Poème d’un policier

Tu as neuf ans.

Je porte ton corps d’enfant

Et le dépose sur la civière

Sous les cris de ton père,

Sa fille unique est décédée.

Mais je ne suis que policier.

Tu as vingt ans.

Ton conjoint si violent,

A fait de toi son jouet

Sur lequel il se défoulait.

Tu as décidé de le quitter,

Alors il t’a poignardée.

Mais je ne suis que policier.

Tu as trente ans.

Il était ton amant,

Tu voulais une autre vie

Il t’a brûlée une nuit.

C’est ton corps carbonisé

Dans ta chambre qu’il a laissé.

Je n’ai pu que constater.

Mais je ne suis que policier.

J’ai reçu des coups et des projectiles,

Roulé à tombeau ouvert dans la ville,

J’ai entendu insultes et invectives

Interpellé des individus en récidive,

La mort plusieurs fois frôlée

Mais je ne suis que policier.

Je travaille pour votre sécurité

Aux dépens de mon intégrité.

Protéger les personnes et les biens,

C’est pourquoi je me lève le matin.

Voir le sourire d’une victime,

Quand l’auteur de son crime

Est identifié et interpellé

C’est la joie de mon métier.

Mais je ne suis que policier.

Pénétrer dans l’intimité des gens

Ne vivre que des mauvais moments,

Voir partir des collègues, des frères

Qui ne supportaient plus cette misère.

Sous toutes ces formes j’ai vu la mort,

L’état dans lequel elle laissait les corps,

Décomposés, déchiquetés, putréfiés

Noyés, pendus, défenestrés, assassinés

Il a fallu tout supporter,

Soutenir des familles endeuillées.

Mais je ne suis que policier.

Jour de l’an et Noël,

Pour que vos fêtes soient belles,

Je sacrifie les miennes

Que je passe au son des sirènes

Dans la procédure pénale,

Loin du cocon familial.

Mais je ne suis que policier.

Une grande famille que cette maison.

On ne choisit pas sa composition,

Pour quelques mauvais fils,

Tous les enfants en pâtissent.

L’oubli est facile et immédiat

Quand bercé au son des médias

Le peuple trouve un bouc émissaire

À tous les maux de la terre.

Oui je suis policier,

Mais je suis fatigué…

F. G.

Source : Place d’Armes

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