Place d’Armes répond au général LANATA

Considérations sur la lettre du Général Vincent Lanata

Avant tout mon général, je vous remercie pour votre avis et votre appréciation sur la « lettre adressée aux gouvernants ». C’est parce que vous avez rédigé ce texte avec honnêteté que j’ai décidé d’y répondre. D’abord un point sur la forme, vous avez repris la formulation des médias et notamment de « Valeurs Actuelles » en écrivant « Tribune des généraux », pourtant ce titre est une erreur car cette tribune n’est pas celle simplement des généraux. Certes plus de soixante généraux ont eu le courage et vous savez combien il faut de courage pour sortir du silence de la « grande muette », en signant cette lettre. Mais plus de 27 000 autres militaires tous grades confondus : officiers, sous/officiers et hommes du rang l’ont paraphé de manière identique. Eux aussi méritent une pensée pour l’abnégation et la force d’âme dont ils ont fait preuve en approuvant ce texte.

En premier, voyons rapidement les points sur lesquels nos perceptions sont similaires. Votre constat de la situation actuelle de la France se rapproche dans ses grandes lignes de la mienne, comme moi vous voyez poindre le danger qui menace notre patrie, comme moi vous constatez que les politiques se projettent avant tout dans une chronologie électorale plus que dans l’avenir sombre de la France. De même votre réflexion sur les réactions des médias et du monde politique, toutes personnalités confondues, correspond parfaitement à la mienne. Ces deux entités incontournables : politiques et grands médias, fusionnant souvent dans une même « élite » préfabriquée, ont fait plus pour ma missive, par leurs méconnaissances du texte et leurs communiqués tronqués, que le site « Place d’Armes » auquel elle était annexée. Le seul point important où nous divergeons, mais il est de taille est celui de la diffusion de cette lettre.

Vous parlez dans ce domaine de faute et d’erreur. Pour vous, l’erreur a été de déroger au devoir de réserve. Or vous savez très bien que ce devoir n’est imposé actuellement qu’aux généraux de deuxième section. Donc plus de 27 000 militaires n’étaient pas assujettis à celui-ci et avaient parfaitement le droit d’apposer leurs signatures. Pour les deuxièmes sections, selon les informations en ma possession, sur plus de 5 400 officiers généraux, moins d’une centaine sont rappelés chaque année en première section par le ministre. Ceci nous amène à relativiser le rôle actif que peuvent tenir ces derniers. Mais surtout quel est la définition du devoir de réserve ? Quelles règles y apporter quand le CEMA lui-même enjoint les militaires à écrire et à « développer la réflexion sous toutes ses formes et dans toutes les dimensions »? Quel est la signification du devoir de réserve quand le général de deuxième section Pierre De Villiers, que vous avez soutenu, prédécesseur du général Lecointre déclare dans son ouvrage « Servir » : « la vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef » avant d’ajouter en décembre 2020 lors d’une interview « ma crainte pour la France, c’est une guerre civile« .

Vous déclarez que cette lettre jette un discrédit sur l’Armée ? Mais mon général, c’est l’inverse qui s’est produit. Analyser le résultat du questionnaire, tous partis politiques confondus, sur la perception de mon texte ? Examiner le sondage : « doit-on punir les militaires d’active qui l’ont signé »? Chaque fois près des deux tiers des français répondent par une confiance renouvelée en l’institution militaire.

Enfin vous me reprochez de : « faire resurgir le spectre du coup d’état militaire, chacun se référant à la tentative de putsch du 21 avril 1961, putsch avorté grâce, entre autres, à l’action d’une partie de l’Armée elle-même. » Mon général, pardonnez-moi, mais votre mémoire est sélective car avant 1961 il y a 1958 et la tentative de coup d’État feutrée, certes passée sous silence, mais qui a réussi puisqu’elle a entrainé l’arrivée au pouvoir du général De Gaulle. Étant historien militaire, vous savez très bien que sans l’attitude de l’Armée à Alger le 13 mai, l’initiateur de l’appel du 18 juin 1940 ne serait jamais revenu au pouvoir et la V République n’existerait que sous forme de projet.

Quant-à votre phrase : « L’Armée française est une armée républicaine qui est aux ordres du pouvoir politique démocratiquement élu et, depuis des décennies et des décennies elle le prouve ». Il n’y a pas un mot dans mon texte qui dise le contraire.

Pour terminer mon général, je me permettrais de vous faire remarquer que si vous-même avait pu donner votre avis sur la situation du pays c’est grâce à l’existence de ma tribune. Sans elle, comme vous l’expliquez, vous auriez succombé au devoir de réserve. En conclusion, mon écrit vous a fourni l’occasion de vous positionner face à la nation et croyez bien que j’en suis ravi car vous avez ajouté une pierre à l’édifice de reconstruction qu’à travers « Place d’Armes » nous entreprenons. Vous comme moi savons très bien que notre pays mérite mieux que les gesticulations médiatico-politiques actuelles.

Je vous prie d’agréer mon général l’expression de ma haute et respectueuse considération.

Capitaine à la retraite Jean Pierre Fabre-Bernadac

Source : Place d’Armes

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