La sécurité est le plus grand des biens

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Nous reproduisons ici l’éditorial du numéro 24 de la revue de géopolitique Conflits, ayant pour thème « Djihadisme, mafias: la World Connection »


« Pour une nation, la sécurité est le plus grand des biens. Si, pour l’acquérir, il faut mettre sur pied cent mille hommes et dépenser cent millions, je n’ai rien à dire. » Frédéric Bastiat avait compris, avec bien d’autres, que sans la sécurité il n’y a ni commerce, ni développement, ni vie culturelle, ni vie sociale. La sécurité est le plus grand des biens, car la condition nécessaire à la vie en société. Celle-ci doit se protéger des ennemis extérieurs et intérieurs, criminels, mafias, délinquants qui minent le corps social et menacent l’équilibre de la société. La sécurité est ce que l’on appelle un bien négatif: elle ne se remarque que lorsqu’elle a disparu. Comme dans ces quartiers urbains où les dealers ont pignon sur rue et où les bandes assurent leur loi.

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C’est l’un des paradoxes de notre époque : un État omnipotent et surendetté s’insère dans chaque parcelle de la vie des personnes, mais se révèle de plus en plus incapable d’assurer le service minimum qui justifie son existence : la sécurité des corps et des biens. La criminalité du quotidien est l’un des grands échecs des derniers gouvernements tant prospèrent, jusqu’au centre des métropoles, les activités des mafias, les trafics de drogue et d’armes. La criminalité n’est pas seulement une atteinte au corps politique, mais aussi une délégitimation de celui-ci. La sécurité est ce qui justifie l’existence des impôts et des taxes et le consentement à la violence légitime de l’État ne peut être opéré par les citoyens honnêtes que s’ils n’ont pas l’impression que celui-ci laisse faire le malhonnête. La sécurité protège les corps et les biens ; elle justifie aussi la confiance des personnes à l’égard de leurs autorités politiques, judiciaires et policières. Que la sécurité vienne à se rétracter et les autorités civiles perdront leur légitimité.

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Ces dernières sont confrontées à des mutations profondes de la violence depuis le début des années 1990. Nouvelles menaces technologiques, mondialisation des mafias, terrorisme, quartiers qui se détachent du cadre national, hybridation des entrepreneurs du crime qui mêlent lutte idéologique et razzia financière.

Au schéma classique qui distinguait les combattants politiques et les criminels a succédé une nouvelle matrice dans laquelle les deux catégories ne cessent de se mêler. Daesh vise à la fois un projet politique et en même temps vit du crime organisé, comme les cartels de la drogue qui mêlent contrôle des territoires et business illicite. Le crime est la face sombre des sociétés. Il se déploie en profitant de la corruption des juges et des politiques, qui en viennent parfois à soutenir les cartels, rongeant les États qui sombrent alors dans une guerre civile sans nom, comme au Mexique. Le crime se nourrit de l’omerta et des aveugles volontaires qui par naïveté ou idéologie politique refusent de nommer les mafias et de reconnaître la réalité de la gangrène criminelle qui se déploie dans les quartiers qu’ils administrent. Fermer les yeux et laisser faire en espérant des retombées électorales tacites est une forme de corruption passive de la part de ceux qui ont pour mission de faire respecter la loi de l’État et la sécurité des personnes.

La sauvegarde nécessaire de la sécurité ne doit pas néanmoins se faire au détriment de la liberté. Car tel est le danger des sociétés qui tombent dans l’escarcelle des criminels : établir un régime policier répressif qui au nom de la sécurité éliminerait la liberté. Suivi informatique des faits et gestes, archivage des données numériques, reconnaissance faciale, multiplication des caméras en zone urbaine…, la politique sécuritaire donne parfois davantage l’impression d’enrégimenter la population sous couvert de sauver sa sécurité plutôt que de lutter contre les criminels et les causes de la délinquance. Pour assurer leur sécurité face aux mafias, les personnes risquent, comme l’avait prévu Alexis de Tocqueville, de tomber dans la servitude volontaire et le despotisme bienveillant et de « n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger ». La sécurité est le plus grand des biens, quand elle assure la liberté.

Source : Causeur

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