Un gendarme exposé à l’amiante attaque l’État

Exposé durant une enquête, l’ancien gendarme n’a pas contracté de cancer du poumon ou d’autre affection, mais demande la réparation de son préjudice moral.

Photo d'illustration.
Photo d’illustration. © Gile Michel/SIPA
Un ancien gendarme, exposé à l’amiante en enquêtant sur cette fibre hautement cancérogène, attaque l’État et demande réparation, jeudi devant le tribunal administratif de Melun. Cet ancien gendarme n’a pas contracté de cancer du poumon ou d’autre affection liée à l’amiante, mais demande la réparation de son préjudice moral, c’est-à-dire relatif à « l’angoisse de développer plus tard une maladie », explique son avocat Romain Bouvet. L’un de ses collègues, qui a travaillé sur le même type de dossiers, a développé des plaques pleurales, des lésions de la plèvre consécutives à l’inhalation des poussières toxiques. Il a saisi le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva).

Les deux hommes ont en commun d’avoir servi au sein du groupe « enquêtes techniques amiante » de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp). Cette unité spécialisée mène notamment les investigations dans les dizaines de procédures judiciaires liées à l’amiante, substance cancérogène interdite en 1997 qui pourrait provoquer 100.000 décès d’ici 2025. Triste ironie du sort, ces gendarmes spécialisés estiment n’avoir pas été convenablement protégés contre la « fibre tueuse ». Dans sa requête au tribunal administratif, le gendarme dénonce son exposition directe aux poussières d’amiante dans le cadre des investigations conduites au sein du groupe « enquêtes techniques amiante ».

« Préjudice d’anxiété »

Il cite en particulier des perquisitions menées en mai et juin 2006, sur commission rogatoire de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, à l’entreprise Éternit à Vernouillet (Yvelines). Cette société, qui fut le premier producteur français d’amiante-ciment jusqu’à l’interdiction de la fibre en 1997, est au coeur d’une des enquêtes judiciaires emblématiques de l’amiante. Ces perquisitions visaient les archives de la société, conservées dans les sous-sols de l’entreprise, où la présence de poussières d’amiante est, selon le gendarme, avérée et documentée. Elles se seraient déroulées sans protection particulière pour les gendarmes.

« L’exposition est limitée », mais la recherche médicale montre « qu’il n’y a pas de corrélation entre la durée et l’intensité de l’exposition à l’amiante et le fait de tomber malade », a souligné Me Bouvet. Le gendarme réclame au total 27 000 euros aux ministères de la Défense et de l’Intérieur, pour ne pas avoir respecté, en tant qu’employeurs, « leurs obligations de sécurité ». Selon le gendarme, l’administration a une obligation de protéger ses agents et engage sa responsabilité en les exposant à des conditions de travail dangereuses pour leur santé. Le « préjudice d’anxiété », c’est-à-dire la crainte de voir se développer dans les prochaines années une maladie professionnelle grave – fibroses ou cancers -, a été reconnu en mai 2010 par la Cour de cassation et a donné lieu depuis lors à de nombreuses condamnations et indemnisations.

Source : Le Point

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *