Que penseriez vous d’un instant de poésie et de réflexion dans ce monde qui s’emballe ?

Un camarade de Gendarmerie, dont je tairai le grade, mais qui se reconnaitra, me fait une excellente suggestion…

Et si pour un instant nous quittions ce monde en folie afin de nous retourner un peu sur nous même et apprécier un instant de poésie ?

Cela ne pourrait, je crois, que nous enrichir et nous donner matière à réflexion…

Commençons par un poème de Paul Eluard, « Liberté » :

juan-gris-la-fenetre-ouverte-1921Juan Gris, La fenêtre ouverte, 1921

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)
Au rendez-vous allemand (1945, Les Editions de Minuit)

Eluard Harcourt 1945.jpg

 Paul Éluard vers 1945.

 La biographie de Paul Eluard

 

Enfin laissez moi poursuivre et vous proposer un poème  que l’on peut lire ou écouter pour rêver, penser, appréhender le monde et l’existence, en toute simplicité, ni prétention aucune, juste le plaisir des mots.

Découvrons ou redécouvrons « Tu seras un Homme, mon fils » de Rudyard Kipling.

Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

 

Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

 

Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot ;

 

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;

 

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur ;

 

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

 

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

 

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

 

Tu seras un Homme, mon fils !

 

Ce poème très émouvant, le plus connu de Rudyard Kipling, a été écrit en 1895 mais publié qu’en 1910. L’auteur a dédié ce poème à son fils unique John, alors âgé de 12 ans. Même si le poème est un des plus beaux dans son genre et reste très idéalisé, avec cette vision d’un être humain qui cherche sa complétude, il ne faut pas oublier que le « Si » conditionnel nous rappelle que nous ne sommes pas infaillibles et nous ramène à une certaine humilité. Nous sommes en quête d’une perfection personnelle très difficile à atteindre. « Tu seras un Homme » reste surtout une très belle déclaration d’amour à un enfant où l’auteur souhaite tout le meilleur à son fils, afin qu’il concrétise tous ses désirs et ses espérances tout en restant dans la dignité .

 

Un texte à écouter : (Chaîne Youtube de lecture de poésie « Auguste Vertu »)

https://www.youtube.com/watch?v=gJbzl60txYM

Kipling

 Rudyard Kipling (1865-1936)

 

Enfin laissez moi vous faire connaître ou reconnaître un de nos très grands poètes : « Frédéric Mistral ».

Par son œuvre, Mistral veut réhabiliter la langue d’oc et sa poésie épique : la qualité de cette œuvre est reconnue par de nombreux prix. Il réalise un dictionnaire très complet et fouillé des différentes formes des mots de la langue, écrit des chants, des romans en vers à l’imitation d’Homère, dont il se réclame dans les quatre premiers vers de Mirèio :

Cante uno chato de Prouvènço
Dins lis amour de sa jouvènço
A través de la Crau, vers la mar, dins li blad
Umble escoulan dóu grand Oumèro, iéu la vole segui.

Je chante une jeune fille de Provence,
Dans les amours de sa jeunesse,
À travers la Crau, vers la mer, dans les blés,
Humble élève du grand Homère, je veux suivre ses pas.

Il fonde en 1891 le journal félibréen d’inspiration fédéraliste, L’Aiòli, mais échoue dans sa tentative de faire enseigner la langue provençale à l’école primaire.

Frédéric Mistral avec sa barbe en pointe qui attire l’œil.

Source : Wikipédia

Si par ces quelques minutes de « Liberté » nous avons pu vous aider à vous « échapper » de ce monde bouillonnant et parfois difficile à comprendre, alors n’hésitez pas à nous le faire savoir par vos commentaires, que j’espère « positifs ».

« La vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais qu’il est bon quand même de le parcourir »

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