La fabrique de la Vérité par nos Juges médiatiques à l’heure du tout-numérique

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Le soutien quasi-inconditionnel aux nouvelles industries numériques, au projet de la   smart city depuis la promotion régalienne de la « start-up nation », la volonté d’en atténuer systématiquement l’impact sanitaire, comme d’en négliger l’impact social, éducatif, sociétal, est une orientation clairement idéologique dans la ligne éditoriale de beaucoup de médias.

 

Il concourt à marginaliser, depuis la hauteur de leur certitude sur la question, ceux qui doutent, en conscience et à bonne raison, des bienfaits annoncés du tout-numérique comme nouvel horizon du capitalisme mondial. « L’innovation » et la « disruption » sont les deux mantras verbaux du « progressisme » technico-numérique pour ce qui est considéré comme allant de soi dans le cours inéluctable de l’Histoire – basse continue d’une petite musique distillée quotidiennement. Le principe d’innovation concernant le monde du numérique se substitue au principe de précaution, tendant à le « ringardiser » – principe de précaution pourtant durement arraché à force de lutte contre les lobbys industriels.

 

Il n’est pas surprenant que le Président Macron, comme Thierry Breton (Orange, Atos…) au niveau européen, envisagent de détricoter le principe de précaution avec les ciseaux du principe d’innovation (et de promouvoir la miraculeusement innovante 5G). Comme cela a été fait en protégeant le « secret industriel » des « lanceurs d’alerte », acte scandaleux qui n’a pas secoué plus que cela les médias. Nous savons donc déjà que si critiques il y aura de leur part, elles se feront à bas bruit ou relèveront de Tartuffe.

Comment ne pas voir que le monde du numérique fonctionne sur le mode d’une pensée magico-religieuse qui nous parle de « dématérialisation » et nous assure de l’innocuité des ondes : immaculée conception et souffle du Saint-Esprit.

 

Alors il lui faut ses grands prêtres et ses petits prêcheurs.

 

La mise en place dans les médias dominants d’un Tribunal de la Vérité permanent, à travers les Décodeurs et autres Checknews, est très instructive Plus de zones intermédiaires ou d’entre-deux énonciatif – plus que la Vérité en fonctionnement digital « Vrai »/ « Faux », 1-0, catégorique, et comme si un biais idéologique n’existait plus. Une vérité cristalline de Jugement divin : voici le Vrai/voilà le Faux. Ces détecteurs quasi-machiniques de Vérité ne voient pas qu’intervient aussi dans leur quête de vérité un mode de « cherrypicking » (1)… pourtant dénoncé par eux dans leur analyse des « fake news ». Les énormités énoncées sur tel ou tel réseau social qu’ils repèrent (comme si leurs lecteurs avertis ne savaient pas les détecter), n’empêchent pas leurs évitements informatifs, leurs biais de jugement, une non-information sur des sujets essentiels qui a du mal à masquer leur parti-pris.

 

Comment ne pas constater que les médias « traditionnels », ou « mainstream », développent auprès du citoyen lambda une vulgate idéologique favorable aux nouvelles technologies numériques, toujours envisagées comme libératrices de l’humain ?

Il est patent qu’ils ne semblent pas bien digérer la concurrence d’Internet qui leur est cruelle, et pas davantage le fait que l’on peut apprendre AUSSI par ce vecteur moins contrôlé, sujet à des affirmations douteuses ou erronées, mais plus ouvert aux non-dits ou s’écartant de la doxa  » officielle  » – d’où, qui sait, leur traque maniaque du « complotisme » jusque dans les moindres recoins du net.

 

Il serait intéressant de recenser les évitements de ces médias concernant le monde du numérique. En voici quelques exemples :

– l’origine du capteur Linky, ruineux pour le contribuable, très écologiquement discutable, alors qu’il y avait des solutions plus simples et moins onéreuses, relève d’un conflit d’intérêt et d’une forme de tromperie à l’égard de l’Europe. Scoop pour personne si peu que l’on veuille prendre la peine d’investiguer un peu (mais investiguent-ils encore aujourd’hui ?)

– ce capteur, que l’on veut imposer à tous, est peu fiable et souffre de défauts de conception technique. Qui cherche à le savoir ?

– la loi Abeille a été progressivement détricotée sans alarme médiatique ;

– nous n’avons eu aucun écho du scandale du DAS trafiqué de téléphones mobiles révélé par le Dr Arazi en France puis par le Chicago Tribune, objet d’une plainte de la Justice californienne, peut-être parce que ce n’était, pour eux, pas aussi grave que la tromperie des logiciels de voitures ;

– nous ne lisons ni n’entendons aucune information sur les recherches pour des alternatives à la voiture électrique, ce qui pourtant nous intéresserait ;

– nous ne voyons jamais d’enquête approfondie sur les conflits d’intérêts et pantouflage des membres du CEA, de l’ANSES, de l’ANFR et autres organismes d’État, comme sur le pedigree de leurs médecins, sur leur manque d’indépendance à l’égard des industriels ;

– les bruits de corruption autour de l’OMS, de l’ICNIRP, sur les troubles actions du                      « philanthrope » Bill Gates, cet homme si remarquable : des ragots, toujours des ragots.

– enfin, que dire de l’absence de réaction des médias quand un fou furieux, afin de déployer la 5G, est en train d’assassiner le ciel, suscitant le plus vif émoi des astronomes, astrophysiciens et météorologues. Pas de Unes de protestation, d’appel international pour qu’on l’arrête, l’emprisonne au plus vite pour son action criminelle. (Marianne et Le Monde ont fait un effort sur ce sujet).

