Mains baladeuses au service central du renseignement territorial. Un colonel suspendu.

Même si nous sommes en période de festivité, fin d’année ou début de la nouvelle année, cela se termine mal (ou commence mal suivant la date où l’on se place) pour certains qui se croyaient au dessus du lot…

Information fournie par un ami, fidèle lecteur de Profession-Gendarme.

Conseil d’État

N° 457633
ECLI:FR:CECHS:2021:457633.20211229
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Alexis Goin, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public


Lecture du mercredi 29 décembre 2021

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 457633, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 18 octobre et 2 décembre 2021, M. A… B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision n° 53135/GEND/CAB du 3 septembre 2021 prononçant sa suspension de fonctions ;

2°) d’enjoindre à l’administration de le rétablir dans l’ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il aurait été privé par les effets de la décision en cause, sans délai, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 458005, par une requête, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 29 octobre, 1er décembre et 2 décembre 2021, M. A… B… demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision orale du chef de service central du renseignement territorial en date du 3 septembre 2021 lui notifiant son retrait d’emploi et exclusion de fonctions de ce service ;

2°) d’enjoindre à l’administration de le rétablir dans l’ensemble de ses fonctions, droits, prérogatives et autres intérêts dont il a été privé par les effets de la décision en cause, sans délai, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de la défense ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

– les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;


Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes présentées par M. B… sous les n°s 457633 et 458005 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B…, colonel dans la gendarmerie nationale affecté au service central du renseignement territorial (SCRT), a fait l’objet le 3 septembre 2021 d’une décision de suspension de ses fonctions à titre conservatoire prise par la ministre des armées, dans l’attente de l’issue de la procédure disciplinaire engagée à son encontre. Le même jour, l’adjoint au chef du SCRT lui a annoncé lors d’un entretien sa mise à l’écart immédiate du service. M. B… demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 3 septembre 2021 de la ministre des armées ainsi que de la décision orale du chef du SCRT, révélée par l’entretien du même jour.

Sur les conclusions de la requête n° 457633 :

3. Aux termes de l’article L. 4137-5 du code de la défense :  » En cas de faute grave commise par un militaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, celui-ci peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ou le conseil d’enquête. (…) « .

4. Il ressort des pièces du dossier qu’il est reproché à M. B… des gestes déplacés envers des agents féminins de son service, d’avoir tenu la main de l’une d’entre elles et de l’avoir embrassée sans son consentement. Plusieurs témoignages font en outre état de ce qu’il a tenu, de manière répétée, des propos à caractère sexiste et dégradants à l’égard de ses subordonnées, et que son comportement a eu des conséquences préjudiciables au bon fonctionnement du service, l’une des personnes concernées ayant choisi de changer d’affectation tandis qu’une autre a fait état de la  » souffrance au travail  » causée par ces agissements.

5. En premier lieu, les propos et agissements à caractère dégradant ou sexiste qui ont été reprochés à M. B… présentaient, dès lors que l’intéressé a lui-même reconnu le caractère malencontreux des propos qu’il a tenus, et alors même qu’il conteste l’absence de consentement des personnes concernées et soutient que certains des faits sont survenus en dehors des locaux du service, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier l’éloignement à titre conservatoire de M. B… du service dans lequel il était affecté. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de la ministre des armées du 3 septembre 2021 serait entachée d’inexactitude matérielle des faits et méconnaîtrait la portée des dispositions de l’article L. 4137-5 du code de la défense en ce qu’elle aurait également été prise en considération de l’intérêt du militaire concerné ne peuvent qu’être écartés.

6. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 4 sur la gravité des faits reprochés à M. B…, les circonstances que, d’une part, dans le contexte particulier de son service d’affectation, les relations de travail étaient caractérisées par un mode de fonctionnement peu formel et, d’autre part, que les faits en cause n’ont pas été rendus publics et n’ont pas donné lieu à l’engagement de poursuites pénales, sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision de suspension provisoire prononcée par la ministre des armées. Il s’ensuit que le moyen tiré de ce que la mesure adoptée serait disproportionnée eu égard à la nature des faits reprochés à l’intéressés doit également, en tout état de cause, être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête n° 457633 doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions de la requête n° 458005 :

8. Si M. B… soutient que son entretien du 3 novembre 2021 avec l’adjoint au chef du SCRT aurait révélé une décision d’exclusion de fonctions prise à son encontre par le chef de ce service, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la relation de cet entretien que fait le requérant dans ses écritures, que l’adjoint au chef du SCRT s’est borné à lui annoncer sa  » mise à l’écart immédiate du service « . Il doit être ainsi être regardé comme ayant seulement notifié à M. B… la décision de suspension prononcée par la ministre des armées à son encontre. Cette notification ne faisant pas grief au requérant, les conclusions dirigées contre elles ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
————–
Article 1er : Les requêtes de M. B… sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A… B…, à la ministre des armées et au
ministre de l’intérieur.
Délibéré à l’issue de la séance du 15 décembre 2021 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d’Etat et M. Alexis Goin, auditeur-rapporteur.

Rendu le 29 décembre 2021.


Le président :
Signé : M. Gilles Pellissier
Le rapporteur :
Signé : M. Alexis Goin
La secrétaire :
Signé : Mme D… C…

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