Le Gendarme de Saint-Tropez : 1964, et Cruchot créa Louis de Funès

louis-funes-dans-gendarme-balade_width1024Louis de Funès dans « Le gendarme en balade ».

Tourné en juin, sorti en septembre 1964, ce Gendarme de Saint-Tropez offrit, contre toute attente, à Louis de Funès son bâton de maréchal.

Le destin est farceur. En juin 2016, la vieille gendarmerie de Saint-Tropez, place Blanqui, choisie de 1964 à 1982 comme décor par le réalisateur Jean Girault, devient un musée célébrant la saga cinématographique l’ayant immortalisée. Pourtant, à l’origine, c’est un désagrément qui devait inspirer l’écriture de ces aventures tropéziennes à son auteur. Début des années 1960. L’attaché de presse Richard Balducci se fait voler une caméra dans sa décapotable, lors d’un repérage à Saint-Tropez. La désinvolture et l’incompétence apparente du gendarme qui reçoit sa plainte, et lui reproche de le déranger à l’heure du déjeuner, lui donne l’idée de ridiculiser sa brigade.

Ayant promu ses derniers films, Balducci raconte sa mésaventure à Louis de Funès qui lui suggère d’opposer un gendarme bonne pâte à un collègue zélé, obséquieux et survolté. L’attaché de presse rédige un premier synopsis, développé par le tandem Jean Girault-Jacques Vilfrid. Lequel se heurte au scepticisme de producteurs pour qui les films de gendarmes font rarement recette. Par ailleurs, Louis de Funès, en brigadier Cruchot, n’est pas, à leurs yeux, une assez grande vedette. Ils verraient plutôt Darry Cowl et Francis Blanche. Mais ceux-ci ne donnent pas suite. Jusqu’à ce que le duo de producteurs Gérard Beytout-René Pignères se décide à produire ce scénario métamorphosant la cité de BB en un lieu d’affrontement entre maréchaussée et vacanciers.

Pierre Mondy indisponible, Michel Galabru récupère le rôle

Remis en selle, Louis de Funès propose des idées, dont celle d’une bonne sœur en 2CV, et aide à établir le casting, proposant les noms de Grosso, Modo et, dans le rôle de l’adjudant-chef Gerber, Pierre Mondy. Mais ce dernier est retenu sur les planches. À quelque temps de là, Michel Galabru se repose avec sa femme à l’hôtel tropézien de la Ponche, lorsqu’il surprend une conversation de financiers autour d’un petit-déjeuner : « Puisqu’on a de Funès, pour le reste, je veux des ringards ! Des nuls que je n’aurai pas à payer ! » L’acteur se retourne alors, goguenard, vers son épouse : « Eh bien… Les mecs qui vont tourner là-dedans, ça va être quelque chose ! » Rira bien qui rira le dernier…

De retour à Paris, la femme de Galabru reçoit l’appel d’un producteur convoquant son mari. « Le lendemain, racontera l’acteur, je tombe sur un mec qui me regarde à peine, me met un manuscrit entre les mains et me dit : « Vous prenez le train de 15 heures, gare de Lyon, direction Saint-Tropez. » Le tournage de ce « petit film », mêlant une histoire de tableau volé, de kidnapping et de chasse aux nudistes sur la plage de Pampelonne, débute le 5 juin 1964 par le défilé final des protagonistes, sur le port, au son d’une fanfare. Gerber, Cruchot et leur brigade sont entourés de majorettes, d’un groupe folklorique et d’une population venue, ravie, faire la figuration.

Réalisateur conciliant, à l’écoute permanente de de Funès, Jean Girault travaille rapidement, mais laisse leur liberté aux comédiens qui affinent gags et répliques en marge du tournage. Du reste, nul ne se fait d’illusion : cette fantaisie qui se moque de l’autorité, du choc des générations et fait un clin d’œil à l’actualité, à travers un pastiche de Thierry La Fronde, n’a d’ambition que de divertir et de rentabiliser son modeste budget d’1,3 millions de francs. Lors du clap de fin, donné le 8 juillet, personne ne songe à une suite. Mais la musique de Raymond Lefebvre, pop et lyrique, rehausse l’ensemble. Et, lors d’une saison qui le voit enchaîner les tournages de ce Gendarme, de Fantômas puis du Corniaud, de Funès donne libre cours à son génie comique.

« Je suis heureux dans ce rôle, confie-t-il à son partenaire Christian Marin. Ce film, c’est la vie même, avec les sous-fifres et ses dirigeants. » C’est aussi, pour l’artiste de 50 ans, le début de la gloire. Sorti le 11 septembre 1964, Le Gendarme de Saint-Tropez prolonge les vacances de 7 809 334 Français qui en font le plus gros succès de l’année. Des suites ? Il yen aura cinq, Cruchot se trouvant une épouse avec Josépha-Claude Gensac dans Le gendarme se marie et offrant son ultime rôle à de Funès grâce au Gendarme et les gendarmettes. En mêlant l’humour de Guignol au glamour de Saint-Trop’, Balducci, Girault et de Funès ont créé un authentique mythe du cinéma. Et tout cela à cause du vol d’une caméra…

Source : Téléstar

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