La double peine du brigadier de la fluviale

Patrick Huguet, plongeur expérimenté, a été visé par une enquête qui a abouti à un non-lieu au bout de trois ans.

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Mis en cause après une intervention, il vient d’être blanchi par la justice mais reste puni par son administration.

Sa vie professionnelle a basculé il y a trois ans. Le 17 décembre 2013, Patrick Huguet, brigadier-chef au sein de la prestigieuse brigade fluviale de la préfecture de police de Paris (PP), est appelé pour une intervention sur un « cadavre flottant ». « Il était entre la berge et une péniche, le Jolia, à hauteur du pont de la Tournelle, tout près de la cathédrale Notre-Dame », se souvient Patrick Huguet, 44 ans aujourd’hui.

 

« J’avais deux collègues sous mes ordres. Ce matin-là, il y avait beaucoup de courant et notre sécurité n’était pas assurée pour accéder au cadavre. » Plongeur expérimenté, il décide quand même de se mettre à l’eau, avant l’arrivée de renforts pour assurer l’intervention. Une fois près du corps « inanimé et ne présentant aucun signe de vie » — ainsi que l’ont décrit les premiers policiers intervenants —, le brigadier constate l’absence de « rigidité cadavérique ».

 

« Cette personne n’était, en réalité, pas morte, souffle-t-il. J’ai aussitôt procédé à un massage cardiaque alors que je me trouvais encore dans l’eau, même si je savais que c’était inefficace. » Après plusieurs minutes d’effort, la victime est extirpée d’une eau à 3 °C et évacuée vers l’hôpital. Elle y décède dans l’après-midi. Quelques heures plus tôt, elle avait laissé un message à ses parents signifiant sa volonté de mettre fin à ses jours.

Placé en garde à vue et déféré devant le juge

 

Alerté des circonstances de ce décès, le parquet de Paris diligente une enquête pour déterminer d’éventuels manquements de la part des sauveteurs. Informé, le père de la défunte ne partage pourtant pas ces soupçons, estimant que les policiers avaient été « extrêmement rapides et corrects ».

 

En février 2014, Patrick Huguet est convoqué par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), la police des polices, avant, finalement, d’être placé en garde à vue puis déféré devant un juge d’instruction. « J’ai été entravé avec des chaînes avant d’être enfermé dans les geôles du tribunal comme un voyou, dénonce ce père de deux enfants. Ça, ça fait mal… Finalement, j’ai été placé sous statut de témoin assisté pour des faits d’homicide involontaire et omission de porter secours. »

 

Dans la foulée, le policier voit sa carrière mise entre parenthèses. « J’ai été déplacé de mon poste. Je me suis retrouvé à ranger des cartons et à démonter des étagères. »

 

Aujourd’hui blanchi par la justice — l’instruction a conclu à un non-lieu en sa faveur —, Patrick Huguet, désormais en poste à Marseille (Bouches-du-Rhône), est pourtant toujours sous le coup d’une sanction administrative : « J’ai subi trois ans d’instruction et autant d’investigations pour aboutir à un tel résultat ? C’est ridicule. J’ai été sanctionné par mon administration avant les conclusions judiciaires. C’est une double peine. »

 

Son avocat, M e Gérard Mattei, évoque « un immense gâchis ». Il pense aussi à la famille de la victime « dont le deuil a été inutilement perturbé ».

Source :   Le Parisien

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