Les sociologues nous expliqueront peut-être un jour pourquoi des médias, et tout particulièrement ceux relevant d’une tradition de gauche politique comme d’une écologie dite de gauche, en sont à ce point devenus ce que leurs fondateurs auraient appelé des Appareil Idéologiques d’État.

Leur présupposé idéologique repose sur une suite de marqueurs :

– après des années de démission des gauches et des Verts politiques face au néolibéralisme dominant toutes les sphères de la société, face aux effets dévastateurs de la mondialisation, et vu l’état de décomposition de nos sociétés qui s’en est suivi, le salut de l’humanité et de la planète viendra de la technologie, et donc du numérique.

–  surtout ne pas vouloir entendre que les ondes artificielles pulsées, polarisées dans l’air et qui se multiplient dans la cité, ont leur part de contribution dans l’inflation des cancers et l’accroissement de l’exposome, qui pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur le vivant en son entier. La pose d’antennes multiples dans notre environnement semble faire partie d’un ordre naturel des choses, présupposant une totale innocuité ou un très faible risque pour riverains et passants, et a fortiori les enfants. Tout va bien puisque les normes officielles, édictées par les industriels et leurs médecins, basées sur les seuls effets thermiques – et devenues pourtant obsolètes –  sont respectées. Alors, « non prouvé » – on verra plus tard si il y a des dégâts, et tant pis pour le principe de précaution.

– critiquer au nom du « progrès » et de « l’innovation » ceux qui s’alarment du développement du capitalisme mondial – libéral ou de contrôle d’État – reposant sur le développement massif, réticulaire, tentaculaire des TIC, jusqu’au plus intime de la personne, puisque relevant d’un « humanisme » dépassé (« vous n’avez rien à cacher »).

– cultiver le relativisme face au projet de surveillance de masse par un totalitarisme numérique programmé, et ce via les objets mêmes du quotidien de plus en plus communicants imposés aux citoyens. Le modèle chinois d’innovation, préfigurant notre avenir sociétal « d’efficacité numérique », ne les effraie pas tant que ça.

– l’anonymisation des données privées accumulées est un fait sans grand danger pour le citoyen ni sans trop d’arrière-pensées intéressées puisqu’il existe des organismes d’État, naturellement neutres et indépendants, pour y veiller. Il faut donc leur faire confiance.

– toute réserve sur la machinisation du quotidien, du sensible, toute critique de l’emprise grandissante du virtuel et des écrans sur le réel, l’éducation des enfants et l’humaine décision, toute distance à l’égard de l’addiction aux applications mobiles et aux smartphones, est rétro, voire réactionnaire.

– ils s’apitoient sur les victimes de la « fracture numérique » sans voir la déshumani-sation et la casse sociale que crée la robotique dans les services publics au détriment de la présence humaine.

– ils ne veulent particulièrement pas comprendre que l’imposition du tout-numérique, sans le moindre débat démocratique, s’appuyant sur la fascination des masses envers des objets de confort infantilisant et le plus souvent inutiles, entre en complète contradiction avec les exigences d’une sobriété des besoins essentiels eu égard à la sauvegarde la plus urgente de notre planète.

– le tout-numérique extensif, vu les ressources fossiles extractives qu’il nécessite, est un néocolonialisme de fait, une exploitation humaine épouvantable et honteuse, loin de nos regards, qui aurait révulsé les écologistes-pionniers et la gauche « humaniste » d’antan. L’impact très inquiétant de l’industrie numérique sur les écosystèmes ne les préoccupe pas du tout, ou très peu.

– la « transition numérique » implique non seulement une société de surconsommation  aberrante d’objets et d’obsolescence programmée, mais aussi une gabegie d’énergie dans la plus grande confusion d’une transition dite « écologique/énergétique » sur laquelle ils ne s’interrogent pas.

– pour eux, « le progrès » tel qu’il va est dans la continuité d’esprit des Lumières et le gage de notre salut éternel, transcendant toutes les crises. Donc, il faut continuer à répéter cette antienne quelle que soit la gravité de la crise, y compris de celle intrinsèque à l’idée même de progrès. On peut douter de tout (du nucléaire, de l’agroalimentaire, du pharmaceutique, des moteurs thermiques, des énergies fossiles…) mais surtout pas du seul progrès « inéluctable » : le tout-numérique comme notre indépassable horizon.

 

Nos Docteurs ès Vérité se poseront-ils un jour cette question : pourquoi beaucoup de leurs lecteurs, auditeurs, dont certains ont une expérience du journalisme et de la communication comme de l’analyse sémiologique des énoncés, ne leur accordent pas plus confiance qu’à leurs gouvernants ? C’est que ces lecteurs, auditeurs, constatent, dans ces médias, un accompagnement idéologique accentué des desiderata des pouvoirs politico-économiques et une dérive manifeste dans la consanguinité des conflits d’intérêts, puisque sous la coupe financière de grands capitaines d’industrie.

Cela se remarque très visiblement sur le sujet de la société « dématérialisée » du numérique, du monde merveilleux de la  smart-city comme projet annoncé de civilisation. Ces médias, manifestement sous le coup d’une sidération de masse, sont à la fois le credo et le vecteur de transmission des lobbys au pouvoir, ce qui amenuise leur indépendance de jugement et leur ôte beaucoup de lucidité au vu de l’extrême gravité des enjeux.

Nous en concluons que la nouvelle fabrique de la Vérité, ou nouveau mode de « libre » propagande d’État dans les médias, serait un excellent sujet de recherche universitaire.

 

(1) technique de « la cueillette de cerises » consistant à grappiller ici et là des informations afin de constituer le corpus argumentatif – et idéologique – de ce que l’on veut démontrer.

Source : Cercle nantais pour une social-écologie & Nantes1 anti-Linky5G 

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