La lettre hebdomadaire de Médiapart – mise en examen de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale

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Entre paralysie et corporatisme. Après la mise en examen de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, la classe politique se tait dans son immense majorité. Ou pire, s’en prend aux juges et aux associations anticorruption, après avoir ciblé ces derniers mois les médias.

La République en marche, le MoDem, La France insoumise, le Rassemblement national : tous ces partis ou leurs membres les plus éminents font l’objet de procédures judiciaires qui mettent en péril leur avenir.

Dès lors, tout est bon pour discréditer la justice française et ceux qui, par leurs enquêtes ou leurs plaintes, participent de près ou de loin à son fonctionnement.

Entendons-nous bien : tant que le parquet ne sera pas indépendant, un lourd soupçon pèsera sur la justice française, et l’affaire Ferrand en est le meilleur exemple : elle avait été classée sans suite par le procureur de Brest en 2017.

Mais alors même que la plainte de l’association Anticor a suscité la saisine de trois juges d’instruction, indépendants ceux-là, et la mise en examen du quatrième personnage de l’État, l’heure est à la solidarité, et pas seulement dans les rangs du gouvernement.

Bien peu de voix de parlementaires se sont élevées pour demander la démission du président de l’Assemblée nationale, qui eût paru logique au regard des principes édictés par Emmanuel Macron et Édouard Philippe depuis 2017.

Gilles Le Gendre, président du groupe LREM à l’Assemblée, a osé s’en prendre à l’association Anticor, alors que dans les affaires de biens mal acquis, dans celle des sondages de l’Élysée ou encore dans l’affaire Kohler, ce sont les associations anticorruption qui ont permis de pallier l’inertie du parquet : « Est-ce qu’une association peut peser sur le fonctionnement normal des institutions ? La réponse est non ! » La réponse fait surtout peur.

Source : Médiapart

A la suite de cet article de Médiapart, Frederic Carteron, ancien magistrat s’exprime sur sa page Facebook :

Monsieur Gilles le Gendre, patron des députés LREM, vous êtes dans l’erreur.

A l’occasion de la mise en examen de Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, Gilles le Gendre, chef de file des députés LREM, s’exprime de manière aussi surprenante qu’inquiétante. « Ce qui lui vaut aujourd’hui cette mise en examen, c’est la plainte d’une association. Est-ce qu’une association peut peser sur le fonctionnement normal des institutions ? »

La réponse est non !

Tout d’abord, l’association anti-corruption ne pèse pas sur le fonctionnement normal de l’Assemblée nationale. Son action se passe sur un tout autre terrain : lutter contre la corruption qui gangrène notre modèle de société. Il s’agit donc d’une action judiciaire et non pas législative.

Faire l’amalgame entre ces deux formes d’actions revient à faire un procès de mauvaise intention à cette association.

La question sous-jacente est bien plus préoccupante : « Qui donc ose saisir la justice ? » Ce n’est que dans le cadre de régimes oligarchiques que certains individus proches du pouvoir sont au-dessus des lois ; en France, la loi s’applique à tous de manière identique.

A la question « une association peut-elle saisir la justice pour lutter contre la corruption ? », la réponse est évidemment « oui », trois fois « oui ».

Cela résulte du principe de l’équilibre des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, laquelle peut être saisie par des associations ou toutes personnes ayant un intérêt à agir dès lors qu’il existe des « indices graves ou concordants laissant présumer la commission d’un crime ou d’un délit ».

La multiplication des attaques, des restrictions et des critiques à l’égard de la liberté de la presse, de la liberté de réunion et de l’action d’associations anti-corruption constitue une atteinte au fonctionnement normal de notre démocratie. En effet, le fonctionnement d’une démocratie repose sur les principes du contrôle et de l’équilibre des pouvoirs afin de contrer les dérives oligarchiques.

Aussi la démocratie n’a pas à « rentrer dans le rang » ou « à mettre le doigt sur la couture du pantalon », et il est du devoir de chaque citoyen et de chaque association de s’assurer du fonctionnement normal de nos institutions et du respect de la loi par tous.

Retrouvons le chemin de la raison en rappelant les principes sur lesquels repose notre démocratie et qui résistent aux passions et aux épreuves du moment : « La Loi est l’expression de la volonté générale […]. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » (Article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et des Devoirs du Citoyen).

 

 

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