Coronavirus : pourquoi le gouvernement veut réduire la « quatorzaine » ?

title-1599484802Le ministre de la Santé, Olivier Véran. Photo Eric PIERMONT/AFP

Le gouvernement pourrait réduire la période d’isolement des malades du Covid-19 et des cas contacts, jugeant que la durée actuelle de 14 jours est «trop longue». Cette mesure se justifie-t-elle alors que les indicateurs de l’épidémie continuent globalement de se détériorer?

Que propose le gouvernement ?

Il envisage d’assouplir la «quatorzaine», cette période de deux semaines d’isolement préconisée actuellement aux personnes testées positives et aux «cas contacts» jugés à risque d’avoir été contaminés, pour limiter la transmission du coronavirus.

Le ministre de la Santé Olivier Véran a expliqué samedi avoir demandé «aux autorités scientifiques de donner un avis pour savoir si on ne peut pas réduire» la période d’isolement pour les cas contacts, la jugeant «sans doute trop longue».

Il avait déjà évoqué cette hypothèse le 27 août, lors de la conférence de presse gouvernementale, indiquant avoir «saisi le Conseil scientifique en vue d’adapter si possible les conditions de cette mise à l’abri, et notamment sa durée», disant espérer «un feu vert pour réduire cette période».

Cet avis a été remis au gouvernement jeudi soir, mais n’a pas encore été rendu public, a indiqué le Conseil scientifique. Selon Le JDD, il plaide pour un raccourcissement à sept jours de la durée d’isolement.

La décision pourrait être prise «lors du prochain Conseil de défense», a affirmé dimanche la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.

Quels sont les arguments épidémiologiques ?

«Il faut désormais être pragmatiques et efficaces», estimait vendredi sur Twitter l’épidémiologiste Antoine Flahault. Les «quatorzaines doivent maintenant devenir des semaines de cinq jours. Au-delà de cinq jours, moins de 10 % des porteurs de virus non symptomatiques sont contagieux».

«Je pense que c’est une bonne idée, je pense qu’effectivement (…) la contagiosité est essentiellement lors des premiers jours» après l’infection, a déclaré lundi sur Europe 1 Rémi Salomon, président de la Commission médicale de l’AP-HP. «Au-delà du 7e jour après les premiers signes, la charge virale et par conséquent le risque de transmettre le virus sont faibles», précise-t-il sur Twitter.

«Il n’y a pas de justification à ce raccourcissement», juge en revanche l’épidémiologiste Catherine Hill, expliquant que l’urgence est plutôt de trouver les 80 % de cas qu’on ne détecte pas aujourd’hui.

Le moyen d’une meilleure acceptation par la population ?

«Il vaut mieux huit jours bien respectés que 14 jours mal respectés», estimait lundi sur LCI Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP. Actuellement, «on a du mal à savoir si les Français respectent» les mesures d’isolement, car «on contrôle peu», mais les remontées de terrain montrent que «c’est compliqué».

«Plus c’est court, plus c’est facile à observer, plus c’est efficace. On ne peut pas prétendre au risque zéro, mais la mesure serait mieux acceptée socialement», selon Antoine Flahaut, dans Le JDD.

Mais même écourté, faire respecter l’isolement reste un défi, avertit toutefois Rémi Salomon. Le néphrologue pédiatrique appelle à réfléchir à «des mesures économiques, des indemnités» pour les populations précaires et les professions indépendantes, qui aujourd’hui refusent parfois d’aller «se faire tester par crainte d’être isolées, d’être obligées de s’arrêter» de travailler.

Un arbitrage économique ?

L’isolement, s’il est essentiel pour empêcher l’épidémie de se propager, entraîne en effet de lourdes conséquences pratiques et économiques, qu’il s’agisse d’un salarié renvoyé chez lui, d’un indépendant devant suspendre son activité ou d’un enfant que ses parents devront garder.

Raccourcir sa durée pourrait donc en limiter l’impact, mais ce serait un mauvais calcul, selon Catherine Hill.

«Une stratégie qui consiste à laisser le virus circuler, c’est une grenade dégoupillée, qui coûtera bien plus cher que de bien faire les choses», déclare-t-elle.

Si on veut alléger le fardeau des quarantaines, on fait les choses «dans le désordre», estime aussi Martin Blachier, médecin de santé publique. Il faudrait d’abord «trier» les bonnes et les mauvaises quatorzaines, car aujourd’hui «90 % sont inutiles» selon lui, parce qu’elles concernent des cas contacts qui ne sont pas vraiment «à risque».

Source : Le Dauphiné

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