L’Europe contre l’interdiction absolue des syndicats dans l’armée (Actualisé)

La Cour européenne des droits de l’homme vient de rendre son arrêt dans le cadre de l’affaire Matelly. Elle juge la prohibition contraire à la convention européenne des droits de l’homme

«Si l’exercice de la liberté d’association des militaires peut faire l’objet de restrictions légitimes, l’interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d’y adhérer porte à l’essence même de cette liberté, une atteinte prohibée par la Convention» européenne des droits de l’homme, vient de juger à l’unanimité la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH , qui dépend du Conseil de l’Europe et non de l’Union européenne). Les autorités françaises ont trois mois pour constester cet arrêt qui a «force contraignante» en droit français et faire appel devant la Grande chambre de la Cour. On peut lire l’arrêt en cliquant ici.  Pour les juges européens, «l’interdiction des syndicats au sein de l’armée française» constitue une «violation de l’article 11 (liberté de réunion et d’association).»
La CEDH avait été saisie par Jean-Hugues Matelly, un officier de gendarmerie (et chercheur au CNRS), qui avait créé en 2008 une association baptisée « Forum gendarmes et citoyens ». Pour se mettre en conformité avec le droit français, tout en le contestant devant la CEDH, cet officier avait dû renoncer à son projet. Suite à une autre affaire, liée à la liberté d’expression, il avait été radié des cadres de la gendarmerie, puis réintégré à la suite d’une décision du Conseil d’Etat. Pour la CEHD, «la décision des autorités vis-à-vis de M. Matelly (ordre de démission de l’association dont il était membre) s’analyse comme une interdiction absolue pour les militaires d’adhérer à un groupement professionnel constitué pour la défense de leurs intérêts professionnels et moraux et que les motifs d’une telle décision n’étaient ni pertinents ni suffisants.» 
Cet arrêt, s’il est confirmé au terme des recours possibles, ouvre donc la porte à la constitution de syndicats pour les personnels militaires.  Le Code de la défense devrait alors se mettre en conformité avec le droit européen.
Dans un autre affaire, une évolution notable du statut des militaires pourrait intervenir prochainement. Le 24 septembre, le Conseil d’Etat a en effet donné raison au capitaine de vaisseau Dominique de Lorgeril, qui conteste l’impossibilité faite à un militaire d’active de sièger dans un conseil municipal, où il a été élu en mars. Le Conseil d’Etat a reconnu que cette interdiction lié au statut des militaires relevait d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont le Conseil constitutionnel est donc saisi.
Syndicats, élections politiques : le statut des militaires entre juridiquement dans une zone de turbulences telle qu’il n’en a pas connue depuis longtemps.
Actualisé : Le ministère de la Défense a «pris acte de ces décisions», rappellant qu’«un travail de réflexion a été lancé pour rénover la concertation militaire». Le ministère de la défense «va maintenant prendre le temps d’expertiser avec précision la décision rendue et les motifs développés par la Cour. Ce travail d’analyse permettra d’identifier à brève échéance quelles évolutions du droit français doivent être mises en place, et de déterminer les actions à entreprendre pour assurer la conformité de notre droit national aux engagements conventionnels de la France, dans le respect des valeurs fondamentales du statut militaire et, en particulier, celles de l’unicité du statut et de la neutralité des armées».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *