Des journalistes chassés d’une manif et escortés de force par des gendarmes

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Blocage d’un site d’Amazon par des militants de l’ONG Amis de la Terre, le 2 juillet 2019 à Clichy, près de Paris

afp.com/PHILIPPE LOPEZ

Mardi, à Clichy, devant le siège d’Amazon, des journalistes ont été bloqués par des gendarmes avant d’être reconduits, de force, au métro.

Les vidéos ne manquent pas. Sous tous les angles possibles. Mardi, à Clichy (Hauts-de-Seine), une demi-douzaine de journalistes (Brut, l’agence de presse Line Press, le site russe Sputnik, LCI…), se rendent devant le siège d’Amazon, afin de couvrir l’action de 200 militants écologistes, membres d’ANV-COP21 et des Amis de la Terre. Ces militants souhaitent y dénoncer « le modèle social dévastateur du géant de la vente en ligne. »

L’action commence assez tôt, vers 8 heures du matin. Pendant une grande partie de la journée, tout se passe plutôt bien. Un camion de la gendarmerie mobile arrive en début d’après-midi, mais n’intervient que vers 17 heures pour évacuer le site. Les militants sont alors sortis un par un par les gendarmes, dans une ambiance décrite par Matthieu Jublin, journaliste de LCI, comme plutôt « bon enfant ».

« L’impression d’être en état d’arrestation »

Mais quand les gendarmes demandent aux journalistes de quitter entièrement l’enceinte du siège, les choses se gâtent. « On nous dit qu’on va nous raccompagner au métro, poursuit le journaliste. On nous dit qu’on a pas le droit de rester là. Et si on ne bougeait pas, les gendarmes nous poussaient. » Présent à Clichy pour un documentaire consacré à la crise environnementale, le journaliste Alfred de Montesquiou s’étonne d’abord qu’on prenne sa carte d’identité et sa carte de presse en photo. « Et puis quand on se retrouve sur la voie publique, et qu’un groupe de gendarmes nous force à prendre le métro, on a quand même l’impression d’être en pleine arrestation. » Les gendarmes ne laissent clairement pas le choix aux journalistes présents : ils les escortent. Quand Alfred de Montesquiou leur dit qu’il n’a pas de titre de transport, un gendarme lui répond « qu’il n’a qu’à s’acheter un ticket. » Ambiance.

David Dufresne, journaliste spécialisé dans les violences policières depuis le mouvement des gilets jaunes, en a fait son 859e signalement à la place Beauvau.

CaptureEscorte vers métro des journalistes présents au Siège d’Amazon. Carte de presse prise en photo par un policier.

Entrave à la liberté de la presse.

Clichy, 2 juillet 2019, source: @RemyBuisine

Les journalistes se retrouvent en haut des escaliers de la station. « On a refusé de les descendre, indique Matthieu Jublin. Ils ne nous ont pas poussés non plus, évidemment. On a attendu. » Cinq – longues – minutes se passent et les gendarmes finissent par partir. Les journalistes éconduits les suivent pour retourner au siège d’Amazon. « On arrive à 200 mètres du siège, presque à côté. Et là, les gendarmes nous bloquent le trottoir, on ne pouvait rien voir. Pendant qu’ils laissaient passer les badauds. Je n’ai jamais vu ça »,

CaptureLes vidéos qui sont disponibles sur Twitter, tournées par Rémy Buisine, du site Brut, Matthieu Jublin, de LCI et d’autres journalistes présents, ne laissent guère de place au doute. Visiblement, si les passants semblent effectivement autorisés à passer le barrage des gendarmes, les reporters, eux, en sont tout bonnement empêchés.

CaptureAucune explication ne leur est par ailleurs donnée. « On a tenté de discuter avec le plus haut gradé qui a refusé de communiquer. Il n’a donné aucune explication », déplore le journaliste de LCI. Amar Taoualit, journaliste indépendant, est lui aussi présent à Clichy. Sans carte de presse, il n’a d’ailleurs pas pu approcher le siège d’Amazon. « Je les ai vus commencer à pousser Rémy Buisine, raconte-t-il à L’Express. Il a bien essayé de parler avec eux, mais ils ne faisaient que pousser. C’était choquant. » Matthieu Jublin confirme. « Ils nous repoussaient avec leurs bras. L’un d’entre eux m’a vraiment poussé assez violemment sur une voiture stationnée à côté. »

Pas de texte de loi ou d’arrêté énoncé pour justifier cette action, donc, les gendarmes font bloc. Les journalistes ont beau tenter de changer de trottoir, voilà les gendarmes qui courent pour leur bloquer de nouveau l’accès. Et quand les journalistes peuvent finalement passer et retourner au siège, évidemment, l’évacuation est terminée. « D’après les témoignages que l’on a recueillis après, poursuit Matthieu Jublin, tout s’est très bien passé, pas de violence, pas de tension. Il n’y avait rien à cacher ! »

La crainte d’un nouveau 28 juin ?

Pourquoi avoir ainsi fait obstruction ? Alfred de Montesquiou a son idée sur la question. « Vendredi dernier [le 28 juin], ça a été un scandale avec les lacrymos dans les yeux des écologistes sur le pont de Sully. Ils ont sans doute eu des consignes pour ne pas refaire d’esclandre. Mais plutôt que de ne brutaliser personne, le plus simple est visiblement d’enlever les caméras ! »

Lire la suite : L’Express

 

 

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