[POINT DE VUE] Covid: empêché de dire adieu à son père, il fait condamner l’État

Arnaud Florac 15 février 2024 à 21:00 Coronavirus Justice

Le Parisien vient d’exhumer un jugement de décembre dernier, mais qui était curieusement resté sous les radars médiatiques. Voilà une histoire qui, malgré son issue heureuse, rappellera à beaucoup d’entre nous les temps de stupidité collective de la psychose anti-COVID. Vous vous souvenez de cette époque où on n’avait pas le droit de boire un café assis (ou était-ce debout ?), où il fallait se signer des auto-attestations pour s’autoriser soi-même à sortir de chez soi ? Vous vous souvenez de ces veaux qui « applaudissaient les soignants » à 20 heures précises, pendant que leurs concitoyens qui avaient fait le libre choix de ne pas se faire vacciner perdaient arbitrairement leur boulot ? Evidemment. Tout le monde se souvient de ces heures, des heures véritablement sombres pour le coup, des heures irrationnelles d’hystérie collective et de panurgisme agressif.

Le 4 avril 2020, Patrice Dupas voulait seulement aller rendre visite à son père mourant, à l’hôpital. Il avait tout ce qu’il fallait : une attestation, une autorisation de la gendarmerie de son département et la meilleure volonté du monde. Arrêté par des gendarmes à l’entrée du viaduc de l’île de Ré et verbalisé (135 euros) pour non-respect des mesures sanitaires, il avait appelé la préfecture à plusieurs reprises, et son médecin de famille était même intervenu en sa faveur. Rien à faire avec les gendarmes : la loi, c’est la loi, tout ça tout ça. Son père, Claude Dupas, était mort trois jours plus tard, sans avoir revu son fils. Cette affaire, combien symbolique, avait ému beaucoup de Français.

Au printemps 2022, Patrice Dupas avait porté plainte contre l’État. Il a eu gain de cause le 19 décembre 2023. L’État, condamné pour « faute lourde », a annoncé qu’il ne ferait pas appel. Le contraire aurait été aberrant, mais ce n’est plus un critère depuis les mesures mises en place par l’État pour lutter contre la « terrible pandémie »… que l’invasion de l’Ukraine a pourtant suffi à faire disparaître. Son témoignage est particulièrement émouvant : « Ils m’ont volé mon père et je n’y suis pour rien ! Avec ce jugement, le sentiment de culpabilité s’en va. Je ne suis pas responsable. […] De là-haut, j’espère qu’il est content ».

Ce jugement est particulièrement symbolique, à plusieurs titres. Il est d’abord symbolique de l’emballement normatif autour de la pandémie de COVID-19, et dont ce cas tragique nous rappelle cruellement, on l’a dit, la bêtise et le caractère inhumain. Il est également symbolique de la soumission de trop de forces de sécurité intérieure au pouvoir, une soumission aveugle, qui a poussé des policiers à verbaliser des familles qui étaient sur la plage, deux ans après avoir éborgné des gilets jaunes –et en l’occurrence, qui a fait germer, dans le cerveau des gendarmes de l’île de Ré, l’idée géniale de coller une prune à un brave homme qui allait dire adieu à son père. Il est enfin symbolique de l’inhumanité totale de la société contemporaine, qui s’érige en Créon face à des millions d’Antigone, comme ce monsieur en l’occurrence.

Bravo à ce simple citoyen, victime, comme tant d’autres simples citoyens, de l’aveuglement répressif de l’appareil d’État entre 2020 et 2022. Espérons, sans pour autant y croire démesurément, que ce sera la dernière fois.

Source : Boulevard Voltaire

Note de la rédaction de Profession Gendarme :

Si nous nous réjouissons de la conclusion de cette plainte, en tant que retraité de la Gendarmerie Nationale nous sommes attristé par le comportement invraisemblable des gendarmes dans cette affaire, pour verbaliser sans honte d’honnêtes gens se trouvant dans le malheur.

J’ai du mal à nommer ce gendarme « Camarade » car aujourd’hui il ne doit pas être fier de son attitude, rappelant certaines heures sombres de notre histoire et révélées lors du procès de Nuremberg par des « je n’ai fait qu’exécuter les ordres ».

Ne pas s’étonner de ne plus être apprécié des honnêtes citoyens….

De mon temps la capacité d’écoute et de communication était la clé de beaucoup de nos missions.

« Souvent dans la vie et particulièrement dans les heures graves, le doute ou l’hésitation se glissent dans les esprits. Il n’est qu’une façon de voir clair et de rester irréprochable : penser et agir comme l’honneur le commande. » Enseigne de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves (résistant fusillé en 1941)

Ronald Guillaumont

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Claude Dupras est mort cinq jours plus tard. « Les derniers mots que m’a dits mon père au téléphone, ‘Ne t’inquiète pas, on se reverra’, je ne pourrai jamais les oublier », avait-il alors confié au Parisien. Deux semaines plus tard, la gendarmerie avait reconnu ses torts et avait annulé l’amende en question.

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