Tour de France 2018. Les Gardiens du Tour : quel rôle pour les gendarmes de l’OCLAESP

Le rôle des gendarmes de l’OCLAESP
Le rôle des gendarmes de l’OCLAESP | DR

 

Pendant plus de trois semaines, chaque jour d’ici au 29 juillet, des ultimes préparatifs du Grand Départ du Tour de France jusqu’à l’arrivée finale sur les Champs-Élysées, la gendarmerie est l’invitée de Ouest-France à travers cette série intitulée les Gardiens du Tour.

L’O-CLA-ESP ? Qu’est-ce que c’est que ce machin-là ?

Il y a la réponse studieuse d’abord, façon journal de 20h, notice d’utilisation ou mémoire de master : l’OCLAESP est une unité chargée d’enquêtes judiciaires, compétente sur tout le territoire français. Créée en 2004, dirigée par un colonel de gendarmerie, elle est composée de gendarmes mais aussi de policiers. C’est une unité « mixte ». Un juge la saisit lorsqu’il faut enquêter sur des thématiques précises : les atteintes présumées à l’environnement (pour faire respecter le code de l’environnement) et les atteintes présumées à la santé publique (pour faire respecter le code de la santé publique). OCLAESP signifie d’ailleurs précisément : « office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique ».

Et puis il y a la réponse intuitive, car, de cet office, vous avez tous déjà entendu parler. Ce sont les équipes de l’OCLAESP qui récemment, par exemple, ont enquêté et perquisitionné dans les affaires Levothyrox et Lactalis, en liaison avec les sections de recherches locales de la gendarmerie, respectivement celles de Lyon et d’Angers.

« Légérium 34 »

Depuis 2009, l’office compte également dans son périmètre les enquêtes relatives au dopage dans le sport de haut niveau (ce qui n’est pas sans lien avec la santé !).

Toutefois, il faut rendre à César ce qui appartient à César : le vrai inspirateur de l’OCLAESP n’est ni un juriste français du début du XXIe siècle, ni un médecin suisse de la fin du XXe. Non, son père spirituel, le vrai, c’est Frédéric Dard ! Plus exactement San-Antonio, depuis que celui-ci, en 1965, dans Vas-y, Béru !, a mis à jour en plein Tour de France, dans une enquête pleine de verve et de rebondissements, un trafic de « Légérium 34 ». Et pour cause ! Cette substance, allégeant de façon éhontée les vélos des coureurs, permit alors à « l’Hénorme » Bérurier, en infiltration dans le peloton, de grimper les cols plus vite qu’un Anquetil. Y’a pas à dire, il y avait mystère !

Ce faisant, me prêtant avec insolence à la réécriture de l’histoire de ce pan de l’arsenal judiciaire français, j’entretiens à tort une confusion : la « fraude technologique » (typiquement le cas des moteurs soupçonnés d’avoir été cachés dans des vélos) ne relève pas juridiquement du « dopage », au sens où l’entendent le code mondial du sport et le code du sport français. Cette fraude relève du domaine juridique de l’« escroquerie », sanctionnée par le code pénal et du domaine de compétence des « SR » (les sections de recherches, en gendarmerie).

Celles-ci néanmoins, tout comme d’ailleurs les instances nationales et internationales du cyclisme, ont pris l’habitude de consulter sur le sujet l’OCLAESP, dont les conseils sont sollicités et l’expertise connue. « On aide parfois les unités chargées d’enquêter sur des soupçons de fraude technologique à ouvrir les portes qu’il faut, c’est vrai, car on connait bien le sujet », confirme Jean Savarino, expert civil qui travaille pour l’office central, « même si notre cœur de métier dans le sport reste bien sûr le dopage médical ».

Un boxeur à l’OCLAESP

Il n’y a eu par l’OCLAESP aucune interpellation sur le Tour de France depuis 2012 (il s’agissait alors de la première affaire Di Grégorio), mais l’office est présent chaque année. Soit l’office vient nourrir un travail d’investigation qu’un juge lui aurait demandé, soit ses membres sont présents pour entretenir la relation partenariale tissée avec un grand nombre des acteurs du cyclisme. « Cela permet de toute façon de maintenir une pression et une veille permanentes, que nous ayons quelque chose dans le scope ou pas », ajoute Jean Savarino.

Pour entretenir ce contact dans chacun des champs de sa compétence (santé, environnement, sport), l’office s’est adjoint l’expertise de trois conseillers civils, la première venant du ministère de la santé, le deuxième du ministère de l’environnement, le troisième du ministère des sports. Jean Savarino est ce dernier. Il est un ancien athlète de haut niveau, boxeur, 48 fois international sous le maillot tricolore, ancien entraîneur de l’équipe de France olympique de la discipline. Son métier désormais pour l’OCLAESP : être au contact du mouvement sportif, des instances françaises, européennes, mondiales, des comités olympiques, des lieux de formation, des fédérations, des organisateurs d’épreuves, des clubs, des équipes… dans toutes les disciplines sportives.

J’ai déniché ainsi à l’OCLAESP un fil rouge commun à toutes les unités de gendarmerie : l’importance d’avoir un contact régulier avec les gens de terrain, pour obtenir des informations actualisées. Pour faire sérieux, j’aurais pu écrire « pour obtenir du renseignement ». Mais comme je ne suis pas affamé de scoop, tel un idiot je me suis contenté de demander à Jean s’il connaissait le nom du vainqueur de l’étape de demain. Bien évidemment, je garde la réponse pour moi !

Jean-Baptiste Verrier est un « civil » de 32 ans, novice de la gendarmerie nationale qu’il a rejointe voici quelques mois. À travers « Gardiens du Tour », il nous fait découvrir cette institution « de l’intérieur », en même temps qu’il la découvre lui-même.

Source : Ouest-France

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