Avant ses voeux pour 2020, Macron rattrapé par cette « archive cruelle »

Dans cette vidéo d’octobre qui évoque les régimes spéciaux de retraites, le chef de l’État écarte toutes concessions aux policiers ou aux gendarmes. Et pourtant…

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ERIC CABANIS via Getty ImagesEmmanuel Macron lors d’un débat sur les retraites à Rodez au mois d’octobre.

POLITIQUE – Un document qui ne pouvait pas plus mal tomber pour Emmanuel Macron. Ce mardi 31 décembre, alors que le chef de l’État se prépare à adresser ses vœux pour l’année 2020, une vidéo vieille de quelques semaines (seulement) a refait surface sur les réseaux sociaux.

Son contenu n’a, en soi, rien d’inédit. Il s’agit d’un extrait du débat sur la réforme des retraites qu’il avait tenu à Rodez au début du mois d’octobre. Un échange de trois heures et demie avec les lecteurs du groupe La Dépêche durant lequel le président de la République avait tenté de convaincre les participants à adhérer à son “projet de société”.

Adepte de ces (très) longues discussions, Emmanuel Macron avait notamment évoqué l’un des points de crispation mais aussi le cœur de sa réforme: la fin des régimes spéciaux.

″Ça va tomber comme des dominos”

Et c’est cette séquence en particulier qui se partage à très grande vitesse sur les réseaux sociaux ce mardi. Et pour cause: le chef de l’État assurait qu’il ne ferait aucune concession catégorielle. Or, plusieurs catégories professionnelles (comme les policiers, les routiers ou les danseurs de l’Opéra) ont d’ores et déjà obtenu des garanties de la part du gouvernement.

“Il n’y aura plus de régimes spéciaux à proprement parler. Ce n’est pas possible dans un système universel par points”, avait déclaré le chef de l’État, avant d’ajouter: “si je commence à dire, on garde un régime spécial pour l’un, ça va tomber comme des dominos”, citant précisément les policiers, les gendarmes, les infirmiers et les aide-soignants.

Dans la nuit de lundi à mardi, un compte Twitter affichant moins de 30 abonnés a mis en ligne cet extrait. Douze heures plus tard, son message comptait près de 800 retweets et 900 likes, une prouesse pour un compte à si faible audience.

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Au petit matin, c’est le journaliste Alexis Poulin (très suivi sur le réseau social, et par de nombreux politiques) qui a repris cette vidéo, faisant exploser son audience (plus de 3000 retweets). Au point de se retrouver partagée par des responsables politiques, dont la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, qui pointe une “archive cruelle” pour le chef de l’État. Même tonalité chez le député LR Fabien Di Filippo. “Parfois, Emmanuel Macron se prend lui-même au piège de ses manipulations…Il fait dans les faits systématiquement l’exact contraire de ce qu’il clamait, pour des raisons politiciennes et au détriment de la France”, assène l’élu le droite, fustigeant “l’hypocrisie” du chef de l’État.

Au-delà du microcosme politico-médiatique qui sévit sur Twitter, la vidéo a également été partagée en masse sur plusieurs pages Facebook de gilets jaunes, dont la page Dégageons Macron, qui affiche plus de 200.000 abonnés au compteur. Six heures après sa publication sur cette page, la séquence cumulait plus de 30.000 vues et plus de deux mille partages.

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“Floraison de ‘mini-régimes’”

Si tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce document une séquence virale, c’est notamment parce qu’il révèle l’ambiguïté qui règne autour de cet aspect de la réforme des retraites, vendue comme étant “universelle”, alors qu’elle fait déjà des concessions catégorielles.

Dans une interview au Monde, Michel Borgetto, professeur de droit public à l’université Paris-II (Panthéon-Assas), souligne cette difficulté à laquelle fait face l’exécutif qui doit à la fois promettre un régime unique tout en composant avec des réalités professionnelles particulières. Le spécialiste pointe ainsi “cette multiplication de traitements particuliers, laquelle revient peu ou prou, qu’on le veuille ou non, à reproduire au sein du régime unique à points une floraison de ‘mini-régimes’”. Ce qui n’aide pas le gouvernement à vendre le projet.

Pour autant, pas question pour l’exécutif de s’interdire quelques ajustements catégoriels dans le cadre des négociations, pourvu que le système à points soit adopté. C’est en tout cas ce qu’affirme un conseiller ministériel cité par l’AFP. “Il y a eu des avancées très claires le 19 décembre, montrant que le système universel peut être dans une certaine mesure individualisé. C’est notamment le cas pour la prise en compte de la pénibilité ou le départ en retraite progressif”, souligne cette source, qui ajoute: “le gouvernement a bien compris qu’on reprochait au système de points d’être trop mécanique”.

Dans le même temps, et comme le montre le succès de cette archive, ces ajustements sont perçus comme la reproduction du système actuel, remettant ainsi en cause l’intérêt de la réforme des retraites.

Source : Le Huffpost

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