sa fille Marie hors de cause pour l’année 2005, il considère que pour les années suivantes, l’embauche par François Fillon de ses enfants (alors que sa fille était stagiaire dans un cabinet d’avocats et que son fils poursuivait ses études), relève là encore d’un détournement de fonds publics.

Une « embauche de complaisance »

Même déclaration de culpabilité dans le volet « Revue des deux mondes ». Embauchée comme « conseillère » du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière, propriétaire de la Revue, Penelope Fillon n’y a exercé, estime le tribunal, « aucune activité ». Estimant que cet emploi, « réclamé par François Fillon alors qu’il était encore Premier ministre », et ce « dans le but de leur apporter un complément de salaire après son départ de Matignon », était bel et bien un emploi fictif, le tribunal déclare les époux coupables de complicité et recel de d’abus de biens sociaux. « Rien ne vient démontrer un apport de Mme Fillon à la Revue des deux mondes », assène le jugement qualifiant son embauche, « d’embauche de complaisance ».

La présidente, après cette démonstration accablante, demande aux trois prévenus de s’approcher de la barre. Elle en vient aux peines. « Le tribunal estime que pendant neuf années, entre 1998 et 2007, François Fillon a élaboré et mis en place une organisation lui permettant de détourner à son profit personnel la quasi totalité de ses crédits de collaborateur », résume la magistrate. Le tribunal a fait les calculs : le détournement porte sur plus de 67.000 euros par an, soit 5.588 euros par mois. Montant total du préjudice pour l’Assemblée : 1.054.094 euros. 101.607 euros au préjudice du Sénat. 135.000 euros au détriment de la Revue des Deux Mondes.

Pour le tribunal, Fillon n’a pas reconnu ses fautes

Dans son jugement, l’instance évoque à l’adresse de l’ancien candidat à la présidentielle, « des manquements à son devoir de probité »… François Fillon, de part ses hautes fonctions se devait d’être « irréprochable », estiment les juges. Il a ainsi « érodé la confiance des citoyens ». Pis, le tribunal semble aussi déplorer le « choix du système de défense » de l’ancien Premier ministre, « dans le contexte particulier de l’affaire durant la présidentielle » qui « n’a pas permis à François Fillon de procéder à une remise en question ».

En clair, le tribunal constate que François Fillon n’a reconnu aucune de ses fautes… Quant à Marc Joulaud, s’il n’a pas bénéficié d’un enrichissement personnel, l’embauche fictive de Penelope Fillon lui a permis « de consolider sa carrière politique locale ». Battu dimanche à la mairie de Sablé-sur-Sarthe, Marc Joulaud est condamné à trois ans de prison avec sursis et à une amende de 20.000 euros, elle aussi avec sursis. Quant à Penelope Fillon si elle « savait » que ses contrats ne correspondaient à « aucune prestation », le jugement estime aussi qu’elle n’était pas « à l’initiative » de ces détournements. Elle écope de 375.000 euros d’amende, comme son mari, et de trois ans de prison avec sursis.

Dès la sortie de la salle d’audience, la défense Fillon a annoncé son intention de faire appel. Un nouveau procès aura donc lieu. Dos au mur pour l’ancien Premier ministre.

 

Source : Marianne

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