Mort de Steve : la Protection civile conteste la version des secouristes parue dans les médias

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Graffiti à Nantes le 29 juillet, en hommage à Steve Caniço.
LOIC VENANCE AFP or licensors

Le corps de Steve Caniço, disparu lors de la Fête de la musique à Nantes, a été retrouvé le 29 juillet. Des secouristes mobilisés lors de cette soirée ont raconté à la presse ce qu’ils avaient vu. L’un d’eux a affirmé que l’intervention policière était « disproportionnée ». La Fédération nationale de protection civile met en doute ces témoignages accablants.

Dans un communiqué interne envoyé aux bénévoles de l’association mardi 6 août au matin, le président de la Fédération nationale de protection civile (FNPC), François Richez, et celui de l’antenne de Loire-Atlantique, Jean-Pierre Giraudet, affirment que les propos des secouristes relayés par la presse sont « sortis de leur contexte ». Et mettent en doute des témoignages « qui créent désormais une polémique intolérable ».

Plusieurs secouristes de l’équipe de quatre bénévoles mobilisée quai Wilson avaient témoigné de manière anonyme dans les colonnes de Presse Océan et du Monde pour raconter la soirée du 22 juin, celle durant laquelle Steve a disparu. L’un d’eux avait dénoncé une intervention policière « totalement disproportionnée », un autre affirmait avoir vu « deux formes flotte[r] » dans la Loire. Interrogés par l’IGPN, ils disaient ne pas comprendre le récit que la police des polices faisait dans son rapport, selon les deux médias.

Secret des sources

L’équipe de secouristes, mandatée par la mairie lors de la Fête de la musique, a été déclenchée à 4h13 pour prendre en charge une personne victime d’un malaise, selon Presse Océan.

Le communiqué interne de la FNPC, intitulé « Affaire Steve à Nantes – Presse écrite » remet en cause « de soi-disant propos d’une équipe de secouristes » intervenue le 22 juin, tout en affirmant qu’ils sont « issus de rapports d’audition », donc qu’ils ont bien été prononcés. Ses auteurs l’assurent : « Les quatre bénévoles n’ont eu aucun contact avec les journalistes ». Contacté, Jean-Pierre Giraudet estime que « le communiqué ne dément pas les propos tenus dans l’article ». Avant d’affirmer que « les termes d’« intervention disproportionnée » et d’« injustice » ne sont pas dans les comptes-rendus d’audition » et que « ce ne sont pas les secouristes qui les ont prononcés ».

Pourtant, les bénévoles « ont livré au Monde le récit des évènements », assure le quotidien dans son article. Contacté, l’auteur des articles réfute les accusations de la FNPC et confirme avoir rencontré les secouristes : « Je ne changerais pas une virgule à mon papier. J’ai fait mon métier, j’en connais les règles. Ce qu’ils veulent c’est savoir qui a parlé ? Ça s’appelle de la délation. Et on a le secret des sources. Je tombe des nues. »

Le communiqué de François Richez et Jean-Pierre Giraudet se clôt sur des conseils de communication aux bénévoles :

« Nous vous demandons de ne pas rentrer dans de la surenchère sur les réseaux sociaux, celle-ci ne peut que nuire à notre image collective et à notre bénévolat. Je profite de cette occasion pour vous appeler à la plus grande vigilance dans les propos que vous pourriez être amenés à tenir devant des journalistes à l’occasion de différentes manifestations. »

Enfin, les bénévoles sont invités à « faire valoir [leur] droit et [leur] devoir de réserve », ainsi qu’à « renvoyer les journalistes » vers un « chargé de communication ».

Précautions d’image

De telles précautions quant à l’ »image » de l’association sont-elles dues au fait que, comme toute organisation de sécurité civile, elle dépend de la DGSCGC, un service rattaché au ministère de l’Intérieur ? Et que l’attribution des missions de secours dépend de l’autorité de police (préfet ou maire) ou de l’organisateur privé d’une manifestation ?

Les témoignages publiés le 3 août par Presse Océan et Le Monde venaient en effet contredire la version du gouvernement sur la nuit du 22 juin. Le Premier ministre Edouard Philippe affirmait mardi 30 juin, synthèse du rapport administratif de l’IGPN à l’appui, qu’il n’y avait pas « de lien entre l’intervention des forces de police et la disparition de Steve« .

Les bénévoles, qui ont « souhaité garder l’anonymat pour ne pas être écartés de futures missions de la protection civile », affirment aux deux médias que le niveau sonore n’était pas particulièrement élevé ce 22 juin vers 4h quai Wilson. Après l’arrivée de la police et l’usage de gaz lacrymogènes, la soirée a dégénéré, expliquent-ils.

« Des gens criaient et couraient, désorientés », se rappelle l’un d’eux. Un autre de raconter : « J’ai vu deux formes flotter. On a appelé les secours adéquats immédiatement. J’ai tenté de les suivre mais le courant était tel qu’ils sont sortis du faisceau de ma torche. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus. ». Pour son collègue : « l’opération n’était pas appropriée. L’intervention me paraît totalement disproportionnée. »

« Quelle crédibilité on a ? »

Contactée, la Fédération nationale n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet : « l’enquête sur la mort de Steve est en cours, on ne fera pas de commentaires sur cette affaire ». Elle rappelle qu’ »un secouriste a un devoir de réserve et est soumis au secret médical ».

L’association départementale de Protection civile de Loire-Atlantique reconnaît, elle, l’existence du communiqué interne. Et se défend de toute pression de la part des autorités : « On n’a aucune pression extérieure. On n’émet pas de jugement sur ce qui s’est passé, ce n’est pas notre travail. Comme à chaque opération difficile, l’équipe a fait un rapport. L’IGPN nous a demandé de lui envoyer ce rapport », estime Jean-Pierre Giraudet. Mais « forcément, on n’aurait jamais rendu public ce qu’on a envoyé à l’IGPN. On travaille avec les institutions toute l’année, quelle crédibilité on a nous derrière ? Certains risquent de dire « non mais attendez, on va plus leur confier de mission ! » »

Les fonds de la FNPC et de ses associations départementales affiliées, qui comptent 32 000 bénévoles, proviennent de subventions, de dons, et en majeure partie des facturations effectuées pour deux types de prestations, déclare la fédération nationale : la formation aux premiers secours et la mise en place de dispositifs prévisionnels de secours lors de divers évènements.

Source : Sud Ouest

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