Les magistrats parisiens disent « ça suffit » aux avocats, mobilisés contre la réforme des retraites

Le président du tribunal de Paris et le procureur de la République estiment que le mode de protestation contre le projet de loi aura des conséquences durables.

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Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris, et Rémy Heitz, procureur de la République, disent d’une même voix aux avocats : « Ça suffit ! »

Lors d’un entretien avec Le Monde et Le Figaro mercredi 12 février, les chefs de la plus importante juridiction du pays déplorent des conséquences du mouvement de protestation des avocats contre la réforme des retraites qui est entré dans sa sixième semaine.

Le président du tribunal constate « une dégradation importante de l’action judiciaire, et une dégradation très nette des relations entre avocats et magistrats ». Des incidents ont par exemple émaillé une des trois audiences de comparutions immédiates du lundi 10 février, avec des propos d’un avocat à l’égard d’un magistrat du parquet que le procureur compte ne pas laisser sans suite.

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Au-delà des renvois d’audience qui « auront des conséquences à long terme pour la juridiction », le procureur déplore une « dégradation de la réponse pénale ». Les comparutions sur reconnaissance de culpabilité (le plaider-coupable) ne sont tout simplement pas possibles sans avocat.

Résultat, les personnes pour qui le parquet estime que la gravité des faits justifie une sanction pénale rapide de ce type sont renvoyées sur des procédures moins sévères : l’ordonnance pénale (une peine de prison n’est pas possible), un rappel à la loi ou une convocation ultérieure devant un juge.

Report de la sanction

Quand les personnes sont multirécidivistes et que la comparution immédiate est choisie par le parquet, l’effet boule de neige des renvois décidés dans le cadre de la grève reporte la sanction, à plusieurs mois lorsque les personnes sont libres. « Je ne souhaite pas qu’un sentiment d’impunité s’installe si cette situation durait », résume M. Heitz.

M. Noël s’étonne par ailleurs que le mouvement se fasse essentiellement au détriment des justiciables les plus pauvres, ceux qui ne peuvent pas payer un avocat. « Les audiences avec un avocat choisi ou celles qui ont du relief économique poursuivent leur chemin », observe-t-il.

De fait, le procès du Mediator se déroule comme prévu, comme celui en appel des époux Balkany, et l’audience d’homologation de l’amende record d’Airbus n’a pas souffert du moindre retard. Certaines audiences correctionnelles qui auraient pu être reportées à l’été sont désormais renvoyées à début 2021.

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Du côté du tribunal pour enfants, l’absence d’avocat empêche de mettre en place une réponse éducative, « ce qui est préjudiciable à la société, mais aussi au mineur », dit M. Heitz. L’effort organisé en janvier pour apurer le stock d’affaires avant la réforme de la justice des mineurs en septembre « est aujourd’hui anéanti » souligne M. Noël.

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