La Ville de Paris fait un rabais de 36 millions à des promoteurs immobiliers

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La Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France note dans un rapport, consulté par « Marianne », que la société publique d’aménagement a consenti, sur le site de la ZAC Clichy-Batignolles, des « rabais » dont « l’ampleur » est « contestable ». C’est peu dire…

C’est un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Ile-de-France qui ne va pas plaire à la mairie de Paris. Les magistrats se sont penchés sur le grand programme d’aménagement urbain Clichy-Batignolles (XVIIe arrondissement) que pilote la Ville au travers de la Société publique locale (SPL) Paris Métropole Aménagement (ex-PBA) depuis 2010. Problème : le document pointe une étrange largesse que l’opérateur de la ville a accordée aux promoteurs. Lors de négociations dont la CRC ne précise pas les dates, ils ont réussi à imposer 36 millions d’euros de rabais sur les droits à construire qu’ils devaient verser à l’aménageur. La CRC note ainsi que six lots, dont elle a anonymisé les détenteurs, ont vu leur facture passer de 261,5 millions d’euros à 226,8. Soit une baisse de 13,2%. Spectaculaire.

Mieux que le « Black friday »…

Mais un lot se détache. Le « lot D », selon la nomenclature propre à la CRC, a bénéficié d’un rabais digne du « Black Friday », avec 33,5 % de remise, soit une réduction de 13,6 millions d’euros… L’heureux bénéficiaire n’est autre que le constructeur Kaufman & Broad pour son immeuble Emergence, 50 mètres de haut, 12.677 m2 et 170 logements dont 72 vendus en accession à la propriété. Une belle opération qui, selon nos calculs élaborés avec des spécialistes du secteur, a dû couter un peu plus de 60 millions d’euros, comprenant les coûts de la construction et du foncier. Combien a-t-elle rapporté ? Impossible d’en savoir plus. Mais les brochures de promotion indiquent un prix de vente à 11.000 euros/m2 en moyenne.

Pour expliquer ces importants rabais, les promoteurs ont justifié d’une évolution sensible du coût des travaux par rapport à l’offre initiale, ainsi que d’importants problèmes de commercialisation. Autant de difficultés qui les auraient conduits à réajuster à la baisse le prix de vente des logements. Ces arguments ont visiblement convaincu l’aménageur de la Ville de Paris. Mais beaucoup moins la Chambre régionale des comptes, et c’est peu dire. « La société aurait dû prévoir des dispositions permettant tout au plus des ajustements à la marge et non des modifications d’une telle ampleur, écrivent les magistrats-enquêteurs, Il lui incombait de persuader les promoteurs que, pour présenter une offre sérieuse, ces derniers avaient disposé de l’intégralité des documents nécessaires dans le dossier de consultation. Ils étaient donc en mesure d’apprécier la portée des obligations mises à leur charge dans le cadre de l’appel à candidatures, tant sur le plan technique que financier. » Résultat : « En donnant suite à une partie des demandes de renégociation à la baisse des charges foncières, la société PBA a accepté de prendre à son compte une partie de la charge qui incombait initialement aux promoteurs. »

« La Chambre conteste (…) l’ampleur des rabais consentis par rapport à des prix initiaux »

Sont pointées du doigt les négociations qui ont conduit à un rapport de force plus que favorable aux promoteurs. Lesquels se trouvaient en effet en position de dire, peu ou prou, à l’aménageur de la Ville de Paris : « Soit vous réduisez vos prix, soit on pose la truelle et l’une des plus emblématiques opérations d’aménagement de la capitale capote. » Conclusion des magistrats : « La Chambre ne méconnaît pas que le marché ait pu connaître un certain tassement entre 2012 et 2015, tout en reprenant sa hausse par la suite. Elle conteste toutefois l’ampleur des rabais consentis par rapport à des prix initiaux surtout dans la première phase de la commercialisation de cette partie Ouest. »

D’autant que les affaires n’ont pas été si mauvaises, au final, pour les promoteurs. En témoigne l’activation des « clauses d’intéressement [qui] ont été insérées dans les actes de vente ». En clair, au-delà d’un certain prix, une partie du montant de la vente empochée par les promoteurs retourne dans les caisses de l’aménageur. Sauf que cela représente 3 millions d’euros, une goutte comparée aux 36 millions de rabais évoqués précédemment.

Des Contrats mal ficelés…

Les contrats mal ficelés, la Ville de Paris commence à les accumuler : de Vélib à ceux de la publicité urbaine et d’Eau de Paris, en passant par les contrats passés avec des concessionnaires comme celui de la CPCU (Engie) pour le réseau de chauffage urbain. Une fois encore, c’est une rédaction, pour le moins malheureuse, du contrat des lots de la ZAC Clichy-Batignolles qui permet au privé, en l’occurrence des promoteurs immobiliers, de récupérer 36 millions d’euros.

Pis, notent les magistrats, cette renégociation interroge sur les appels d’offres eux-mêmes. En effet, les rabais consentis placent mécaniquement la plupart des lauréats aux différents lots en-deçà des offres formulées par certains de leurs concurrents… Malgré ce gros point noir des rabais de 36 millions d’euros, dont il faudra quand même documenter la finalité, le rapport juge positivement l’opération. A la fin des travaux, la société Paris Métropole Aménagement devrait afficher un bénéfice de 122,5 millions d’euros qui finira dans les caisses de la Ville. De sorte que la capitale, qui a dû acheter le foncier à la SNCF, payer les travaux de voirie et financer des équipements collectifs, en serait de 282 millions d’euros de sa poche pour donner naissance sur ce site à « une ville de 6.500 habitants concentrant près de 12.700 emplois », selon les mots de Jean-Louis Missika, adjoint d’Anne Hidalgo chargé de l’urbanisme et de l’architecture. Les rabais consentis auraient donc creusé de 15% le coût pour le contribuable parisien…

Source : Marianne

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