Avant Gaspard Glanz : « toute une série de journalistes militants arrêtés dans l’histoire »
Entretien | Arrêté par la police puis interdit de couvrir les manifestations parisiennes par la justice, le reporter Gaspard Glanz a déclenché sans le vouloir un grand débat national sur la définition de journaliste. Une interrogation ancienne et jamais tranchée : entretien avec l’historien Patrick Eveno.


Effectivement. Mais à partir du moment où on fait de l’information destinée à un public, on fait un travail de journaliste, qu’on ait une carte de presse ou pas.
Il existe un enjeu autour de ce terme de journaliste en tous cas. Gaspard Glanz et beaucoup d’autres revendiquent ce terme. Pourquoi ?
C’est un enjeu parce qu’un journaliste s’ancre sur des faits : qu’il s’agisse de Gaspard Glanz ou d’Alexis Kraland [arrêté en même temps mais relâché], ils essaient de filmer des manifestations, des violences policières, une interpellation, dans le but de témoigner. Il s’agit d’un témoignage militant mais cela permet aux autres journalistes de se saisir du sujet pour le traiter de façon « moins militante » ou « plus professionnelle », on le dit comme on veut. Mais c’est nécessaire aussi.
De la même façon que désormais, on a des images tournées par les forces de l’ordre avec leurs caméras sur leurs casques. Il y a des versions différentes et c’est au citoyen de se faire son opinion. En démocratie, il faut qu’il y ait une pluralité d’approches pour pouvoir se faire son opinion.
Exemple d’une vidéo réalisée par Gaspard Glanz sur le mouvement des « gilets jaunes » pour son agence Taranis News.
Mais le débat n’est pas apaisé : traiter quelqu’un de militant, c’est le qualifier de propagandiste, l’inverse de journaliste.
Oui, les gens d’extrême droite ou d’extrême gauche vont s’en prendre aux journalistes des télé et radio dites « officielles », aux chaînes du service public – on va vous traiter de quasi fonctionnaires aux ordres de Macron – ou encore aux journaux qui appartiennent à des milliardaires. Ces médias là vont être considérés comme des propagandistes du grand capital ou de la présidence, donc il vont être taxés de militantisme aussi.
Tout le monde s’accuse d’être militant : ce climat illustre quoi ?
Cela illustre un déficit démocratique. Car la démocratie, c’est le dialogue et le compromis. La démocratie suppose que le vainqueur, même s’il gagne largement une élection, discute avec ceux qu’il a battu pour essayer de créer un consensus. Or, on a de plus en plus de gens en France qui considèrent qu’ils sont les seuls à avoir raison et que tous les autres ont tort.
En tant qu’historien, vous considérez que notre époque est particulièrement tendue ?
Oui mais elle n’est pas inédite. Avec mon regard d’historien, je peux vous dire que toute une série de « journalistes militants » ont été arrêtés au cours de l’histoire : Emile Pouget, syndicaliste, anarchiste, antimilitariste, arrêté et condamné plusieurs fois entre les années 1890 et 1900, Gustave Hervé, le pacifiste d’avant 1914 arrêté plusieurs fois, Marcel Cachin, le directeur de l’Humanité dans les années 20, Paul Vaillant-Couturier, le rédacteur en chef de l’Humanité, arrêté lui aussi ; plus près de nous, Michel Le Bris et Jean Pierre le Dantec qui dirigeaient la Cause du Peuple au début des années 70 et qui sont arrêtés parce que Renaud Marcelin, le ministre de l’Intérieur de l’époque, les considère comme des gens dangereux.
À l’extrême droite, François Brigneau et François Duprat, qui défendaient l’OAS, ont été arrêtés plusieurs fois. De ce bord politique, le plus connu est Charles Maurras, arrêté en 1936 après l’agression de Léon Blum et condamné très lourdement en 1945 pour apologie de la collaboration.
Vous avez des écrivains et d’authentiques journalistes qui ont été arrêtés à cause de leurs opinions. C’est le problème non seulement de la liberté de la presse mais aussi de la liberté d’expression : jusqu’où peut-on aller dans la liberté d’expression ?
Aujourd’hui, les « gilets jaunes » sont nés d’une contestation du pouvoir politique mais on a le sentiment qu’ils contestent aussi le pouvoir médiatique, accusé de partialité, de « militantisme » au fond ?
C’est le point commun de tous les mouvements sociaux : quand ils se reconnaissent mal dans les médias, qu’ils s’estiment mal compris, mal traduits, etc. Les “médias installés” mettent du temps à reconnaître des mouvements sociaux originaux – qu’il s’agisse de l’anticolonialisme, de ce qui se passait dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale, du mouvement de mai 68. Tous les journaux installés sont victimes de leur analyse du passé, il faut un temps de latence pour qu’ils reprennent le dialogue et reprennent une façon de traiter l’actualité un peu différente.
Mais aujourd’hui, le plus gros problème est qu’on est dans le système de Facebook, Twitter et compagnie : l’individualisation à l’extrême, on ne peut plus être d’accord avec personne sauf avec soi-même et encore, parfois, on se contredit.
Source : France Culture
Lire également : France Info – VIDEO. Arrestation de Gaspard Glanz : « Le fait de prétendre être journaliste n’est pas un permis de commettre des délits » ( Par Christophe Castaner)
Lire aussi :
Carte de Presse : Non, la carte de presse n’est pas obligatoire pour être journaliste en France
statut de journaliste professionnel : Conditions de reconnaissance du statut de journaliste professionnel
Note de la rédaction de Profession-Gendarme :
En France, l’accès au journalisme n’est pas subordonné à l’obtention d’un diplôme précis. Cependant, la Convention collective nationale de travail des journalistes affirme « l’intérêt des parties contractantes pour la formation professionnelle et souhaite que les débutants aient reçu un enseignement général et technique aussi complet que possible ».
De la sorte, le fait d’avoir satisfait à l’une des formations dites « reconnues par la profession » c’est-à-dire reconnues par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes (CPNEJ) – et d’être titulaire du diplôme de fin d’études – diminue de moitié la durée du stage de deux ans requis pour accéder au statut de journaliste titulaire. (Source Wikipédia)
Qui est Gaspard Glanz ? : la réponse sur wikipédia
Liberté de la presse :
La liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion et la liberté d’expression.
Ainsi, l’article 11 de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » L’article 19 de Déclaration universelle des droits de l’homme aussi dispose la protection de la liberté de la presse. (Source : Wikipédia)
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