La Gendarmerie, bon ou mauvais élève pour le temps de travail ?

Paris, le 24 juin 2017, la ministre de la Défense, Florence Parly accompagne une patrouille du dispositif Sentinelle au parc André Citroën dans le 15ème arrondissement. (P-M. GIRAUD/ESSOR)
Paris, le 24 juin 2017, la ministre de la Défense, Florence Parly accompagne une patrouille du dispositif Sentinelle au parc André Citroën dans le 15ème arrondissement. (P-M. GIRAUD/ESSOR)

Précédent « dommageable » ou au contraire « dialogue pragmatique » ? La Gendarmerie se retrouve, à son corps défendant, en première ligne sur la question de la transposition de la directive européenne sur le temps de travail. Ce mardi 7 novembre, Florence Parly a en effet pris à partie l’Institution, à l’origine, selon la ministre des armées, d’un précédent « dommageable ».

« La Gendarmerie a pris l’initiative de transposer à sa manière cette directive, ce qui est dommageable, pour ce qui concerne la disponibilité des forces dont dispose la Gendarmerie, et ce qui est malheureusement dommageable pour le reste des forces armées, puisque cela créé une sorte de précédent dont nous ne souhaitons surtout pas l’extension. » Florence Parly, au Sénat, devant la commission des affaires étrangères et des forces armées.

 

On le sait depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, le 18 octobre, la France va battre le fer à Bruxelles pour que ses forces armées puissent déroger aux règles prévues par cette directive, poussée au départ par Paris ! Un « vieux serpent de mer », comme l’a rappelé Florence Parly, qui devrait bientôt aboutir. Paris a désormais moins de deux mois pour appliquer cette directive. Pour les autorités, elle complique l’emploi des forces. Pour les personnels, elle est synonyme de progrès social.

Seule la Gendarmerie applique partiellement la directive

La directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail.

Pour le moment, seule la Gendarmerie a transposé partiellement la directive en prévoyant, via l’instruction provisoire 36132, un temps de repos journalier de onze heures. Quant aux temps de travail hebdomadaire ou

annuels, également encadrés par la directive, tout reste encore à faire, dans la Gendarmerie comme dans les autres armées.

Richard Lizurey, le 25 octobre, devant la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat.

 

La pique de Florence Parly à l’égard de la Gendarmerie étonne. D’une part, le directeur général l’a rappelé au Sénat devant la même commission : l’Institution suivra Balard, chef de file dans ce dossier. « La directive temps de travail suscite un certain nombre de réactions et de réflexions, expliquait Richard Lizurey, le 25 octobre. Nous nous inscrivons dans une logique statutaire pour sa mise en place. Je m’inscris dans ce que fera la ministre des Armées, car s’agissant d’une logique statuaire, c’est à elle de donner le la. »

D’autre part, la Gendarmerie n’a mis en place cette instruction provisoire que contrainte et forcée. L’association professionnelle nationale de militaires Adefdromil rappelle ainsi avoir « soulevé le problème en avril 2014 et contraint la DGGN a retiré l’instruction en vigueur à l’époque à la suite d’un recours engagé devant le Conseil d’Etat ».

« La volonté présidentielle et ministérielle de ne pas transposer ou de transposer a minima la directive européenne aux militaires français est une faute politique, d’autant moins compréhensible si on se réfère aux déclarations pro-européennes du chef de l’Etat, explique à L’Essor Jacques Bessy, le président de l’Adefdromil. En tout état de cause, il est irréaliste de vouloir maintenir un régime de temps de travail des militaires fortement dérogatoire par rapport au régime appliqué au reste de la population et des citoyens qu’ils ont pour mission de protéger. »

Autre réaction grinçante à la déclaration ministérielle, celle de l’APNM GendXXI. « Le ministère des Armées et le gouvernement en général ne peuvent plus continuer de demander aux hommes et femmes qui protègent notre pays de renoncer à leur droits en temps de paix », commente l’association. « Il en va de l’équilibre individuel, familial mais aussi de la reconnaissance du métier et de son attractivité. »

La France demande des exemptions maximales

Peu de détails ont pour l’instant transpiré sur la manière dont la France compte exempter ses militaires. Mais Florence Parly a donné quelques indications sur le travail de lobbying mené actuellement par la France. Les pouvoirs publics espèrent non pas éviter la transposition, mais au contraire négocier des « exemptions maximales », avec comme principal argument, « la gravité des menaces qui pèsent sur l’Europe ».

« Nous y travaillons, le résultat de ces travaux sera très rapidement fourni au président de la République qui s’est ému de cette situation à juste titre », explique Florence Parly.

L’heure presse pour le Gouvernement. Car de nombreux militaires ont déjà engagé des contentieux, en France ou devant la Cour de justice de l’Union européenne, qui, remarque la ministre, « ne pourront qu’aboutir » faute d’obtention d’exemptions pour les Armées. Une exemption qui serait alors très peu du goût des associations de militaires. GendXXI appelle ainsi « une transposition intelligente et un dialogue pragmatique tenant compte des contraintes opérationnelles, des aspirations des militaires et de l’évolution de la société ».

De son côté, l’Adefdromil milite pour la création d’un « compte épargne temps », soldé soit en fin de carrière soit après plusieurs années, pour « permettre à tous les militaires de cumuler leurs droits à permissions, à congés et à repos qu’ils n’auraient pu prendre en raison de l’exigence de disponibilité ». Seront-ils entendus ?

Gabriel THIERRY

Source : L’Essor.org

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