Police et gendarmerie. Collomb promet une « révolution »

Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a visité, hier, le commissariat de Lorient.

Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a visité, hier, le commissariat de Lorient.

 

Dans une interview exclusive accordée, ce samedi, au Télégramme, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, promet, avec la réforme de la procédure pénale notamment, « une révolution » pour les enquêteurs et les magistrats. « Nous allons enfin faire entrer la police dans le XXIe siècle », affirme-t-il.

Menace terroriste, grogne des policiers, police de la sécurité du quotidien, réforme de la procédure pénale… Vous avez de lourds dossiers à gérer. Quelles sont vos priorités ?
Nous avons déjà commencé à agir. Nous voulions sortir de l’état d’urgence. Mais nous ne le pouvions pas sans prendre un certain nombre de dispositions. Nous avons donc porté le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme qui vient d’être discuté à l’Assemblée nationale. Nous sommes également en train de travailler sur la réforme de la procédure pénale, avec la Garde des Sceaux. Les policiers et les gendarmes le dénoncent : ils sont trop accaparés par le travail administratif. Tout doit être rédigé dans le détail. Résultat : ils passent six heures sur des tâches administratives, et une heure sur le terrain. Nous travaillons aussi sur les procédures relatives au droit d’asile et une harmonisation au niveau européen. Nous espérons aboutir le plus tôt possible en 2018. Voilà nos trois premiers gros dossiers.

Quel est l’état de la menace terroriste ?

Elle évolue, mais reste toujours élevée. Le risque d’attentats téléguidés depuis la zone irako-syrienne est moindre, mais reste toujours possible. Daesh ne contrôle plus que quelques fractions réduites de terrain. Mais l’organisation terroriste déploie toujours de très importants moyens de propagande, via internet et les réseaux sociaux. Et il y a des gens sensibles à ces messages. La vigilance doit donc être grande. Nous avons renforcé les services de renseignement. Mais il faut aussi que la société soit vigilante. C’est l’affaire de tous, dans les départements, dans les quartiers. C’est à cette échelle que l’on perçoit le mieux les signes avant-coureurs et les dangers. Il faut faire remonter ces informations. C’est ce qui nous permet d’être réactifs.

Que répondez-vous à ceux qui s’inquiètent d’un recul des libertés publiques et du maintien des pouvoirs confiés pendant l’état d’urgence aux forces de l’ordre et aux préfets ?
« La loi qui vient d’être discutée à l’Assemblée nationale apporte des garanties considérables. Nous avons par exemple encadré la mesure la plus intrusive (visites et saisies à domicile). Le procureur de Paris doit être prévenu, ainsi que le procureur territorialement compétent. Et nous avons introduit l’intervention du juge de la liberté et de la détention du TGI de Paris. Je crois qu’on a trouvé un équilibre entre sécurité et liberté. Il suffit de regarder ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale. D’un côté, des députés qui estimaient que cette loi était liberticide. De l’autre, des élus qui pensaient que nous n’allions pas assez loin et qui prônaient des mesures beaucoup plus radicales… »

Vous évoquez depuis des mois une « nouvelle police » : la « police de sécurité du quotidien ». Qu’est-ce que c’est ?
Les citoyens demandent une police qui soit dans leur quartier et qui ne soit pas seulement une police d’intervention, mais aussi une police tournée vers le service à la population. Nous allons recruter 10.000 policiers et gendarmes qui y contribueront. Nous allons aussi connecter les agents. Nous allons les équiper de tablettes numériques. Elles permettront de répondre plus vite aux demandes du public, mais également lors de contrôles, d’interroger les fichiers en direct. La police sera plus rapide, plus réactive et plus efficace. Un policier saura également si la personne a déjà été contrôlée plus tôt. Cela engendrera de meilleurs contacts avec les jeunes dans les quartiers sensibles. Ces tablettes permettront enfin de répondre immédiatement à de petites infractions, en dressant des amendes. Je pense au petit trafic de stupéfiants.

Vous allez mener des expérimentations ? 
Oui, parce que nous ne voulons pas déployer ces mesures de manière uniforme. Chaque territoire a ses spécificités. Nous irons donc expérimenter dans des territoires différents, dès le premier trimestre 2018.

Y aura-t-il des villes tests en Bretagne ?
Rien n’a été tranché. Mais il y a beaucoup d’élus locaux, de toute la France, qui viennent me voir pour poser leur candidature !

Les villes vont-elles devoir jouer un plus grand rôle en matière de sécurité ?
Oui, je crois qu’il faut davantage articuler police-gendarmerie avec les polices municipales et les sociétés de sécurité privée. Quand j’ai été élu maire de Lyon, la police municipale était « old fashion », et se contentait de distribuer des PV. Je l’ai professionnalisée, renforcée et lui ai donné des moyens. Avec la vidéoprotection, cela nous permet de lutter efficacement contre la délinquance.

Une ville comme Brest ne possède ni police municipale, ni dispositif de vidéosurveillance. Pensez-vous que c’est un handicap ?
Je ne me permettrai pas de porter un jugement sur telle ou telle commune. Ce que je sais, c’est que dans beaucoup de grandes villes, cela a permis de renforcer la police nationale. Quand j’ai armé la police municipale de Lyon, après le Bataclan, on lui a aussi donné comme obligation de travailler le soir. Et la police nationale prend ensuite la relève, au moment où il y a le plus de besoins. C’est efficace.

Qu’attendez de la réforme de la procédure pénale ?
On souhaite numériser et enfin passer au XXIe siècle ! C’est important car nous avons un droit qui repose sur des procédures écrites. Un exemple : même quand des enquêteurs filment un entretien, ils sont obligés de transcrire intégralement ce qui est filmé ! C’est tout cela que nous voulons simplifier.

Vous êtes optimiste ? Ce sera un aménagement ou une révolution ?
Je pense que ce sera une révolution. Aujourd’hui, tout le monde se plaint. Les forces de sécurité sont surchargées et les juges croulent eux-aussi sous le nombre de documents. Les forces de sécurité et la justice attendent des changements majeurs. Nous proposerons une loi en ce sens dès 2018.

En Bretagne, depuis quelques années, des dizaines de mineurs étrangers refusant toute prise en charge multiplient les délits dans les centres-villes. Le phénomène semble s’amplifier et laisse penser qu’il n’y a aucune coordination, et aucune stratégie.
C’est une problématique nationale. Parmi les nombreux mineurs étrangers non accompagnés présents en France, dont la majorité accepte l’assistance et le suivi des services de l’Etat et des associations, certains se livrent à des actes de délinquance. Nous avons affaire à des réseaux organisés. Pour lutter contre ce phénomène, qui dépasse celui des mineurs isolés, il faut une coopération internationale. Un : il faut stopper les flux, en France, et dans les autres pays européens. Deux : il faut arrêter les réseaux de passeurs. Trois : il faut reconduire les majeurs en situation irrégulière dans leurs pays. J’ai demandé aux préfets de prendre les mesures d’éloignement qui s’imposent. Mais cela va même plus loin : je pense aux personnes qui ne peuvent pas bénéficier du droit d’asile. Elles doivent être reconduites dans leurs pays. Cela suppose une coopération avec les pays en question. Le président de la République a donc nommé un ambassadeur spécial. Il est chargé de travailler avec ces pays, avec lesquels d’ailleurs la France coopère sur le plan économique. On leur apporte beaucoup, l’Union européenne aussi. Eux doivent prendre en retour des positions plus coopératives. Il faut aussi porter une politique de développement économique dans ces pays, quand ce n’est pas déjà le cas.

Source : Le Télégramme

 

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